DiscussionsComment va se passer le débat parlementaire sur les retraites ?

Réforme des retraites : Comment vont se dérouler les débats à l'Assemblée nationale ?

DiscussionsLa bataille dans l’Hémicycle promet d’être une course d’obstacles pour le gouvernement
Le débat parlementaire sur la réforme des retraites s'ouvre ce lundi à 16 heures à l'Assemblée nationale.
Le débat parlementaire sur la réforme des retraites s'ouvre ce lundi à 16 heures à l'Assemblée nationale.  - Jacques Witt/SIPA / SIPA
Diane Regny

D.R. avec AFP

L'essentiel

  • Ce lundi, le projet de réforme des retraites de l'exécutif, massivement contesté dans la rue, arrive devant l'Assemblée nationale.
  • Les députés auront vingt jours pour se prononcer sur les vingt points de ce texte avant qu'il n'arrive devant le Sénat, pressé par une procédure accélérée.
  • 20 Minutes se penche pour vous sur le débat parlementaire qui va concerner cette réforme des retraites, afin d'y voir plus clair.

La contestation a déjà investi la rue depuis le 19 janvier, première journée de mobilisation contre la réforme des retraites. Elle se déplace ce lundi sur le terrain parlementaire. Et la bataille dans l’Hémicycle du Palais-Bourbon promet d’être une course d’obstacles pour le gouvernement. Entre temporalité, amendements par milliers et l’arme du 49.3 en embuscade, 20 Minutes s’est penché pour vous sur ce débat parlementaire.

Le temps des motions

Le débat s’ouvre ce lundi à 16 heures par une motion de rejet de la Nupes, pour tenter de repousser d’emblée le projet de loi. Elle permet de rejeter la réforme, avant même tout débat dans l’Hémicycle.

Ce sera ensuite au tour de la « motion référendaire » d’être présentée. Cette dernière a pour objectif de demander un référendum sur la réforme des retraites mais elle a peu de chance d’être adoptée par l’Assemblée nationale. En effet, seule la motion du Rassemblement national sera soumise au vote des députés, au grand dam de la gauche qui dénonce un « détournement démocratique ». Une myriade de députés de gauche refusent en effet de voter pour une motion présentée par l’extrême droite.

D’après la cheffe de file des députés La France insoumise Mathilde Panot, c’est une « opposition de confort » pour le gouvernement car la motion de la Nupes avait, selon elle, une chance d’être adoptée. Une troisième motion pourrait être déposée ce lundi par le groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires (LIOT). Si la motion référendaire était acceptée, elle serait ensuite envoyée pour examen au Sénat. Toutefois, même si les deux chambres adoubent l’idée d’un référendum, le président Emmanuel Macron peut refuser d’en conduire un.

Le temps des amendements

Comme en 2020, l’Assemblée nationale va faire face à un tsunami d’amendements. Quelque 20.000 amendements ont été déposés, dont plus de la moitié par La France Insoumise. Ces amendements pourraient toutefois être réduits à une portion congrue. Les administrateurs de l’Hémicycle les ont examinés ce week-end afin d’écarter ceux qui sont jugés « irrecevables » quand ils « créent une charge pour l’Etat » (article 40 de la Constitution) ou quand ils n’ont pas de lien direct avec la réforme proposée.

Face aux 13.000 amendements déposés par la Nupes, le porte-parole du gouvernement, Olivier Véran, a estimé qu’il s’agissait d’une « obstruction bête et méchante ». « 20.000 amendements, c’est faire croire qu’on veut le débat et opposer la violence de l’obstruction », s’est agacé Olivier Dussopt ce lundi sur Europe 1. Elisabeth Borne avait dit espérer « un vrai débat, projet contre projet », en lieu et place des « caricatures » jusqu’alors, selon elle. Mais ce flux d’amendements « permet de gérer un peu le tempo, accélérer, ralentir », au lieu de se laisser dicter le rythme, oppose l’Insoumis François Ruffin, qui veut avec la Nupes pouvoir relayer dans l’Hémicycle « la vie des gens », « la France du réel ».

Le temps (trop) court

Car le gouvernement a décidé de jouer la montre. L’exécutif recourt en effet à un budget rectificatif de la Sécurité sociale afin de forcer les députés à se prononcer dans un laps de temps très restreint. Si l’Assemblée ne vient pas à bout des amendements d’ici le 17 février minuit, le texte passera au Sénat. Le recours à la procédure de l’article 47.1 de la Constitution encadre les délais d’examen parlementaire pour un projet de budget de la Sécurité sociale. Il limite la durée des débats à vingt jours à l’Assemblée nationale et quinze jours au Sénat.


Pour le député LFI Alexis Corbière sur CNews, il y a un « sujet démocratique » car avec cette méthode, « il n’y aura peut-être même pas de majorité au sein de l’Assemblée nationale » et le texte pourra être imposé par ordonnance. Ce calendrier contraint est vivement critiqué par les oppositions, qui comptent néanmoins parvenir à discuter de l’article 7 consacré au report de l’âge de la retraite. Après l’examen de la chambre haute, députés et sénateurs tenteront de s’accorder en commission mixte paritaire. S’il y a accord, celui-ci devra être validé par les deux chambres. Sinon le texte fera une dernière navette et l’Assemblée aura le dernier mot.

Le Parlement doit se prononcer au total en cinquante jours, soit d’ici le 26 mars à minuit, faute de quoi les dispositions de la réforme pourront être mises en œuvre par ordonnance, prévoit la Constitution. Cela ne s’est jamais produit.

Le temps de l’arme de l’exécutif

Avant la date butoir, l’exécutif peut à tout moment devant l’Assemblée déclencher l’article 49.3 de la Constitution si les votes sur les amendements ne tournaient pas en sa faveur. Ou s’il pense ne pas réunir la majorité absolue pour le scrutin sur l’ensemble de la réforme, à cause de défections chez les macronistes ou LR.

Mais, officiellement, le gouvernement veut absolument éviter un nouveau 49.3. La Première ministre a déjà utilisé cette arme à 10 reprises depuis les dernières législatives et Elisabeth Borne le porte même sur elle, puisqu’à Noël ses collaborateurs lui ont offert un maillot de football de l’équipe de France floqué « 49.3 ». L’exécutif espère donc se passer d’un énième 49.3 qui serait perçu dans l’opinion comme un nouveau passage en force. D’autant plus que, d’après le dernier sondage Ifop pour le JDD publié ce samedi, 69 % des Français sont toujours opposés à la réforme.


notre dossier sur la réforme des retraites

« Je ne vois pas trop d’intérêt à un 49.3 en première lecture, le texte peut passer au Sénat sans vote » si tous les articles n’ont pas pu être discutés, rappelle une cadre macroniste. Mais « en lecture définitive » en mars, « on n’a pas de certitude. Il peut y avoir un 49.3 » si trop de députés LR font défaut. Le cas échéant, les oppositions riposteraient par des « motions de censure », pour tenter de faire tomber le gouvernement. Une seule motion a été couronnée de succès sous la Ve République, le 5 octobre 1962, renversant le gouvernement de Georges Pompidou.

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