EPIDEMIEA quoi faut-il s’attendre en France avec le rebond de Covid-19 en Chine ?

Covid-19 : A quelles conséquences faut-il s’attendre en France après le rebond épidémique en Chine ?

EPIDEMIEDepuis que la Chine a levé ses très strictes mesures sanitaires, le pays connaît une flambée épidémique spectaculaire qui pourrait avoir des conséquences par-delà les frontières
En France, les passagers en provenance de Chine doivent présenter un test négatif de moins de 48 heures et peuvent à leur débarquement faire l'objet d'un test PCR aléatoire.
En France, les passagers en provenance de Chine doivent présenter un test négatif de moins de 48 heures et peuvent à leur débarquement faire l'objet d'un test PCR aléatoire. - ISABELLE HARSIN/SIPA / SIPA
Anissa Boumediene

Anissa Boumediene

L'essentiel

  • Après l’abandon de sa stratégie zéro Covid, la Chine subit ces dernières semaines une flambée épidémique sans précédent de Covid-19.
  • Une situation sanitaire catastrophique dont les conséquences sanitaires et économiques pourraient dépasser les frontières chinoises.
  • Emergence de nouveaux variants et pénuries de médicaments font partie des effets potentiels que pourrait avoir la vague de Covid qui déferle actuellement en Chine.

Un virage à 180 degrés. Et une épidémie devenue hors de contrôle. Après presque trois ans de stratégie zéro Covid, la Chine a levé le 7 décembre dernier l’ensemble de ses très sévères restrictions sanitaires, plongeant un peu plus le pays dans une flambée épidémique sans précédent de Covid-19.

Une situation sanitaire qui inquiète bien au-delà les frontières chinoises. Des experts de la santé et des affaires intérieures des Vingt-Sept se sont ainsi réunis ce mercredi pour élaborer une réponse coordonnée de l’Union européenne, et depuis ce jeudi, toute personne en provenance de l’empire du Milieu doit présenter un test négatif. Mais cette réponse sera-t-elle suffisante ? Quelles pourraient être les répercussions dans l’Hexagone de la vague de Covid-19 qui déferle actuellement en Chine ?

Chaos et info zéro

Hôpitaux surchargés, crématoriums débordés : comment la Chine s’est-elle retrouvée submergée par le Covid-19 ? Après s’y être accroché fermement, Pékin a dû « reconnaître la faillite de sa stratégie zéro Covid et l’abandonner », retrace le Pr Antoine Flahault, épidémiologiste et directeur de l’Institut de santé globale à Genève. En pratique, « la stratégie zéro Covid ne distingue pas les infections graves des bénignes. Cela explique en partie pourquoi la Chine n’a pas adopté une approche proactive pour vacciner les personnes âgées » et à risque, abonde dans la revue The Lancet Yanzhong Huang, spécialiste des questions de santé pour le groupe de réflexion Council on Foreign Relations.

Aujourd’hui, les conséquences sanitaires de cette flambée épidémique sont donc « avant tout à craindre pour la population chinoise, non immunisée, surtout les personnes vulnérables, mais la saturation des hôpitaux peut aussi retentir indirectement sur la santé de tous les Chinois, indique Antoine Flahault. Si la population avait été correctement vaccinée, les autorités négocieraient aujourd’hui dans la sérénité cette transition entre sa politique zéro Covid et le "vivre avec" des Occidentaux. L’absence totale d’anticipation de la part des autorités, alors que la plupart des experts occidentaux jugeaient cette issue inéluctable, est effarante ».

Un changement de cap radical qui affecte le suivi de l’épidémie dans le pays, qui a mis fin à ses dépistages massifs et réguliers. « La navigation à vue des Chinois dans cette crise donne l’impression que le navire part à la dérive dans la tempête », commente l’épidémiologiste. Une situation alarmante pour l’OMS : « Les chiffres actuels publiés par la Chine sous-représentent l’impact réel de la maladie en termes d’admissions hospitalières, d’admissions dans les soins intensifs et surtout en termes de décès », s’est inquiété mercredi Michael Ryan, chargé de la gestion des situations d’urgence sanitaire à l’OMS.



« Nous devons redouter l’émergence de nouveaux variants »

Dans ce contexte, « nous devons bien sûr redouter l’émergence de nouveaux variants, dont on ignore encore quelles pourraient être leurs caractéristiques », prévient Antoine Flahault. Pour s’en prémunir, toutes les personnes arrivant en France depuis la Chine doivent présenter un test PCR ou antigénique négatif de moins de 48 heures. Et l’UE « encourage vivement » ses Etats membres à compléter cela par des « tests aléatoires » à l’arrivée sur le sol européen. Au grand dam de Pékin, qui a jugé ces mesures « inacceptables ». Mais « avec une circulation aussi élevée (du virus) en Chine et en l’absence de données complètes, il est compréhensible que certains pays prennent des mesures » restrictives, estime le directeur général de l’OMS, Tedros Adhanom Ghebreyesus. Pour preuve, dans le cadre d’une opération de contrôle menée cette semaine dans un aéroport français « avec la réalisation de tests sur des passagers asymptomatiques revenant de Chine, un test sur trois était positif, attestant donc de la nécessité des mesures de contrôles que nous mettons en place », a révélé ce mercredi le porte-parole du gouvernement Olivier Véran.

« L’objectif de ces contrôles n’est pas de nous protéger de l’introduction de variants sur notre territoire, cela n’a jamais fonctionné nulle part dans le monde, souligne Antoine Flahault. La crise actuelle est même la démonstration que cela ne peut pas être efficace avec des variants aussi transmissibles que ceux d’Omicron. En revanche, cela permet d’être mieux renseignés sur la nature des variants qui arrivent de Chine. Et exerce une pression salutaire sur le gouvernement chinois, qui fournit désormais davantage de données. Il faut donc continuer à maintenir cette pression internationale sur Pékin ».

Pour mieux resserrer les mailles du filet de surveillance, des tests PCR aléatoires sont organisés dans les aéroports français à l’arrivée des avions en provenance de Chine, chaque prélèvement positif étant ensuite soumis à séquençage pour détecter un éventuel nouveau variant. L’UE appelle aussi ses Etats membres à tester les eaux usées des avions en provenance du géant asiatique avec un séquençage génomique.

Une possible multiplication des pénuries de médicaments

Outre le risque de nouveaux variants, un autre effet ricochet est redouté : « Les possibles conséquences économiques et sociales de la pandémie sur les chaînes de production en Chine, grande usine du reste du monde, du fait de l’absentéisme et de la désorganisation causés par la vague de Covid », prévient Antoine Flahault. La France pourrait ainsi faire face à une multiplication des pénuries de médicaments, alors que nombre de principes actifs sont fabriqués là-bas, et que plusieurs médicaments sont d’ores et déjà en fortes tensions d’approvisionnement depuis des mois dans l’Hexagone. Ainsi, 80 % des principes actifs du paracétamol et de l’amoxicilline viennent de Chine. Or, le gouvernement chinois a interdit l’exportation de paracétamol.

Entre la flambée des contaminations qui perturbe le fonctionnement des usines et les réquisitions de médicaments par Pékin pour soigner sa population, moins de principes actifs sont exportés. « On peut espérer que ces ruptures d’approvisionnement resteront transitoires, mais la crise sanitaire s’annonce longue en Chine, indique l’épidémiologiste. La population doit encore rattraper notre niveau d’immunité hybride [par vaccination et par contamination] pour espérer commencer à vivre avec le virus sans trop de désorganisation sociale et économique, comme nous le faisons désormais en Occident ».

En France, le risque est pris au sérieux. « La vente par Internet des spécialités composées exclusivement de paracétamol est suspendue jusqu’au 31 janvier 2023 », a décrété ce mercredi le gouvernement dans un arrêté paru au Journal officiel.

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