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Réforme des retraites : comprendre le contenu et les enjeux en 26 questions

Age légal à 64 ans, pénibilité, durée de cotisations, carrières longues… Décryptage pour comprendre les annonces faites, mardi, par la première ministre, Elisabeth Borne, et les détails de la réforme.

Par , et

Publié le 19 janvier 2023 à 12h36, modifié le 02 mars 2023 à 11h01 (republication de l’article du 06 janvier 2023 à 15h21)

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Une nouvelle version de cet article a été rédigée pour rendre compte des évolutions du texte, des débats parlementaires, des réactions des oppositions et des syndicats, etc.

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A partir de 2030, la plupart des salariés devront travailler deux ans de plus pour pouvoir prétendre partir à la retraite. Cette promesse de campagne d’Emmanuel Macron agite le climat social en ce début d’année 2023.

Comment le gouvernement la justifie-t-elle ? A quel point diffère-t-elle de la précédente réforme abandonnée en 2020 par Emmanuel Macron ?

Pour tenter d’y voir plus clair, les Décodeurs ont rassemblé des questions sur ce sujet essentiel et explosif.

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Quelles sont les principales mesures de cette réforme des retraites ?

  • Cette réforme vise d’abord à reculer progressivement l’âge du départ en retraite, de 62 ans aujourd’hui, à 64 ans en 2030, par tranches de trois mois par an à partir du 1er septembre 2023.
  • Une deuxième mesure y a été ajoutée : un allongement de la durée de cotisation qui sera appliqué plus rapidement que prévu par la loi Touraine de 2014. De quarante-deux ans aujourd’hui, la durée de cotisation passera à quarante-trois ans en 2027 (au lieu de 2035) sur un rythme d’un trimestre supplémentaire exigé par an. 
  • Pour les carrières longues, les personnes qui ont commencé à travailler entre 14 ans et 16 ans pourront partir à la retraite à 58 ans, et à 60 ans pour ceux dont la carrière a débuté à 16 ans.
  • Le projet de loi en discussions intègre la création d'un Fonds d’investissement dans la prévention de l’usure professionnelle ainsi que l'assouplissement des règles permettant d'utiliser les "points pénibilité" — un dispositif largement raboté en 2017 lors du premier mandat d'Emmanuel Macron. 
  • Alors que le recul de l’âge de départ à la retraite pose la question de l’employabilité des seniors, le projet de réforme prévoit la mise en place d’un « index senior ». Ce dispositif incitatif serait chargé de suivre la situation des salariés en fin de carrière dans les grandes entreprises. Initialement réservé aux entreprises de plus de 1000 salariés (puis de plus de 300 à partir de 2024), il pourrait être élargi aux structures de 50 employés, a suggéré le 1er février le ministre du travail, Olivier Dussopt. 
 

Comment le gouvernement justifie-t-il sa réforme ?

Emmanuel Macron a répété vouloir « sauver » le système par répartition, afin de « préserver notre modèle redistributif », et équilibrer les comptes. « L’objectif est de consolider nos régimes de retraite par répartition qui, sans cela, seraient menacés car nous continuons de financer à crédit », avait-il déclaré, lors de son allocution du 31 décembre 2022. « C'est un système dans lequel nos actifs financent les pensions de nos retraités. (…) Or nous vivons de plus en plus longtemps, donc le nombre d'actifs rapporté au nombre de retraités ne cesse de baisser », a justifié, quelques jours plus tard, la première ministre, Elisabeth Borne.

La première ministre a répété mardi 10 janvier que sa réforme des retraites visait à garantir « l’équilibre » du système en 2030 avec un objectif de « justice ». Dans les semaines qui ont suivi, le gouvernement a toutefois reconnu des inégalités dans son projet, avec notamment des femmes « un peu pénalisées », comme l'a admis le ministre des relations avec le Parlement, Franck Riester, le 23 janvier sur La Chaîne parlementaire. 

Qu’est-ce que le régime par répartition que le gouvernement veut « sauver » ?

Le système de retraite français fonctionne comme une assurance collective. Les travailleurs (et les employeurs) financent les caisses de retraite en s’acquittant de cotisations prélevées sur leurs revenus. Ces sommes servent ensuite à payer les pensions de retraite.
La durée d’activité (calculée en trimestres), le niveau de revenus lors de la vie active et toute une série de facteurs sont pris en compte dans le calcul de la pension d’un retraité, mais elle n’est pas directement payée par les sommes que cette personne a elle-même versées. C’est le « pot commun » alimenté par la population active qui paie les pensions des personnes effectivement à la retraite.

Quelle différence entre âge légal et âge de la retraite à taux plein ?

Tout le monde peut aujourd'hui prendre sa retraite à 62 ans, mais cet âge va être progressivement repoussé par la réforme jusqu'à 64 ans. Toutefois, ce dernier ne garantit pas pour autant le versement d’une pension à taux plein (50 % du salaire annuel de référence) : elle n’est accordée qu’à la condition d’avoir cotisé suffisamment longtemps. La durée exigée varie selon les générations : elle est fixée à quarante et un ans et neuf mois pour les actifs nés en 1958, et atteint quarante-trois ans pour ceux qui sont nés en 1973 et après. La retraite à taux plein est cependant automatique à partir de 67 ans (pour les personnes nées en 1955 et après) : c’est ce qu’on appelle l’âge du taux plein. Cela est valable pour le régime général. Les règles sont différentes pour les autres régimes. 

Suis-je concerné(e) par la réforme à venir ?

L'objectif du gouvernement est de décaler l'âge légal du départ à la retraite de 62 ans actuellement à 64 ans en 2030, ainsi que d'accélerer le calendrier de l'allongement de la durée de cotisation. On peut distinguer plusieurs cas : 
– les personnes nées avant le 1er septembre 1961, qui pourront encore partir en retraite à 62 ans ;
– les personnes nées entre le 1er septembre 1961 et le 1er septembre 1965, pour qui le départ en retraite passera à un âge compris entre 62 et 64 ans et dont la durée de cotisation sera allongée plus vite que prévu ;
– les personnes nées en 1966 et après, pour qui l'âge légal de la retraite sera de 64 ans (hors exceptions, comme les carrières longues) et verront leur durée de cotisation être allongée plus vite que prévu (sauf pour celles nées en 1973 ou plus tard, pour qui la loi prévoyait déjà quarante-trois annuités).

Quand la réforme sera-t-elle votée ?

Le gouvernement a dévoilé sa réforme mardi 10 janvier et l'a présentée en conseil des ministres le 23 janvier. Le projet de loi est examiné par la commission des affaires sociales depuis le 30 janvier, puis le sera à partir du 6 février en séance publique. Il n'est pas exclu que d'autres dispositions en faveur de l'emploi des seniors, par exemple, soient adoptées dans un second texte législatif. 

L'exécutif souhaite aller vite, et espère une entrée en vigueur dès cet été, comme l'a détaillé la première ministre, Elisabeth Borne, sur Franceinfo, le 3 janvier : « On souhaite que ce texte soit voté avant la fin du premier trimestre pour une entrée en vigueur à la fin de l'été. » 

Pour faire adopter au plus vite cette réforme, le gouvernement a choisi d'insérer le texte dans le projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale et a eu recours à l'article 47.1 de la Constitution qui limite à cinquante jours la durée des débats entre l'Assemblée nationale et le Sénat — soit jusqu'au 26 mars. Or de leur côté, les oppositions ont déposé plus de 7 000 amendements.

L'issue du vote est loin d'être acquise : le groupe Renaissance a besoin du vote des députés du groupe LR pour obtenir la majorité absolue, or plusieurs députés de l'un et de l'autre se montrent réfractaires à voter en faveur de la réforme. En cas d'échec, le gouvernement pourrait recourir au 49.3.

Les petites retraites seront-elles revalorisées, comme l’avait promis le candidat Emmanuel Macron ?

Lors de la dernière campagne présidentielle, Emmanuel Macron avait promis un geste financier pour les bénéficiaires de petites pensions. « Je veux pouvoir passer la retraite minimale [à 1 100 euros] pour nos retraités qui ont une carrière complète, pour les nouveaux retraités comme pour toutes celles et ceux qui sont déjà à la retraite », déclarait-il en avril 2022. Le ministre du travail, Olivier Dussopt, avait semé le doute ensuite, en déclarant, en décembre 2022, que « l’engagement que le président de la République a pris pendant la campagne est un engagement pour les nouveaux retraités ».

Après avoir tergiversé, Elisabeth Borne a finalement annoncé mardi 10 janvier que la mesure concernerait les futurs retraités avec une carrière complète, mais aussi les retraités actuels, qui sont environ deux millions, selon le gouvernement. Leur pension sera revalorisée à 85 % du smic, soit environ 1 200 euros mensuels au moment où la réforme entrera en vigueur.

Attention : cette somme n'équivaut pas directement à une retraite minimale de 1 200 euros à proprement parler. Elle correspond en fait au fait à la somme du minimum contributif (« MICO »), c'est-à-dire la pension minimale du régime général, que le gouvernement souhaite revaloriser jusqu'à 100 euros, et de la retraite complémentaire de base.

Quelle est la différence entre retraite minimale et minimum vieillesse ?

Le projet de loi porté par le gouvernement veut garantir aux salariés qui ont travaillé « au smic toute [leur] carrière [aient] une pension de 85 % du smic net, soit environ 1 200 euros brut par mois ». Mais il n'existe pas de retraite minimale dans les faits. Il y a en revanche un minimum contributif (ou « MICO »), que le gouvernement compte revaloriser jusqu'à 100 euros par mois. C'est en additionnant cette retraite de base et une retraite complémentaire que le gouvernement parvient à l'ordre de grandeur de « 1 200 euros par mois ».

En plus de ce minimum contributif, il existe un autre mécanisme qui garantit un niveau de vie minimum aux retraités : l'allocation de solidarité aux personnes âgées (Aspa), communément appellée minimum vieillesse, versé sous conditions de ressources. Depuis début janvier 2023, le montant garanti par l'Aspa est de 961 euros par mois pour une personne seule et 1 492 euros pour un couple (l'aide complète les revenus du ou des retraité(s) pour atteindre ces seuils).

Attention : bien que ces deux mécanismes visent un objectif semblable (garantir un revenu minimum aux personnes âgées), leurs natures sont différentes : le minimum contributif est une pension de retraite, alors que l'Aspa est une aide sociale. Ainsi, le versement du « MICO » est automatique, mais pas celui de l'Aspa.

Par ailleurs, les sommes versées au titre de l'Aspa sont en partie recouvrables par l'Etat ou la caisse de retraite au décès de la personne retraitée, dans le cadre de sa succession. Actuellement, les successions sont exemptes de ce recouvrement jusqu'à 39 000 euros d'actifs net, mais la réforme du gouvernement prévoit de relever ce seuil à 100 000 euros.

La pénibilité et les incapacités seront-elles prises en compte ?

Le gouvernement assure que le projet qu'il défend prend mieux en compte la pénibilité de certains métiers :

— Il a choisi d’insérer trois « risques ergonomiques » (port de charges lourdes, postures pénibles, vibrations mécaniques) au sein d’un nouveau Fonds d’investissement dans la prévention de l’usure professionnelle qui sera doté d'un milliard d'euros durant le quinquennat ; 

— Le projet de loi prévoit également de rendre plus favorables aux salariés les calculs des points pénibilité pour les salariés exposés aux six facteurs de risques reconnus (travail de nuit, travail en équipes successives alternantes, travail répétitif, en milieu hyperbare, en températures extrêmes).

Les syndicats et les partis d'opposition rappellent que le président Macron, dès 2017, a vidé de sa substance le dispositif qui existait alors, en réformant son financement et retirant quatre facteurs de risques (le port de charges lourdes, les postures pénibles, les vibrations mécaniques et les risques chimiques). Nombre de déménageurs, ouvriers du bâtiment ou coiffeurs ont de fait été exclus du dispositif.

 

 

 

 

L'idée de créer un régime de retraite « universel » est-elle abandonnée ?

La réforme des retraites abandonnée en 2020 visait à réunir l'ensemble des régimes de retraite en un seul régime dit « universel ». Ce projet n'a pas complètement été enterré par Emmanuel Macron, qui évoquait encore pendant sa campagne de 2022 une disparition progressive des régimes spéciaux pour aboutir à trois grands régimes. 

Elisabeth Borne a confirmé cette tendance mardi 10 janvier en annonçant la fin progressive de la plupart des régimes spéciaux pour les nouveaux entrants. Certains sont d'ailleurs déjà en cours d'extinction, comme celui de la SNCF, dont les nouveaux embauchés ne bénéficient plus depuis 2020.

Les régimes spéciaux sont-ils concernés par la réforme ?

L'expression « régimes spéciaux » décrit les caisses de retraite autres que celle du régime général. Il y a d’abord deux autres grands régimes de retraite de base : la MSA (pour les travailleurs agricoles) et le régime des indépendants (ex-RSI). Viennent ensuite les régimes de la sphère publique, pour les agents de la fonction publique et les travailleurs des entreprises et établissements publics, comme la SNCF et la RATP. Enfin, d’autres sont plus autonomes et relèvent du privé, comme la caisse des professions libérales (la CNAVPL) ou celle des avocats (la CNBF).

Sur ce point, Elisabeth Borne a annoncé que « la plupart des régimes spéciaux de retraite existants » allaient être « fermés ». Avec la réforme, les nouveaux embauchés dans les professions concernées seront affiliés au régime général. Les salariés actuels ne seront en revanche pas concernés.

Que disent les syndicats de la réforme ?

Après la présentation du projet gouvernemental, les organisations syndicales (CFDT, CFE-CGC, CFTC, CGT, FO, entre autres) ont réitéré par un communiqué commun leur hostilité à cette « réforme brutale » que « rien ne justifie », et qui va « frapper de plein fouet l’ensemble des travailleurs et travailleuses », en particulier les plus précaires et ceux dont « la pénibilité des métiers n’est pas reconnue »

L’ensemble des syndicats de travailleurs ont appelé à une première journée de grèves et de manifestations le jeudi 19 janvier qui pourrait éventuellement se prolonger par d’autres actions.

Du côté du patronnat, le Medef a, au contraire, salué « les décisions pragmatiques et responsables » du gouvernement, tout en se disant « opposé au principe d’un index seniors » qui obligera les entreprises à publier la part de leurs salariés âgés.

Quelle est la position de la droite ?

Le nouveau président des Républicains (LR), Eric Ciotti, avait posé les conditions d'un éventuel soutien de son parti à la réforme des retraites du gouvernement : « La réforme oui, [mais] discutons le rythme et le calendrier de cette réforme. » 

Après la présentation du projet, la droite s’est dite « satisfaite d’avoir été entendue » par le gouvernement, en particulier sur le rythme de report de l’âge de départ à la retraite et la revalorisation des petites pensions, non seulement pour les futurs retraités, mais aussi pour les actuels. 

Le gouvernement compte sur le soutien du groupe LR à l'Assemblée nationale pour obtenir le vote de la réforme, mais celui-ci n'est ni total ni inconditionnel. Le 31 janvier, le député du Lot Aurélien Pradié a ainsi expliqué au micro d'Europe 1 qu'il jugeait la réforme « injuste » car « elle pénalise ceux qui ont commencé à travailler tôt. » Autre motif de désaccord : la durée de cotisation jugée excessive pour les femmes, et notamment les mères de famille. Le groupe LR a prévu de déposer quatorze amendements, lors de l’examen du texte devant la commission des affaires sociales.

Que pense la gauche de la réforme ?

L’ensemble de la gauche, du Parti socialiste à La France insoumise en passant par les écologistes, a appelé à rallier la première journée de mobilisation contre la réforme des retraites décrétée par les syndicats. « La réforme Macron-Borne, c’est une grave régression sociale », a réagi le leader de La France insoumise, Jean-Luc Mélenchon. Le premier secrétaire du Parti communiste français (PCF), Fabien Roussel, a critiqué un « projet brutal de recul de l’âge de départ en retraite ». « Je crois qu’ils se moquent de nous, non ? », a lancé la secrétaire nationale d’Europe Ecologie-Les Verts (EELV), Marine Tondelier. A l'occasion de la seconde journée de mobilisation dans la rue, le mardi 31 janvier, Jean-Luc Mélenchon a jugé que « Monsieur Macron [était] certain de perdre ».

Quelle est la position du Rassemblement national ?

Le parti d'extrême droite est hostile à cette réforme. Le président du Rassemblement national (RN), Jordan Bardella, s'était dit « en désaccord » avec un projet qui allait, selon lui, « fragmenter » la societé. L'ex-présidente du parti, Marine Le Pen, désormais cheffe du groupe RN à l'Assemblée nationale, se dit prête à « bloquer le texte » au Palais-Bourbon.

Pour le RN, l'âge légal de départ ne doit pas être repoussé : « On maintient la retraite à 60 ans pour ceux qui ont commencé à travailler avant 20 ans, elle s'établit de 60 à 62 ans pour ceux qui ont commencé à travailler entre 20 et 22 ans, et on laisse la retraite à 62 ans »avait détaillé le député Jean-Philippe Tanguy.

Quel est l'âge moyen de départ à la retraite aujourd'hui ?

L’âge légal du départ à la retraite est fixé actuellement à 62 ans dans le régime général. Il est possible de partir plus tôt dans certains cas (carrière longue, handicap, pénibilité). Des règles différentes existent cependant dans d’autres régimes. Attention : s’il est possible de prendre sa retraite à 62 ans, cela ne garantit pas de pouvoir bénéficier d’une retraite complète.

En moyenne, les personnes parties à la retraite en France, fin 2020, avaient 62 ans et 4 mois. Globalement, ce sont les femmes qui partent le plus tard, à 62 ans et 7 mois, alors que les hommes partent à 62 ans. Ces moyennes varient cependant d’un régime à l’autre : alors que l'âge moyen de départ à la retraite s'établit à 63 ans et 4 mois au régime général, il est plus bas dans les régimes spéciaux de la RATP ou de la SNCF, où il se situe entre 56 et 59 ans.

 

Qu'avait promis Emmanuel Macron en 2017 ?

Lorsqu’il était candidat à la présidentielle en 2017, Emmanuel Macron promettait de refondre profondément le système actuel pour créer « un système universel des retraites où un euro cotisé donne les mêmes droits, quel que soit le moment où il a été versé, quel que soit le statut de celui qui a cotisé ». Il s’était également engagé à ne pas modifier l’âge de départ à la retraite, à maintenir le niveau des pensions et à conserver un régime par répartition.

La donne a depuis changé. Après un mouvement social de grande envergure à la fin de l'année 2019 et la crise sanitaire liée au Covid-19, le chef de l'Etat a été contraint d'abandonner l'idée d'un système universel. Au cours de sa deuxième campagne, il a défendu au contraire le projet de reculer progressivement l'âge de la retraite à 65 ans, pour des raisons économiques. Finalement, le gouvernement a présenté une version légèrement différente, avec un âge légal de départ à 64 ans.

Peut-on encore prendre sa retraite à 60 ans ?

Aujourd’hui, avant l'éventuelle entrée en vigueur de la réforme à venir, l’âge légal du départ à la retraite est fixé à 62 ans. Il est toutefois possible de partir plus tôt dans certains cas, par exemple pour les salariés avec une carrière longue. Pour prendre sa retraite avant 62 ans, une personne née en 1959 doit avoir cotisé quarante et un ans et neuf mois, dont au moins quatre ou cinq trimestres avant l’année de ses 21 ans, selon les cas. Ces conditions sont plus strictes pour les salariés nés après 1959 : la durée minimale de cotisation est ainsi de quarante-trois ans dont quatre ou cinq trimestres avant 21 ans. Cela veut dire qu'il faut avoir commencé à travailler à 17 ans au plus tard pour espérer pouvoir partir en retraite à 60 ans. Les salariés handicapés ou ceux qui ont une incapacité permanente d’origine professionnelle peuvent également partir plus tôt, toujours sous conditions. 

Les retraites complémentaires vont-elles disparaître ?

Les retraites complémentaires viennent s’ajouter aux retraites de base. Elles sont obligatoires pour les salariés et fondées sur un système de points. Les salariés du régime général sont rattachés à l’Agirc-Arrco. Le régime de retraite additionnelle de la fonction publique (RAFP) est, lui, réservé aux fonctionnaires. Il existe là aussi des spécificités, comme les agents non titulaires de la fonction publique, qui cotisent à l’Ircantec. Les retraites complémentaires des salariés privés sont calculées selon un système de points calculés en fonction des cotisations prélevées sur les salaires. Les points accumulés sont ensuite convertis en euros. 

Si le projet envisagé par Emmanuel Macron en 2019 prévoyait de regrouper les régimes complémentaires dans un régime universel de retraite, il n'en est pour l'heure pas question dans la réforme actuelle, principalement centrée sur le recul de l'âge du départ en retraite.

Qu'est-ce que l'âge de l'annulation de la décote ?

Les salariés qui souhaitent partir à la retraite plus tôt (l'âge légal étant aujourd'hui fixé à 62 ans) sans avoir cotisé les trimestres requis pour bénéficier d'une retraite à taux plein, peuvent liquider leur retraite, mais avec une pension réduite : celle-ci subira alors une pénalité qu'on appelle décote. Toutefois, si une personne attend ses 67 ans pour prendre sa retraite, même si elle n'a pas validé tous ses trimestres, elle bénéficie automatiquement d'une retraite à taux plein : c'est l'âge d'annulation de la décote.

Malgré l'allongement de l'âge légal de départ à 64 ans, Elisabeth Borne a assuré que l'âge d'annulation de la décote ne bougera pas et restera à 67 ans.

Combien y a-t-il de caisses de retraites ?

Il y a quarante-deux caisses de retraite en France (régimes de base et régimes complémentaires confondus). Parmi elles, on peut principalement retenir :
– les trois grands régimes de base (régime général, MSA, régime des indépendants) ;
– le régime de la fonction publique ;
– des régimes spéciaux de salariés (Banque de France, RATP, SNCF, etc.) ;
– des régimes autonomes pour certains indépendants (professions libérales, avocats, etc.) ;
– le fonds de solidarité vieillesse ;
– le service de l’allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA) ;
– les régimes complémentaires, comme celui des salariés et cadres du privé (Agirc-Arrco).

A noter que certains régimes sont marginaux ou proches de l’extinction. 

Peut-on cumuler plusieurs pensions ?

En changeant de travail au cours de sa carrière, on peut cotiser à différents régimes de retraite. Par exemple, en passant du secteur public au privé, ou l’inverse. Une fois à la retraite, un même travailleur peut donc percevoir des pensions versées par les différents régimes de base auxquels il a été affilié. On dit alors qu’il est polypensionné. Un peu plus d’un quart des retraités de droit direct étaient dans cette situation fin 2020. 

De plus, bon nombre de retraités perçoivent une retraite complémentaire en plus de leur retraite de base. Si bien qu’il n’est pas rare de percevoir deux, trois ou quatre pensions différentes. En moyenne, un retraité percevait 2,24 pensions en 2020 (régimes de base et complémentaires confondus).

Comment sont calculées les pensions actuellement ?

Les pensions sont composées d'au moins une retraite de base et de la retraite complémentaire. La pension de base tient compte des salaires – ceux des vingt-cinq meilleures années dans le privé, ceux des six derniers mois dans la fonction publique.
Si vous avez suffisamment cotisé, un taux de 50 % est appliqué au salaire annuel moyen brut dans le privé, il est de 75 % dans la fonction publique. La pension peut être minorée s’il n’y a pas le nombre de trimestres requis. Les retraites complémentaires reposent, elles, sur des systèmes par points, convertis ensuite en euros, et s’ajoutent aux pensions de base.

Quel est le montant moyen des pensions en France ?

Selon la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees), fin 2020, la pension moyenne s’établissait à 1 400 euros brut mensuels pour l’ensemble des retraités, et 1 537 euros en ajoutant une éventuelle pension de réversion (c’est-à-dire une part de la pension du conjoint ou de la conjointe décédée).

En moyenne, la pension des femmes (1 154 euros) est inférieure de 40 % à celle des hommes (1 931 euros). L'écart s'est réduit ces dernières années : en 2004 il était de 50 %. L’écart réel de pensions entre les deux sexes est plus faible (28 %) car bon nombre de femmes touchent une pension de réversion. A noter que les femmes partent plus tardivement à la retraite, à 62 ans et 7 mois, contre 62 ans pour les hommes.

Qu'est-ce que la durée de cotisation ?

Il est possible de partir en retraite à partir de l'âge légal (aujourd'hui fixé à 62 ans dans le régime général). Mais le calcul du montant de la pension de retraite prend aussi en compte la durée de cotisation accumulée au cours d'une carrière. Pour les personnes nées à partir de 1973, il faudra ainsi avoir cotisé pendant 172 trimestres, soit quarante-trois ans, pour prétendre à une retraite à taux plein... ou attendre l'âge du taux plein, fixé à 67 ans.

A l'inverse, avoir cotisé quarante-trois ans ne donne pas automatiquement droit à la retraite : il faut attendre l'âge légal du départ, ou répondre aux critères très spécifiques de prise en compte des carrières longues. 

A 65 ans, quelle est l’espérance de vie des Français (et en quelle santé) ?

Depuis 1950, les Français ont gagné une quinzaine d’années d'espérance de vie. Une petite fille née en 2021 pourrait vivre en moyenne jusqu’à 85,4 ans, selon les conditions de mortalité actuelles, tandis qu’un garçon né la même année vivrait jusqu’à 79,3 ans. Cette progression cache cependant des inégalités entre les hommes et les femmes, mais aussi entre les catégories socioprofessionnelles. Par exemple, l’espérance de vie d'une femme cadre aujourd’hui âgée de 35 ans s’élève à 88 ans, soit 10,4 ans de plus que pour un ouvrier.

Mais vivre plus longtemps ne signifie pas forcément vivre mieux : 23 % des Français souffraient d’une limitation physique lors de leur première année de retraite en 2018, selon le ministère de la santé. Et les plus touchés sont encore les ouvriers : 34 % sont contraints dans les activités de la vie quotidienne dès leur premier jour de retraite.

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