Au Sénégal, la crise politique gagne la rue
Plusieurs centaines de manifestants sont descendus dans les rues de Dakar depuis dimanche après-midi pour protester contre la décision du président Macky Sall d'annuler l'élection présidentielle. Le mouvement est violemment réprimé par la police.
Par Pierre Favennec
Le ciel bleu s'est assombri et l'air s'est chargé de gaz lacrymogènes dimanche après-midi dans le centre de Dakar, tandis que des centaines de personnes manifestaient contre l'annulation de l'élection présidentielle en scandant « Macky Sall dictateur ! ». Dès la veille au soir, des messages circulaient sur les réseaux sociaux pour appeler à un rassemblement sur une artère de la capitale sénégalaise.
Peu de temps après le début de la manifestation, les forces de sécurité ont dispersé la foule, qui a répliqué à coups de pierres, allumant des feux de fortune et construisant des barricades dans les rues. Plusieurs manifestants ont été interpellés, parmi lesquels l'ancienne Première ministre Aminata Touré, soutien d'Ousmane Sonko, principal opposant incarcéré depuis plusieurs mois . Dans la journée de dimanche, plusieurs ambassades, dont le consulat de France, avaient mis en garde leurs ressortissants contre des risques de débordements.
« On n'a pas peur, on va continuer demain, et après-demain, et jusqu'au départ de Macky Sall. S'il le faut, on se battra avec les policiers ! », promet Laye Mbamba, un manifestant. « On sera encore plus nombreux dans les prochains jours, et on marchera jusqu'au Palais présidentiel. » Dans d'autres quartiers de Dakar, la vie continuait comme si de rien était, malgré le bruit de détonations, qui ont cessé peu avant la tombée de la nuit.
Vote de l'Assemblée
« À trois semaines du scrutin, le pays risque de s'embraser alors qu'on aurait pu avoir des élections qui se passaient normalement. On est très en colère contre le président, franchement on ne comprend pas sa décision », ajoute Ibrahim, qui n'a pas souhaité se rendre à la manifestation à cause des risques de débordements.
Lundi matin, un nouveau rassemblement devant l'Assemblée nationale, qui doit voter dans la journée pour décider de la nouvelle date du scrutin, était dispersé à l'aide de lacrymogènes. De nombreux habitants de la capitale constataient par ailleurs ne plus avoir accès à Internet depuis leur téléphone. Le gouvernement avait suspendu les données mobiles lors des manifestations du mois de juin dernier .
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Si les manifestations continuent dans les prochains jours, certains experts craignent un ralentissement de l'économie du pays. Lors des manifestations de juin, plusieurs magasins de l'enseigne Auchan, ainsi que des stations-service Total et Shell avaient été pillés et des infrastructures avaient été saccagées en ville.
Pierre Favennec (Correspondant à Dakar)