Espace aérien fermé, risque de «coup d'État»... La Moldavie doit-elle craindre la Russie ?

La présidente moldave Maia Sandu lors d'un déplacement à Paris en novembre dernier.
La présidente moldave Maia Sandu lors d'un déplacement à Paris en novembre dernier. © YOAN VALAT / POOL / AFP
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Romain Rouillard , modifié à
Mardi, la présidente moldave Maia Sandu a décidé de fermer l'espace aérien de cette petite république frontalière de l'Ukraine, craignant une tentative de "coup d'État" fomenté par la Russie. De quoi interroger sur les risques réels encourus par ce petit pays de trois millions d'habitants qui cumule les fragilités. 

Voici plusieurs mois désormais que la Moldavie vit dans une angoisse permanente que l'invasion de l'Ukraine par la Russie n'a fait que renforcer. Cette petite république coincée entre la Roumanie au sud et l'Ukraine au nord craint en effet une succession d'attaques massives contre elles en provenance de Moscou. La présidente pro-occidentale Maia Sandu évoque même un risque de "coup d'État" fomenté par le Kremlin, s'appuyant sur des documents obtenus par Kiev. "L'objectif est de renverser l'ordre constitutionnel et de remplacer le pouvoir légitime à Chisinau", a-t-elle ajouté.

La Moldavie, une proie facile pour Moscou

Preuve de la crispation qui gagne peu à peu les esprits, l'espace aérien de la Moldavie a été fermé quelques instants mardi après le survol du pays par un missile russe. Chisinau redoute l'utilisation par le Kremlin de "forces internes" mais aussi de ressortissants biélorusses, serbes et monténégrins pour remettre au pouvoir un dirigeant pro-russe et couper court à toute velléité pro-européenne. S'il est impossible à l'heure actuelle de garantir la crédibilité d'un tel scénario, cette ancienne république soviétique demeure une proie facile pour Moscou.

"L'État moldave est précaire. La Moldavie est le pays le plus pauvre d'Europe et aurait bien du mal à se défendre en cas d'attaque. Dans ce contexte, l'influence de Moscou peut avoir un impact très fort et très rapide", analyse Lukas Aubin, directeur de recherche à l'IRIS et spécialiste de la Russie, auprès d'Europe 1.

Par ailleurs, le projet de "Novorossia", ou "Grande Russie" dont rêve Vladimir Poutine inclut le territoire moldave, au même titre que l'Ukraine ou la Biélorussie. Autrement dit, rien ne permet d'assurer que Moscou ne tentera pas un jour de réintégrer dans son giron cette république de trois millions d'habitants. D'autant que le Kremlin peut compter sur deux armes de déstabilisation massive à l'intérieur même de la Moldavie. La Gagaouzie, tout d'abord, une région autonome et turcophone généralement très favorable à la Russie mais aussi et surtout la Transnistrie, une terre séparatiste pro-russe et contrôlée en partie par des soldats de Moscou. 


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Trop peu de soldats en Transnistrie

Néanmoins, l'hypothèse d'une manœuvre militaire, initiée par la Russie dans cette région, reste peu probable selon Florent Parmentier, chercheur associé au Centre de géopolitique d'HEC et co-auteur de l'ouvrage La Moldavie à la croisée des mondes. "Le nombre de soldats en Transnistrie reste très limité, un peu plus d'un millier. Difficile pour eux d'avoir un réel impact. S'ils venaient à attaquer la Moldavie, on peut imaginer que l'armée ukrainienne pourrait les écarter assez facilement". En revanche, si Moscou venait à envoyer directement l'armée russe en Transnistrie, la menace deviendrait bien plus concrète. Mais cela supposerait de devoir traverser l'ensemble du territoire ukrainien où les soldats russes sont déjà bien occupés.

En Moldavie, Moscou ne semble donc pas en mesure d'instaurer par la force un pouvoir qui lui serait favorable. "Ni l'Ukraine, ni la Roumanie ne pourraient l'accepter. Or la Moldavie est enclavée entre ces deux pays. Dans une telle situation, il est très difficile d'envisager autre chose qu'une reddition de ce pouvoir", estime Florent Parmentier. La Russie pourrait donc s'en tenir à des entreprises de déstabilisation plus légères. On peut évoquer le financement de manifestations hostiles à l'Occident ou encore des opérations de propagande menées auprès des populations en Gagaouzie et en Transnistrie. "Cette déstabilisation n'a rien de nouveau en Moldavie. Il y en a à chaque fois qu'un gouvernement pro-européen arrive au pouvoir", souligne Lukas Aubin. 

La Moldavie semble donc condamnée à regarder avec méfiance une Russie dont il est parfois bien difficile de déceler les véritables intentions. "Quelques jours avant le début de la guerre, Poutine martelait qu'il n'allait pas envahir l'Ukraine", rappelle Lukas Aubin.