C’est une décision historique qui “trace de nouvelles lignes directrices pour la jurisprudence climatique”, analyse Die Zeit. Dans un arrêt rendu mardi 9 avril, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a condamné la Suisse pour son manque d’action face au changement climatique. C’est la première fois que cette institution condamne un État pour ce motif.

La CEDH, qui fait respecter la Convention européenne des droits de l’homme, a estimé qu’il y avait eu violation de l’article 8 (droit au respect de la vie privée et familiale) et de l’article 6 (accès à un tribunal). La Cour affirme ainsi que l’article 8 consacre le droit à une protection effective, par les autorités d’un État, contre les effets néfastes graves du changement climatique sur la vie, la santé, le bien-être et la qualité de vie.

“Cet arrêt a bien sûr des conséquences en Suisse, où le gouvernement va devoir revoir sa politique climatique, mais ses implications vont bien au-delà, puisqu’il s’applique aux 46 pays membres du Conseil de l’Europe”, remarque Le Soir.

Interrogée par le journal belge, la chercheuse Delphine Misonne, directrice du Centre d’étude du droit de l’environnement de l’UCLouvain Saint-Louis, a expliqué que cette décision confirmait qu’“un juge peut s’appuyer sur l’article 8 de la Convention des droits de l’homme pour vérifier si un État agit de manière suffisante contre les effets du changement climatique”. Et “puisque c’est la gardienne de l’interprétation de ce texte qui l’affirme, un juge ne pourra plus dire qu’il n’y a pas de lien entre cet article et le climat”.

La décision de la CEDH “constitue un précédent qui va désormais changer toutes les procédures liées au climat en Europe et dans le monde. Les États sont désormais responsables devant leurs citoyens”, souligne le journal italien La Stampa.

“On sait désormais comment gagner un procès” pour inaction climatique

“À peine rendu, le jugement de la CEDH a suscité de virulentes réactions des partis de droite” en Suisse, “pour qui la juridiction européenne s’est aventurée sur un terrain politique qui n’est pas le sien”, remarque Le Temps dans un éditorial. “Il n’est certes jamais agréable d’être pointé du doigt, surtout quand les autres pays sont loin d’être tous exemplaires. Mais on pourrait aussi s’attendre à ce que la Suisse, avec son niveau de vie élevé et sa forte capacité d’innovation, s’engage davantage.”

“On peut le supposer”, note Die Zeit. Après cette décision visant la Suisse, “la pression” sur les autres États “va augmenter”. Parce que “l’arrêt affecte indirectement tous les États membres du Conseil de l’Europe […]. Parce que d’autres procès climatiques sont déjà en cours et que de nombreux autres suivront. Et parce que l’on sait désormais comment gagner un tel procès.”