diplomatieCe que l’on sait sur le soldat américain passé en Corée du Nord

Corée du Nord : Ce que l’on sait sur le soldat américain qui a « sprinté » pour passer la frontière

diplomatieLe jeune militaire, qui devrait rentrer aux Etats-Unis où il risquait des sanctions après avoir passé deux mois dans une prison sud-coréenne, est sans doute détenu par Pyongyang
Le soldat américain Travis King a traversé la DMZ le 18 juillet 2023 et est sans doute détenu par la Corée du Nord.
Le soldat américain Travis King a traversé la DMZ le 18 juillet 2023 et est sans doute détenu par la Corée du Nord.  - AP/SIPA / Sipa
20 Minutes avec AFP

20 Minutes avec AFP

C’est un nouveau dossier sensible dont se serait bien passé Joe Biden. Le soldat américain Travis King serait détenu mercredi en Corée du Nord après avoir traversé la frontière à l’occasion d’un voyage touristique dans la zone démilitarisée (DMZ).

Le Commandement des Nations unies, qui est assuré par les États-Unis, a annoncé qu’il travaillait avec l’armée nord-coréenne pour « régler cet incident ». Mais compte tenu de l’état des relations entre Pyongyang et Washington, à l’un de leurs plus bas niveaux depuis des années, on ignore ce qu'il va arriver.

Ce qu'il s’est passé

Le soldat de deuxième classe Travis King effectuait une visite de la DMZ, dans le village de Panmunjom, où a été signé en juillet 1953 l’armistice ayant mis fin aux combats de la Guerre de Corée. Criant « ha ha ha ! », selon un témoin oculaire, il s’est enfui et a franchi la frontière nord-coréenne, « volontairement et sans autorisation », ont souligné des responsables américains. Selon des témoins cités par les médias américains, il a « sprinté » et n’a pas pu être rattrapé par les soldats américains et sud-coréens qui encadraient le voyage.

Travis King était escorté chez lui aux Etats-Unis pour des raisons disciplinaires mais avait réussi à quitter l’aéroport et à rejoindre un groupe de touristes, ont raconté les médias américains. Si la majeure partie de la frontière entre les deux Corées est fortifiée, à Panmunjom, où se trouve la Zone de sécurité commune (JSA), la frontière n’est marquée que par une structure en béton peu élevée et est relativement facile à traverser, malgré le déploiement de militaires des deux côtés.

Ceux-ci ne sont plus armés depuis un accord de 2018 et le Nord a considérablement réduit sa présence dans la JSA depuis la pandémie de Covid-19. Malgré tout, en vertu des protocoles d’armistice, les membres du personnel sud-coréen ou américain ne pouvaient pas franchir la frontière pour récupérer Travis King et on pense qu’il est maintenant détenu par la Corée du Nord.

Pourquoi l’a-t-il fait ?

La police et les médias ont expliqué que ce soldat avait eu des démêlés répétés avec la loi pendant son séjour en Corée du Sud, un allié-clé des Etats-Unis qui héberge quelque 27.000 militaires américains. Il a été libéré le 10 juillet après avoir passé deux mois en prison pour voies de fait.

Sa mère a indiqué avoir été choquée d’apprendre que son fils s’était rendu dans le Nord communiste, doté d’armes nucléaires et qui n’a pas de relations diplomatiques officielles avec son « ennemi juré », les Etats-Unis. « Je ne vois pas Travis faire une chose pareille », a réagi Claudine Gates sur la chaîne de télévision ABC News, ajoutant qu’elle avait entendu parler de lui pour la dernière fois quelques jours auparavant, lorsqu’il lui avait dit qu’il retournait sur sa base de Fort Bliss. Elle a confié qu’elle voulait juste qu'« il rentre à la maison ».

L’ancien responsable de la sécurité nationale sud-coréenne Choi Gi-il a déclaré à l’AFP qu’il lui semblait que Travis King avait agi « de manière impulsive ». Cela « a pris les Etats-Unis complètement au dépourvu ».

Qu’en pense la Corée du Nord ?

Pyongyang a à de nombreuses reprises détenu des Américains et les a utilisés comme monnaie d’échange. « Le Nord pourrait voir cette situation comme quelque chose dont il peut tirer parti dans ses relations avec Washington dans un contexte de tensions persistantes », a pronostiqué Choi.

L’un des derniers Américains à avoir été aux mains de la Corée du Nord était Otto Warmbier, qui a finalement été remis aux Etats-Unis après être resté prisonnier pendant un an et demi. Dans le coma au moment de sa libération, cet étudiant est mort six jours plus tard. Un tel cas « indique que le Nord pourrait gérer ce problème sur le long terme plutôt que de prendre des mesures immédiates, attendant de voir comment les États-Unis y répondront », a jugé Choi Gi-il.

Pourquoi est-ce un problème pour les États-Unis ?

Les Etats-Unis sont désormais « confrontés à un dilemme entre la protection de leur citoyen et le renforcement de la vaste dissuasion contre la Corée du Nord », a relevé Yang Moo-jin, le président de l’Université des études nord-coréennes de Séoul. « Compte tenu des relations turbulentes actuelles entre les États-Unis et la Corée du Nord, parvenir à un résultat significatif pour régler ce problème devrait prendre un temps considérable ».

Washington pourrait se tourner vers la Chine - le principal partenaire commercial de la Corée du Nord - pour une médiation, cela pourrait « avoir un impact positif » face au « conflit américano-chinois en cours », a-t-il poursuivi.

Et après ?

Travis King « a une certaine valeur au niveau de la propagande pour les Nord-Coréens », a noté Vladimir Tikhonov, professeur d’études coréennes à l’Université d’Oslo. Cependant, après l’avoir interrogé, la Corée du Nord pourrait se rendre compte que ce soldat manque de personnalité et de motivation pour être un propagandiste efficace, a-t-il tempéré. Auquel cas, Pyongyang « essaiera de le ''revendre'' aux États-Unis ». « C’est une monnaie d’échange importante », a-t-il assuré à l’AFP.

La Corée du Nord n’a pas encore rouvert ses frontières après les avoir scellées au début de la pandémie de Covid-19. Ceci, ajouté au fait que Travis King semble être allé en Corée du Nord pour échapper à ses problèmes avec la justice et non en raison d’idées romantiques sur le régime de Pyongyang, signifie qu' » il est probable que le Nord l’expulsera », a estimé auprès de l’AFP Cheong Seong-chang, le directeur du Centre pour les études nord-coréennes à l’Institut Sejong.

Sujets liés