« Il est urgent de passer à l’action ! La loi doit être appliquée dans tous les établissements scolaires », avertit André Altmeyer, directeur général adjoint de la Fondation Apprentis d’Auteuil qui publie, jeudi 12 octobre, la quatrième édition de son baromètre de l’éducation consacré, cette année, à la vie affective et sexuelle des jeunes en France.

Alors que la loi prévoit, depuis 2001, 36 séances d’éducation à la vie affective, relationnelle et sexuelle (EARS) pour chaque élève du CP à la terminale, les 2 148 jeunes âgés de 16 à 20 ans interrogés par OpinionWay pour ce baromètre n’ont suivi que 3,2 séances en moyenne tout au long de leur scolarité.

Les jeunes vont chercher des réponses sur les sites pornographiques

« L’enjeu éducatif est majeur », rappelle André Altmeyer. Près de 4 jeunes sur 10 (37 %) déclarent avoir déjà subi au moins une violence sexiste ou sexuelle de la part d’autres jeunes, selon l’enquête. Ce chiffre atteint même 55 % chez les jeunes femmes, dont 19 % disent avoir subi un viol ou une autre agression sexuelle.

« Les jeunesmanquent cruellement d’informations fiables et d’adultes capables d’entrer en dialogue avec eux sur ces sujets de manière responsable, analyse André Altmeyer. Ils vont chercher des réponses sur Internet, les réseaux sociaux et les sites pornographiques. Or, plus les jeunes ont accès à de la pornographie tôt, plus ils en consomment et plus ils adhèrent à des représentations violentes de la sexualité. »

Près d’un jeune sur trois a déjà vu des contenus porno avant l’âge de 12 ans (29 %). Et plus de 60 % des garçons et 40 % des filles interrogées en regardent au moins une fois tous les deux ou trois mois. Beaucoup d’entre eux (42 % des garçons et 29 % des filles) déclarent consommer de la pornographie pour s’informer sur la sexualité. Une source d’information, souligne l’enquête, qui contribue à porter atteinte au consentement : 27 % des jeunes considèrent que le désir sexuel des garçons est incontrôlable et 25 % pensent que les filles peuvent aimer être forcées dans une relation sexuelle.

Une notion du consentement assez floue

« Les jeunes trouvent dans la pornographie des “informations techniques” sur la sexualité, mais leurs questions sont bien plus profondes, analyse Éliane Nguyen, coordinatrice « Prévention des violences et éducation à la relation » à la Fondation Apprentis d’Auteuil. Ils se demandent ce qu’est véritablement une relation sexuelle, comment savoir si l’autre a envie, s’il est amoureux, si ce qu’ils font est bien, s’ils sont normaux… Ils ont besoin d’être rassurés et d’apprendre à mieux se connaître. »

Interrogés sur leur vision de l’amour, la majorité des 16-20 ans considèrent qu’une relation amoureuse est épanouissante lorsqu’elle repose sur la fidélité (89 %) et la confiance (71 %). Cette confiance passe toutefois par un besoin de contrôle sur l’autre : 50 % considèrent que la jalousie est une preuve d’amour et 56 % estiment normal d’avoir les codes de téléphone de l’autre sans son autorisation.

« Les nouvelles technologies et les réseaux sociaux ont banalisé la notion de contrôle et l’accès à l’intimité, commente Éliane Nguyen. À cet âge, ils n’ont pas encore une confiance en eux très affirmée et ils utilisent ces nouveaux outils pour se rassurer. »

Plus inquiétant, souligne l’enquête, les jeunes expriment un sentiment d’obligation vis-à-vis de leurs partenaires : 44 % d’entre eux ont déjà accepté une relation sexuelle pour faire plaisir à l’autre et 30 % considèrent que « si on commence un acte sexuel on doit aller jusqu’au bout », surtout chez les garçons (40 %). « La notion du consentement sexuel est assez floue pour eux, mais il faut dire que la loi n’est pas très claire non plus, observe Éliane Nguyen. Les jeunes ne se sentent pas toujours autorisés à dire ce qu’ils veulent et c’est quelque chose qu’il faut travailler avec eux dans le cadre des séances d’EARSpour qu’ils comprennent dans quelles conditions on peut consentir. »

Un manque de personnels formés

Les 16-20 ans aimeraient que ces séances abordent des thématiques telles que le respect filles-garçons, les préjugés sexistes et sexuels ; les infections sexuellement transmissibles ; la confiance en soi ou encore l’impact des réseaux sociaux.

« Les séances d’EARS sont très peu nombreuses, faute de personnels formés, remarque Christine Solignac, conseillère conjugale et familiale, intervenante en primaire et au collège. Elles apportent des réponses pratiques et des éléments de prévention mais il n’y a pas toujours, en parallèle, un travail pour répondre au besoin de sens des jeunes. »