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Niger: les putschistes veulent poursuivre le président déchu Mohamed Bazoum pour "haute trahison"

Le président du Niger, Mohamed Bazoum, au palais présidentiel de Niamey, le 2 mai 2022.

Le président du Niger, Mohamed Bazoum, au palais présidentiel de Niamey, le 2 mai 2022. - ISSOUF SANOGO / AFP

Alors que Mohamed Bazoum est toujours séquestré au sein de sa résidence de Niamey, les militaires putschistes menacent de le poursuivre pour "haute trahison" et "atteinte à la sûreté" du Niger.

Les auteurs du coup d'État au Niger ont annoncé dimanche leur intention de "poursuivre" le président renversé Mohamed Bazoum pour "haute trahison" et "atteinte à la sûreté" du pays, quand plane une menace d'intervention militaire des États ouest-africains pour rétablir l'ordre constitutionnel.

"Le gouvernement nigérien a réuni à ce jour" les "preuves pour poursuivre devant les instances nationales et internationales compétentes le président déchu et ses complices locaux et étrangers, pour haute trahison et atteinte à la sûreté intérieure et extérieure du Niger", a déclaré le colonel-major Amadou Abdramane, un des membres du régime, dans un communiqué lu à la télévision nationale.

Des échanges avec l'extérieur jugés problématiques

Le gouvernement appuie ses accusations sur des "échanges" de Mohamed Bazoum avec des "nationaux", des "chefs d'Etat étrangers", et des "responsables d'organisations internationales". Mohamed Bazoum s'est entretenu plusieurs fois avec des représentants de pays alliés au Niger avant le coup d'État, comme les États-Unis, et des membres de son entourage politique.

À propos du président déchu, le régime a appelé à "s'interroger sur la sincérité de sa prétention à soutenir qu'il est séquestré, alors même que les militaires n'ont jamais investi sa résidence présidentielle et qu'il dispose encore de tous les moyens de communication".

Les militaires assurent également que Mohamed Bazoum "reçoit régulièrement la visite de son médecin". Selon un conseiller du président renversé, une consultation a eu lieu samedi. "Après cette visite, le médecin n'a soulevé aucun problème quant à l'état de santé du président déchu et des membres de sa famille", ont ajouté les militaires.

Mohamed Bazoum, retenu dans sa résidence présidentielle depuis le 26 juillet - jour du coup d'Etat - avec son fils et sa femme, avait déclaré dans plusieurs médias être un "otage", puis privé d'électricité et contraint de ne manger que du riz et des pâtes.

Sanctions "humiliantes"

En outre, le régime militaire a dénoncé "les sanctions illégales, inhumaines et humiliantes de la Cédéao (Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest)", prises lors d'un sommet de l'organisation le 30 juillet, au cours duquel avait aussi été fixé un ultimatum de 7 jours pour rétablir l'ordre constitutionnel, sous peine d'un recours à la force, qui n'a pas appliqué.

Pendant ce sommet, les Etats ouest-africains ont annoncé entre autres la suspension des transactions financières et commerciales avec le Niger, dépendant économiquement et énergétiquement de pays étrangers. Ces sanctions "vont jusqu'à priver le pays de produits pharmaceutiques, de denrées alimentaires" et de "fourniture en courant électrique", ont déploré les militaires dans leur communiqué.

Ces déclarations surviennent après l'accueil par le régime militaire d'une délégation de chefs religieux nigerians musulmans samedi, menée avec l'accord du président nigérian Bola Tinubu, également à la tête de la Cédéao, pour "apaiser les tensions créées par la perspective d'une intervention militaire" de l'organisation.

Selon un communiqué de la médiation religieuse nigériane, le chef du régime militaire, le général Abdourahamane Tiani, avait "déclaré que sa porte était ouverte pour explorer la voie de la diplomatie et de la paix afin de résoudre" la crise.

"Force en attente"

Jeudi dernier, lors d'un nouveau sommet, les dirigeants de la Cédéao avaient réaffirmé privilégier la voie diplomatique pour rétablir le président Bazoum dans ses fonctions, tout en ordonnant une mobilisation et un déploiement de la "force en attente" de la Cédéao.

Le calendrier et les modalités d'une éventuelle intervention militaire ouest-africaine n'ont pas été dévoilés. Mais le président ivoirien Alassane Ouattara, dont le pays contribuera à cette force, a affirmé jeudi qu'elle devrait pouvoir intervenir "dans les plus brefs délais". Un des proches de Mohamed Bazoum avait assuré que le régime militaire avait brandi "la menace" de s'en prendre à lui si une intervention armée avait lieu.

Selon le général Abdourahamane Tiani, cité dans le communiqué de la médiation nigeriane, les militaires ont renversé le président Bazoum "en raison d'une menace imminente qui aurait affecté non seulement la République du Niger, mais aussi le Nigeria". Le nouvel homme fort du Niger avait justifié le coup d'Etat par "la dégradation sécuritaire" dans le pays, miné par la violence de groupes jihadistes comme le Mali et le Burkina voisins, également dirigés par des militaires et qui ont affiché leur solidarité avec Niamey.

Concernant les personnes proches du régime déchu arrêtées depuis le coup d'Etat, les militaires au pouvoir ont ajouté qu'ils "réaffirment leur ferme volonté de respecter (...) les engagements du Niger en matière de droits de l'homme".

G.G. avec AFP