génétiqueVous avez des origines africaines ? Votre groupe sanguin est très recherché

Pourquoi les personnes d’origine africaine et caribéenne sont encouragées à donner leur sang ?

génétiqueL’Etablissement français du sang (EFS) met les bouchées doubles pour inciter les personnes de toutes origines à donner leur sang
Les personnes originaires d’Afrique subsaharienne, des Drom, de la Réunion ou de Mayotte ont plus de chances d'avoir un groupe sanguin rare en France.
Les personnes originaires d’Afrique subsaharienne, des Drom, de la Réunion ou de Mayotte ont plus de chances d'avoir un groupe sanguin rare en France.  - 74images / Canva
Lise Abou Mansour

Lise Abou Mansour

L'essentiel

  • L’Etablissement français du sang (EFS) lance ce lundi une nouvelle édition de sa semaine de sensibilisation aux groupes sanguins rares.
  • Le but : augmenter la diversité des donneurs et récolter du « sang rare ».
  • Les personnes originaires d’Afrique subsaharienne, des Drom, de la Réunion ou de Mayotte ont plus de chances d’être concernées. On vous explique pourquoi.

Personnes d’origines afro-caribéennes sur les affiches de campagne, partenariats avec des acteurs de quartier, discussions avec des représentants cultuels… L’Etablissement français du sang (EFS) met les bouchées doubles pour inciter les personnes de toutes origines à donner leur sang.

Pour la troisième année consécutive, l’EFS lance ce lundi une nouvelle édition de sa semaine de sensibilisation aux groupes sanguins rares. Le but : augmenter la diversité des donneurs et récolter du « sang rare » pour transfuser les patients ayant un groupe sanguin spécifique. En France, selon l’EFS, 700.000 à un million de personnes sont porteuses de groupes sanguins rares, et celles originaires d’Afrique subsaharienne, de la Martinique, de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Réunion ou de Mayotte sont particulièrement concernées. Pourquoi ? On vous explique tout.

Un visuel de la nouvelle campagne de l'EFS à l'occasion de la troisième édition de la semaine de sensibilisation aux groupes sanguins rares.
Un visuel de la nouvelle campagne de l'EFS à l'occasion de la troisième édition de la semaine de sensibilisation aux groupes sanguins rares. - EFS

Près de 390 groupes sanguins plus ou moins rares

Si le grand public connaît les groupes sanguins A, B, AB, O et les rhésus + et –, ils vont en réalité bien au-delà. « On compte aujourd’hui plus de 390 groupes sanguins différents », explique Jacques Chiaroni, professeur d’hématologie et directeur de l’EFS Paca-Corse. Une personne possède ainsi plusieurs marqueurs, et peut donc être à la fois A, rhésus positif et Vel positif, par exemple.

« Parmi ces près de 400 marqueurs, environ la moitié est possédée par quasiment toute la population générale, ajoute Thierry Peyrard, directeur du département national de référence en immuno-hématologie et sang rare à l’EFS. Mais près de 250 sont considérés comme rares. Par exemple, 99,96 % de la population est Vel positif alors que seule une personne sur 2.500 est Vel négatif. » Et cela a son importance, car un malade transfusé avec du sang incompatible pourrait voir son pronostic vital engagé, même après une seule transfusion.

Une « géographie des groupes sanguins »

Parmi ces groupes sanguins, certains sont fréquents dans certaines populations et rares dans d’autres. Une véritable « géographie des groupes sanguins ». « Si l’un d’eux est fréquent dans une population et que cette dernière se déplace dans une autre zone pour s’y établir et qu’elle ne donne pas de sang, il existe un risque de blocage transfusionnel, poursuit Jacques Chiaroni. Moi, par exemple, je suis rhésus négatif et, si je vais en Chine, je suis intransfusable car le rhésus négatif n’existe quasiment pas. » Conséquence : les personnes à « sang rare » qui ont besoin d’être transfusées ne peuvent être convenablement soignées. Et cela peut provoquer des inégalités d’accès à la transfusion en fonction de son origine.

Cela nous ramène à la campagne de l’EFS à destination des personnes ayant un groupe sanguin rare, parmi lesquelles celles d’origine africaine. « Le U négatif, par exemple, est rare et recherché en France, souligne Thierry Peyrard. En dix-huit ans, j’ai rencontré une seule personne d’origine européenne U négatif, alors que chez celles d’origine africaine, 2 % ont ce groupe sanguin, et ce chiffre monte à 11 % si on s’approche de la zone équatoriale. »

Cette diversité génétique plus importante s’explique historiquement. « L’homme moderne étant arrivé en Afrique il y a 250.000 ans, la population africaine est beaucoup plus ancienne que les autres populations du monde, rappelle le professeur d’hématologie. Et plus une population est ancienne, plus elle a de diversités génétiques, ce qui est le cas en Afrique. »

Davantage touchées par la drépanocytose

Si l’EFS cherche à augmenter la diversité des donneurs, c’est aussi parce que certaines pathologies, comme la drépanocytose, touchent majoritairement des personnes d’origine africaine ou caribéenne. Cette maladie génétique, la plus fréquente en France avec 30.000 malades, se caractérise par une malformation des globules rouges. Une grande partie de la thérapie passe par des transfusions régulières.

La générosité (et la diversité) des donneurs de sang est donc essentielle à la survie des malades sachant que « la drépanocytose se soigne mieux et l’espérance de vie des malades est beaucoup plus longue qu’il y a une vingtaine d’années », ajoute l’épidémiologiste. Il faut donc davantage de transfusions.

Des réticences culturelles et religieuses

Le manque de diversité dans les dons s’explique aussi par des réticences culturelles et cultuelles, selon Jacques Chiaroni. « C’est notamment lié à une mauvaise interprétation de la religion, en particulier musulmane. J’ai beaucoup travaillé avec des Comoriens marseillais qui pensaient que leur religion leur interdisait de donner du sang. » Le directeur de l’EFS local a donc travaillé main dans la main avec des imams et des professeurs d’école coranique pour lever le doute et faciliter les dons.

Mais selon Thierry Peyrard, le problème se pose de moins en moins. « Les choses bougent. De plus en plus de jeunes d’origines africaine et caribéenne deviennent des donneurs réguliers. En Guadeloupe et en Martinique, les donneurs font un travail remarquable pour subvenir aux besoins de la France métropolitaine. »

Contrairement aux autres poches, celles des personnes possédant un groupe sanguin rare se retrouvent, sauf besoin immédiat, dans la Banque nationale de sang rare. Située en banlieue parisienne, elle regroupe près de 8.400 poches congelées qui pourront être utilisées pendant trente ans.

Sujets liés