Le Royaume-Uni appelle à ne pas isoler la Chine
Londres a dressé une nouvelle doctrine vis-à-vis de Pékin, après les années d'hostilité ayant suivi le Brexit.
A mi-chemin entre « l'âge d'or » de l'ère Cameron et le froid diplomatique ayant accompagné le Brexit, le Royaume-Uni tempère son discours sur la Chine. La deuxième puissance mondiale, mise à l'index par la droite conservatrice britannique, ne doit pas être isolée, estime le ministre des Affaires étrangères, James Cleverly, dans un discours qu'il devait prononcer mardi soir, et dont des extraits ont été diffusés en amont.
« Ce serait clair et facile - peut-être même satisfaisant - pour moi de déclarer une nouvelle guerre froide », mais ce serait « faux, car il s'agirait d'une trahison envers nos intérêts nationaux et une méconnaissance délibérée du monde moderne », devait-il affirmer face aux ambassadeurs et hauts commissaires du Royaume-Uni.
Discours consacré à la Chine
Ce discours, prononcé dans la résidence de Mansion House à Londres, balaie habituellement l'ensemble de la politique étrangère britannique. Cette année, il est consacré uniquement à la Chine, au moment où l'ambassadeur chinois à Paris a provoqué un tollé en niant la souveraineté des pays issus de l'Union soviétique et en questionnant l'appartenance de la Crimée à l'Ukraine.
James Cleverly rejette toute tentation de qualifier Pékin de « menace », comme le suggérait l'éphémère Première ministre, Liz Truss. Il prend ainsi ses distances avec une frange parlementaire hostile à la Chine, tout particulièrement depuis la loi sur la sécurité à Hong Kong et la répression des Ouïghours.
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En décembre, un rapport de la commission des Affaires étrangères appelait le gouvernement à « être plus ferme et plus explicite en articulant les intérêts britanniques en matière de sécurité ». C'est dans cette logique que la Chine a été bannie de nombreuses infrastructures stratégiques au Royaume-Uni ces dernières années, comme les réseaux télécoms,les centrales nucléaires ou encore les puces électroniques, avec le blocage du rachat de Newport Wafer Fab.
Mises en garde
Aujourd'hui, James Cleverly avertit qu' « aucun problème majeur - du changement climatique à la prévention des pandémies, en passant par la stabilité économique et la prolifération nucléaire - ne peut être résolu sans la Chine ».
Il maintient néanmoins les mises en garde passées, en appelant la Chine à « respecter les lois et les institutions », à être « ouverte sur sa doctrine et ses intentions derrière son expansion militaire », et en condamnant fermement la répression des Ouïghours.
Aucun problème majeur ne peut être résolu sans la Chine.
James Cleverly Ministre britannique des Affaires étrangères
Malgré cette touche de fermeté, James Cleverly risque d'ouvrir un nouveau front dans les rangs des parlementaires tories, hostiles à la Chine. Cette nouvelle doctrine a déjà suscité les critiques de l'ancien leader du parti conservateur, Iain Duncan Smith, un Brexiter chevronné qui avait soutenu l'arrivée de Liz Truss au pouvoir.
« Malheureusement, trop de choses dans la position du gouvernement sur Pékin viennent d'un désir de ne pas froisser la Chine dans la mesure du possible », a-t-il critiqué dans le « Daily Express », en regrettant « l'énorme dépendance économique qui s'est répandue jusque dans nos universités et nos institutions ».
Ingrid Feuerstein (Correspondante à Londres)