Avortement : le Sénat dit oui à son tour à la constitutionnalisation de l’IVG

À majorité de droite, la chambre haute s’est prononcée ce mercredi, par 166 voix contre 152, pour inscrire dans la Constitution la « liberté de la femme » de recourir à l’interruption volontaire de grossesse. Le texte doit maintenant retourner à l’Assemblée nationale,

Des défenseuses du droit à l'avortement à un balcon du Sénat lors du débat sur le texte faisant entrer l'IVG dans la Constitution ce mercredi. AFP/Ludovic Marin
Des défenseuses du droit à l'avortement à un balcon du Sénat lors du débat sur le texte faisant entrer l'IVG dans la Constitution ce mercredi. AFP/Ludovic Marin

    Coup de théâtre ce mercredi 1er au Sénat. Après avoir rejeté le 19 octobre dernier la constitutionnalisation de l’IVG, soumise par une écologiste, la chambre haute l’a finalement adoptée par 166 voix contre 152. Un vote positif qui masque la division de la droite et du centre sur le sujet car seize sénateurs LR ont voté pour, 119 contre, quand seuls 17 sénateurs centristes ont voté pour et 28 contre. Si une minorité décisive de sénateurs de droite et centristes ont changé de position par rapport à l’automne, c’est parce que le questeur LR Philippe Bas a introduit un amendement la semaine dernière. Sous sa plume, le texte de la proposition de loi constitutionnelle (PPLC) tel qu’il avait été voté le 24 novembre par les députés — « La loi garantit l’effectivité et l’égal accès au droit à l’interruption volontaire de grossesse » — est devenu : « La loi détermine les conditions dans lesquelles s’exerce la liberté de la femme de mettre fin à sa grossesse. »

    Une façon de reprendre, selon l’ancien collaborateur de Simone Veil au ministère des Affaires sociales, de la Santé et de la Ville, « l’équilibre de la loi Veil ». Si la gauche a jugé la nouvelle mouture de la proposition de loi constitutionnelle imparfaite, préférant le terme de « droit » à celui de « liberté », elle a massivement soutenu cette formulation. Lors des débats, parfois vifs, plusieurs sénateurs LR ont tenté de s’opposer à l’amendement de leur propre collègue. « Il n’y a pas d’un côté le camp de la dignité et de l’autre celui de l’indignité (…). Cette PPLC est-elle rationnelle ? Je ne le crois pas. Notre droit à l’IVG n’est menacé en France par aucune formation politique », a notamment fait valoir le président du groupe LR Bruno Retailleau. « Pourquoi, demain, ne pas constitutionnaliser le suicide assisté ? »

    « Demain, pourquoi pas la fin de vie, la PMA ? »

    « La Constitution, ce n’est pas un symbole, c’est quelque chose de sérieux (…). Demain, pourquoi pas la fin de vie, la PMA ? », s’est aussi interrogé Dominique de Legge (LR), quand sa collègue Jacqueline Eustache-Brinio (LR) s’est demandé s’il était « pertinent de s’emparer d’une problématique qui s’adresse à la société américaine ». Le débat sur la constitutionnalisation de l’IVG est né de la révocation de ce droit constitutionnel par la Cour suprême aux États-Unis en juin dernier.

    « C’est une formule que l’on retrouve fréquemment dans l’énoncé des principes constitutionnels », a défendu au sujet de son texte Philippe Bas, estimant qu’en cas de « changement de jurisprudence du Conseil constitutionnel » sur l’IVG, hypothèse qu’il a reconnu comme improbable, « la liberté de la femme à mettre fin à sa grossesse serait préservée ». « L’auteur reconnaît lui-même que l’amendement n’apporte rien », a réagi la rapporteuse (LR) de la commission des Lois, Agnès Canayer, selon laquelle il est « important que la Constitution ne soit pas un catalogue de droits et de libertés ».

    « Vous validez l’initiative d’agit-prop de l’extrême gauche », a reproché le sénateur (Reconquête) Stéphane Ravier à Philippe Bas, enjoignant ses collègues à rejeter le texte. En vain. L’IVG est-elle donc désormais inscrite dans le texte constitutionnel ? On en reste loin. Pour être adoptée, une PPLC doit être votée par les deux assemblées dans les mêmes termes. Le texte doit donc repasser à l’Assemblée nationale. S’il était voté, il serait ensuite soumis à référendum.