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LISTE NOIRE DE L'UNION EUROPÉENNE

Iran - UE : inscrire les Gardiens de la révolution comme entité terroriste serait "énorme"

Devant la multiplication des exécutions et de la répression des manifestants en Iran, une centaine de députés européens réclament d'inscrire le corps des Gardiens de la révolution sur la liste des organisations terroristes. Une nouvelle sanction qui s’ajoute à de nombreuses autres, mais qui pourrait avoir de lourdes conséquences pour la République islamique. 

Des hommes agitant des drapeaux iraniens et islamiques lors d'une cérémonie, à Téhéran, le 3 janvier 2023, marquant l'anniversaire de la mort du général des Gardiens de la révolution, Qassem Soleimani, tué en Irak, durant une attaque de drones américains en 2020.
Des hommes agitant des drapeaux iraniens et islamiques lors d'une cérémonie, à Téhéran, le 3 janvier 2023, marquant l'anniversaire de la mort du général des Gardiens de la révolution, Qassem Soleimani, tué en Irak, durant une attaque de drones américains en 2020. © Vahid Salemi, AP
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Il n'y a pas de hasard dans le calendrier des événements. Quatre mois, jour pour jour, après la mort de Mahsa Amini, début tragique d'un soulèvement populaire violemment réprimé en Iran, des députés européens ont remis, lundi 16 janvier, une demande devant le Parlement pour classer le corps des Gardiens de la révolution islamique (GCRI), bras armé du régime iranien, parmi les organisations terroristes. 

© AFP

Dans le même temps, des membres de la diaspora et des soutiens du peuple iranien se sont réunis devant le Parlement, à Strasbourg, et dans une cinquantaine de villes d'Europe pour accroître la pression sur l'UE. Suite logique à ce calendrier : mardi, les parlementaires doivent débattre de cette question en assemblée avec le chef de la politique étrangère de l'UE, Josep Borrell, avant de soumettre la résolution au vote le 19 janvier. 

>> Répression en Iran : ces visages dans le couloir de la mort

L'initiative appelée de ses vœux par le député suédois de 43 ans, Alireza Akhondi (Parti du centre) a été suivie par 117 parlementaires, convaincus, eux aussi, de la nécessité de frapper plus fort. Parmi les signataires de la requête, quelques députés français comme Nathalie Loiseau (Renew Europe) ou Raphaël Glucksmann (Socialists &Democrats). "Rassemblons-nous, unis et avec un esprit commun, et labellis[ons] le CGRI en tant qu'organisation terroriste, lâche avec véhémence Alireza Akhondi, déterminé à convaincre l'hémicycle tout entier. Punir les criminels ne suffit pas ! Nous avons besoin d'une résolution !"  

Des sanctions existantes

L'Union européenne ne s'est pourtant pas jusque-là montrée avare en matière de condamnation et de sanctions à l'encontre de Téhéran. Le 9 novembre, le Parlement européen a rompu ses relations avec l'assemblée parlementaire islamique (organe de consultation constitué d'intellectuels) en raison de la violation des droits de l'Homme dans le pays. Puis l'UE a émis une série de sanctions visant environ 150 personnalités et entités iraniennes comme le ministre de l'Intérieur, des chefs provinciaux, des forces de l'ordre, des responsables de la radiotélévision publique et, déjà, le corps des Gardiens de la révolution islamique. Les sanctions se traduisent par des gels d'avoir ou encore des interdictions de pénétrer sur le territoire européen. 

Le 12 décembre, l'Union européenne a donné un nouveau tour de vis et condamné "la répression inacceptable des manifestations en Iran et la situation en matière de droits de l'Homme". La liste des sanctions s'est alors allongée : l'UE a interdit les exportations vers l'Iran d'équipements susceptibles d'être utilisés à des fins de répression. L’Iran a également été exclu de la Commission sur la condition de la femme de l’ONU en décembre 2022. 

Pression sur le Conseil européen 

"À son niveau, le Parlement européen a utilisé tous les recours juridiques possibles, explique Majid Golpour, chercheur à l'Université libre de Bruxelles et consultant pour le Parlement européen. Mais l'adoption d'un tel texte, dont l'issue favorable ne fait aucun doute, va surtout permettre au Parlement de faire pression sur le Conseil européen, seul habilité à voter des sanctions. Il faudra donc voir ce que donnera la prochaine réunion des ministres européens des Affaires étrangères, prévue le 23 janvier où la question des Gardiens de la révolution sera à l'ordre du jour."  

Certaines capitales européennes ne cachent pas leur intention de classer le CGRI comme organisation terroriste. Le 9 janvier, la ministre allemande des Affaires étrangères, Annalena Baerbock, a déclaré sur Twitter que "lister les Gardiens de la révolution en tant qu'organisation terroriste est politiquement important et fait sens". Son homologue français a signifié le lendemain qu'il n'excluait pas non plus l'idée, la France s'étant abstenue jusqu'à présent de qualifier les Gardiens de la révolution iranienne en ces termes. "La France travaille avec ses partenaires européens sur de nouvelles mesures de sanction, sans en exclure aucune", a fait savoir la porte-parole du Quai d'Orsay lors d'un point de presse. Le Royaume-Uni devrait aussi, de son côté, prendre une décision en ce sens dans les prochaines semaines, emboitant le pas aux États-Unis. Les pasdarans ("Gardiens de la révolution", en persan) ont été inscrits sur la liste américaine des organisations terroristes en 2019 à la demande de Donald Trump.  

Vers un renforcement de l'alliance avec Moscou ? 

À ce jour, la liste européenne des entités terroristes compte une vingtaine d'organisations, dont Al-Qaïda, le groupe État islamique et la branche armée du Hezbollah libanais, soutenue par l'Iran. Si le Conseil européen décide de placer les Gardiens de la révolution sur sa liste noire, "les conséquences seront énormes, prévient Majid Golpour. Il y aura un changement de paradigme à tous les points de vue. L'Europe basculera alors vers une toute nouvelle série de changements rapides sur les affaires commerciales, bancaires, financières, sur les transferts technologiques et lancera des confiscations tous azimuts. Tout contact avec cette organisation sera considéré comme illégal du point de vue du droit européen. Donc à court terme, l'organisation isolée perdra de son influence mafieuse dans toute la région où elle sévit comme en Irak, au Liban ou en Syrie et affaiblira un peu plus la République islamique déjà exsangue car le CGRI représente environ 70 % de part de marché de son économie."  

De telles sanctions appellent les capitales occidentales à la plus grande prudence, poursuit le spécialiste. "On est dans un moment charnière où il faut aussi veiller à ce que l'Iran, devenue trop isolé, ne se tourne pas non plus trop du côté de la Russie, engagée dans la guerre contre l'Ukraine." À cela s'ajoute l'épineuse question des négociations qui achoppent pour tenter de raviver l'accord de 2015 sur le programme du nucléaire iranien, dont la France est signataire et toujours partie prenante.  

L'espoir dans la rue

"Cette polycrise, à la fois institutionnelle, politique, économique, financière et même religieuse, notamment sur les interprétations de l'islam, ne se résoudra pas qu'avec des sanctions internationales. Pour faire tomber un régime, comme cela a été fait en 1979, il faut certes une pression de l'extérieur mais aussi une pression interne. Le courage, la sagesse et la détermination des manifestants, qui sont prêts à sacrifier leur vie, va dans le bon sens."  

La justice iranienne a confirmé la condamnation à mort de 18 personnes en lien avec les manifestations, selon l'AFP. Parmi elles, quatre hommes ont déjà été pendus entre décembre 2022 et début janvier. Une cinquantaine risquent le même sort. 

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