« Nous baisons le front et les mains des planificateurs astucieux et de la courageuse jeunesse palestinienne. » Trois jours après la razzia de la branche armée du Hamas dans le sud d’Israël, l’ayatollah Ali Khamenei, le Guide suprême iranien, exprimait très clairement son soutien au mouvement islamiste palestinien mais niait toute implication de la République islamique. Applaudir sans revendiquer ; soutenir sans s’impliquer ; et, surtout, dissuader par procuration sans s’exposer aux représailles. Tels sont les objectifs de « l’unité des fronts » proclamée au sein de l’« axe de la résistance », dont les composantes harcèlent Israël et les forces américaines au Proche-Orient depuis l’attaque du 7 octobre et menacent d’entrer en guerre aux côtés du Hamas.
Dès sa proclamation, le 1er avril 1979, la République islamique fondée par l’ayatollah Ruhollah Khomeyni en Iran s’est donné pour mission de répandre son idéologie théocratique révolutionnaire (velayat-e faqih, qui prône la suprématie du religieux sur le politique) et d’éradiquer le « cancer » occidental en terre musulmane qu’Israël représente à ses yeux. Depuis, Téhéran bâtit avec application et opportunisme une nébuleuse de mouvements armés en exploitant les fragilités politiques et militaires de ses voisins, ainsi que la proximité avec les communautés du « croissant chiite ».
Les gardiens de la révolution, corps d’élite fondé en 1980 distinct de l’armée régulière alors qu’éclate la guerre Iran-Irak, et, plus tard, la Force Al-Qods, sa branche chargée des opérations extérieures, en ont été les chevilles ouvrières. Conçus comme une garde prétorienne qui n’obéit qu’aux ordres du Guide suprême, ils ont pour mission première de le protéger, lui et son régime, mais la guerre avec l’Irak de Saddam Hussein les a contraints, faute de moyens, à jouer d’emblée le rôle de recruteurs. En mobilisant les exilés chiites irakiens et afghans, ils forment une légion étrangère de plusieurs milliers d’hommes, qui paient un lourd tribut dans les marais du Sud irakien et posent la première pierre de l’axe qui va rapidement s’étendre au Liban puis à la Syrie et au Yémen.
Un front de dissuasion
En une quarantaine d’années, l’Iran est ainsi parvenu à constituer cet « axe de la résistance » ligué contre « le Petit et le Grand Satan » – Israël et son parrain américain – passant par le Liban, la Syrie, l’Irak et le Yémen. Les termes choisis pour désigner cet ensemble protéiforme, en réaction au discours sur l’Etat de l’Union dans lequel le président américain George W. Bush dénonçait, le 29 janvier 2002, « l’axe du mal » formé, selon lui, par l’Iran, l’Irak et la Corée du Nord, expriment une vocation défensive, mais ils traduisent également les ambitions expansionnistes de Téhéran.
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