Le cri d’alarme des associations face à la forte hausse du nombre de demandeurs d’aide d’alimentaire ne reflète pas l’entiéreté du problème. Selon une étude publiée jeudi 7 septembre par le Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie (Crédoc), parmi les personnes « qui ne mangent pas toujours à leur faim », la moitié seulement frappe à la porte des Restos du cœur, du Secours populaire, d’Emmaüs, d’une épicerie solidaire ou autre. « Une personne sur deux se débrouille sans recours à l’aide alimentaire », souligne cette étude, réalisée en partenariat avec l’université de Bordeaux. Un chiffre considérable au regard de la population concernée.
Selon l’Insee, début 2022, environ 14 % de la population métropolitaine, soit neuf millions de personnes, était « en situation de privation matérielle et sociale », soit le plus haut niveau depuis 2013. Et tout laisse à penser que depuis l’an dernier, la hausse des prix alimentaires n’a fait que grossir les rangs de ces personnes en difficulté. L’Institut national de la statistique met dans cette catégorie les personnes « ne pouvant pas couvrir les dépenses liées à au moins cinq éléments de la vie courante parmi treize, parmi lesquelles chauffer son logement, acheter des vêtements neufs, accéder à Internet ou se réunir une fois par mois avec des amis autour d’un verre ou un repas ».
Comment expliquer ce non-recours mis en évidence par le Crédoc ? La méconnaissance des dispositifs, le fait de ne pas savoir exactement vers qui se tourner, invoqué par une personne sur cinq, les règles de fonctionnement propres à chaque dispositif ou association peuvent jouer. Mais deux autres explications dominent : d’abord, la gêne ou le sentiment de honte, cité par 35 % des personnes concernées. Et d’autre part, l’idée « que l’on n’a pas droit à cette aide », mise en avant également par 35 % des personnes.
Seules 12 % des personnes cumulent les aides
« Les gens peuvent penser qu’il y a toujours plus pauvre que soi », soulignent Marianne Bléhaut et Mathilde Gressier, qui ont coordonné ces travaux au Crédoc. Paradoxalement, une faible minorité de personnes (14 %), bien qu’en situation précaire, affirment ne pas avoir besoin d’aide. « Une forme de rejet de cette solution associée dans l’imaginaire à la grande pauvreté », ajoutent-elles. A contrario, très peu de précaires multiplient le recours aux dispositifs proposés : seules 12 % des personnes cumulent les aides pour manger à leur faim, par exemple en bénéficiant de repas gratuits et en fréquentant une épicerie sociale et solidaire.
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