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Retraites : sans réforme, le déficit va-t-il vraiment être multiplié par 24 en 2050, comme le laisse penser le gouvernement ?

Dans son dossier de presse sur la réforme des retraites, l’exécutif a choisi, pour illustrer le besoin de financement du système, une présentation largement fallacieuse.
par Luc Peillon
publié le 11 janvier 2023 à 15h21

Présentée mardi soir par la Première ministre, Elisabeth Borne, la réforme des retraites prévoit, dans ses principales mesures, un report de l’âge légal de départ à 64 ans (contre 62 actuellement), couplé à une accélération de la hausse de la durée de cotisation pour prétendre à une retraite sans décote (43 annuités à partir de la génération 1965, contre 1973 jusqu’ici). Objectif : résorber le déficit attendu du système, lié, selon le gouvernement, à une dégradation à venir du ratio entre les cotisants et les retraités, qui devrait passer de 1,7 cotisant pour 1 retraité en 2022 à 1,5 pour 1 en 2040.

Or selon les documents remis par Matignon à la presse, ce déficit, sans réforme, va sérieusement dégringoler dans les décennies à venir. Dans le cadre du scénario retenu par l’exécutif (1 % de productivité et 4,5 % de chômage), il devrait ainsi passer de 1,8 milliard d’euros cette année à 13,5 milliards en 2030, et surtout à 43,9 milliards en 2050. Soit une multiplication par 7,5 du déficit d’ici 2030 et par… 24,3 en 2050 !

Sauf que cette présentation - avec une échelle des ordonnées qui passe par ailleurs de 5 unités à 20 unités d’un coup - est largement trompeuse. Elle est en effet basée sur des «euros courants», c’est-à-dire augmentés chaque année de l’inflation. Mais le PIB, autrement dit la richesse produite par le pays, dont dépend le financement des prestations sociales, dont les retraites, augmente lui aussi chaque année dans le scénario retenu. Parler d’un déficit en euros courants sur une si longue période a donc peu de sens, s’il n’est pas mis en regard avec l’enveloppe dont il relève, et qui gonfle elle aussi au fil du temps. Et sur cette période attendue de croissance, de façon plus importante encore que l’inflation.

C’est pour cette raison que le Conseil d’orientation des retraites (COR) ne parle pas, à long terme, en euros, mais en pourcentage du PIB, qui permet d’illustrer la part que ce déficit représentera par rapport à la richesse nationale. Ce qui interroge, au passage, sur la mention «COR» indiquée comme «source» en bas à gauche du graphique.

Selon le dernier rapport du COR de septembre 2022, le déficit va bien se dégrader, mais pas dans les proportions affichées par l’exécutif. Il devrait ainsi passer, dans le même scénario macroéconomique, de 0,1 % du PIB cette année à 0,4 % du PIB en 2030, et à 0,8 % du PIB en 2050. Soit une multiplication par 4 d’ici 2030, contre 7,5 selon le gouvernement. Et par 8 d’ici 2050, contre 24,3 selon le gouvernement.

Joint par CheckNews, l’entourage de la direction du COR rappelle sa position: «Entre l’inflation et le fait que l’on sera plus riche qu’aujourd’hui, parler en euros courant d’ici 2050 n’a aucun sens, c’est de l’illusion nominale. C’est pour cela que nous parlons toujours en pourcentage du PIB».

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