Le président Emmanuel Macron et son homologue Kazakhstanais Kassym-Jomart Tokayev lors d'une rencontre à Astana ce mercredi 1er novembre 2023.

Le président Emmanuel Macron et son homologue Kazakhstanais Kassym-Jomart Tokayev lors d'une rencontre à Astana ce mercredi 1er novembre 2023.

Ludovic MARIN / AFP

Un déplacement tout aussi symbolique que stratégique. Pour la première fois depuis François Hollande en 2014, Emmanuel Macron s’est rendu ce mercredi 1er novembre en Asie centrale, au Kazakhstan. Il est ensuite attendu en Ouzbékistan, ce pays de 35 millions d’habitants qui tente d’émerger sur la scène internationale après 25 ans d’isolement. Arrivé sous la neige à Astana, la capitale du Kazakhstan à l’architecture futuriste bâtie au milieu des steppes, le président français était accompagné d’une importante délégation économique dont les PDG d’EDF (électricité), Suez (eau) et Orano (uranium).

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Annoncés en début de semaine, les objectifs de cette tournée étaient clairement affichés : participer à la "diversification" des liens stratégiques et économiques de ces deux acteurs sur fond de lutte d’influences entre grandes puissances dans cette région, et renforcer la présence de l’Europe en Asie centrale.

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Objectifs remplis puisque plusieurs contrats ont été signés entre le dirigeant kazakh Kassym-Jomart Tokaïev et Emmanuel Macron. Une coopération dans les secteurs des minerais stratégiques, dans la recherche géologique, pharmaceutique et énergétique, a été conclue. Le développement conjoint d’un important parc éolien avec TotalEnergies a aussi été acté entre les deux présidents, tout comme la mise en place d’un partenariat industriel - avec le groupe Alstom - et culturel, pour promouvoir la langue française.

La France, 5e investisseur étranger au Kazakhstan

L’Elysée a également annoncé la fourniture de radars militaires GM 400 fabriqués par Thalès "au service de la souveraineté" du Kazakhstan, qui seront assemblés dans ce pays partageant plus de 7 500 kilomètres avec la Russie et membre d’une alliance militaire commune. Comme l’a confirmé mercredi le ministre kazakh de l’Energie, EDF fait partie des candidats pour le projet de première centrale nucléaire au Kazakhstan, dont la construction doit être confirmée par référendum d’ici la fin de l’année.

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La France est le cinquième investisseur étranger au Kazakhstan, devant la Chine, du fait notamment de l’implantation du groupe pétrolier TotalEnergies, qui exploite conjointement l’important gisement de Kachagan en mer Caspienne. Les échanges bilatéraux se sont élevés à 5,3 milliards d’euros en 2022, pour l’essentiel dans les hydrocarbures.

"Considération, respect et amitié"

Lors de sa rencontre avec Tokaïev, Macron a par ailleurs souligné la "vigueur" de la relation avec cette ex-république soviétique riche en ressources naturelles, tout en insistant sur la "nécessité de la compléter et l’accélérer". Il a également salué le "refus" kazakh de prendre la "route de la vassalisation derrière quelques puissances […] dans un monde où les grandes puissances voudraient devenir hégémoniques et où les puissances régionales deviennent imprévisibles".

"Je ne sous-estime pas les difficultés géopolitiques, les pressions, parfois les bousculades auxquelles vous pouvez être soumis. La France vous regarde, avec beaucoup de considération, de respect et d’amitié", a-t-il précisé, à l’heure où l’influence traditionnelle de la Russie en Asie centrale est désormais contestée notamment par la Chine, l’Union européenne et la Turquie.

Récemment, lors d’une conférence de presse à laquelle L’Express a participé, le vice-ministre des Affaires étrangères du Kazakhstan a indiqué que le pays souhaitait jouer un rôle de "médiateur entre l’Ukraine et la Russie" avec qui ses liens sont traditionnellement forts.

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"La France est notre partenaire clef et fiable dans l’Union européenne", s’est pour sa part félicité le dirigeant kazakh Kassym-Jomart Tokaïev. Emmanuel Macron a rappelé "la grande importance" de développer un "corridor médian à travers la mer Caspienne" afin de "relier l’Europe et l’Asie centrale", une alternative aux routes logistiques chinoises et russes dans cette région enclavée.

Moscou observateur

Les métaux critiques, indispensables à la transition énergétique et dont la région est riche, figurent aussi en bonne place dans les discussions avec l’Ouzbékistan, qui comptent parmi les principaux fournisseurs d’uranium à la France. Le spécialiste Orano, qui exploite déjà une mine au Kazakhstan, veut également accroître sa présence, alors que le Kazakhstan produit à lui seul 43 % de la production totale, d’après l’Association nucléaire mondiale.

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L’Asie centrale, longtemps un pré-carré russe, est ardemment courtisée par les grandes puissances à un moment où la Russie est accaparée par son offensive militaire en Ukraine. Dans ce jeu d’influences, la Chine voisine, forte de son grand projet d’infrastructures des "Nouvelles routes de la soie", a pris une longueur d’avance. Mais l’Europe et la Turquie avancent aussi leurs pions, alors que le président turc Recep Tayyip Erdogan sera vendredi à Astana.

Forts de cet engouement, le Kazakhstan et l’Ouzbékistan misent sur l’ouverture économique et une diplomatie d’équilibre pour s’affirmer, même si Moscou reste un partenaire incontournable. Le porte-parole du Kremlin Dmitri Peskov a déclaré ce mercredi que le Kazakhstan était un "pays souverain développant ses relations diplomatiques comme il l’entendait". Au-delà de leur ouverture économique, le Kazakhstan et l’Ouzbékistan demeurent des régimes autoritaires où la répression des manifestations est souvent violente, malgré une volonté affichée de libéralisation politique.

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