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ReportageLuttes

Thomas Brail hospitalisé pendant sa grève de la soif contre l’A69

Le grimpeur Thomas Brail, le 9 octobre 2023, après avoir entamé une grève de la soif avec deux de ses camarades.

Quelques heures après avoir engagé une grève de la soif, Thomas Brail a été transporté à l’hôpital, inconscient. Si son état est depuis stable, le grimpeur se dit prêt à continuer.

Paris, reportage

« Hier soir [lundi 9 octobre], Thomas Brail m’a demandé d’être là à son réveil pour lui jouer un morceau de violoncelle. » Accroupie à côté de son instrument, Estelle s’interrompt un instant. Son esprit semble ailleurs, loin de la passerelle Léopold-Sédar-Senghor, à Paris, où les lueurs de l’aube tardent à apparaître. « À mon retour, il n’était déjà plus là », murmure finalement la musicienne de 22 ans.

Le 10 octobre, aux alentours de 4 heures, le militant écologiste Thomas Brail s’est évanoui. Déjà en grève de la faim depuis 39 jours, il avait décidé d’arrêter de boire la veille : « Je pense que d’ici quelques heures, ce sera fini pour moi », avait prévenu le Tarnais, bien conscient des risques encourus. Hospitalisé aux urgences, son état est stabilisé. L’homme désire, a priori, poursuivre sa grève de la soif jusqu’à la suspension des travaux de construction de l’autoroute A69, entre Toulouse et Castres.

Perte de connaissance

À la lumière des lampadaires, quelques activistes tentent de griffonner un communiqué de presse sur le pont du 1ᵉʳ arrondissement. Deux heures plus tôt, leur ami Thomas Brail s’est réveillé et plaint de maux de tête. « Il n’arrivait plus à parler, ne répondait plus », témoigne Fougère, la médecin chargée de son suivi. Victime d’une altération de la conscience, le militant a perdu connaissance. Ses proches l’ont alors placé en position latérale de sécurité jusqu’à l’arrivée des secours.

Les mains plongées dans les poches de son manteau, un bonnet orange sur le chef, Guillaume décrit la suite des événements : « Les pompiers l’ont amené en brancard jusqu’au camion. Il était encore inconscient. Puis une ambulance du Samu a débarqué et l’a emmené à l’hôpital. »

Juste avant de débuter sa grève, Thomas Brail avait déclaré aux médias refuser tous soins médicaux s’il tombait au sol. « Là, il n’était plus capable de donner son consentement », poursuit le témoin de 23 ans. « Dès lors qu’il retrouve son état de conscience, si son discours est cohérent, les médecins ne peuvent pas l’obliger à poursuivre des soins, à s’hydrater ou s’alimenter, détaille Fougère. Pour l’heure, il reste à la limite, mais n’est pas dans le coma. »

« Bientôt viendra la colère »

Emmitouflés dans leur duvet, tête contre tête, Reva et Çelik semblent parfaitement immobiles. Un tract « Ramdam sur le macadam » atténue le halo lumineux entourant un réverbère. Les deux hommes, âgés de 35 et 59 ans, ont choisi de suivre Thomas Brail dans sa démarche. « Ils sont aussi très faibles et pourraient décompenser à n’importe quel instant, s’inquiète la médecin, en alerte permanente. Hier [le 9 octobre], ils ont puisé jusqu’au bout de leur force en marchant des heures sous le soleil, en répondant aux médias. Je crains qu’ils ne se lèvent pas aujourd’hui. Tout cela risque de se résoudre à court terme. »

Kunti : « Qui sont ces gens sourds, inhumains face au sort de la planète ? » © Emmanuel Clévenot / Reporterre

Résidant dans l’Aisne, Kunti est venue prêter main forte aux grévistes au milieu de la nuit, avant de s’en aller travailler : « J’ai peur pour eux bien sûr, mais aussi pour l’avenir, pour ce que signifie cette fermeture au dialogue et cette obsession à préserver un système à bout de souffle, dépassé. » Elle peine à comprendre comment faire entendre raison aux gouvernants : « Je ne veux pas que ça bascule dans la violence, mais que faire de plus ? Qui sont ces gens sourds, inhumains face au sort de la planète ? Bientôt viendra la colère. »

Alors que Paris s’éveille doucement, la dizaine de militants commence à perdre espoir. « Où sont les médias ? Où sont les citoyens et les élus ? » s’interroge Estelle. Lundi, les mélodies d’Édith Piaf s’échappant du violoncelle de la musicienne ont fait pleurer les grévistes. Aujourd’hui, ils n’en ont même plus la force, et le silence de la présidente d’Occitanie, Carole Delga, et du ministre des Transports, Clément Beaune, devient assourdissant.

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