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Tourisme: deux lieux français figurent parmi les dix destinations touristiques à éviter

La société américaine de guide touristique Fodor's Travel a établi la liste des 10 destinations qu'elles déconseillent de visiter pour des vacances. Parmi celles-ci figurent les Calanques et les falaises d'Etretat.

C'est une mauvaise publicité dont le parc national des Calanques et les falaises d'Etretat se seraient bien passés. Les deux sites français figurent dans le classement des 10 destinations à éviter selon la société américaine de guide touristique Fodor's Travel. Pas parce que ces lieux ne valent pas le détour, mais parce que le tourisme de masse met en péril leur durabilité. Pour Fodor's Travel, ce classement a d'autant plus d'intérêt que 2022 a été marquée par un nombre important de catastrophes climatiques, près de 30 selon l'entreprise américaine qui mentionne la mousson pakistanaise, les ouragans à Porto Rico et en Floride ou encore les vagues de chaleur et de sécheresse en Europe.

" Le tourisme contribue de manière significative au changement climatique"

"Malgré tout le bien qu'il peut faire en soutenant les économies locales et en reliant les cultures, le tourisme contribue de manière significative au changement climatique [...] À mesure que le changement climatique s'intensifie, les dégâts pourraient rendre les destinations populaires inhospitalières pour les voyageurs et provoquer l'effondrement de leurs économies."

Fodor's Travel se désole ainsi que les chiffres du tourisme aient retrouvé leur niveau pré-pandémique dès le printemps dernier et déplorent une tendance à l'augmentation des voyages qui contribuent déjà à hauteur de 8% aux émissions mondiales de gaz à effet de serre. Le site de l'entreprise classe ces 10 destinations en trois catégories: les hauts lieux culturels victimes de la surpopulation et de l'épuisement des ressources, les endroits directement touchés par les crises hydriques et les attractions naturelles qui ont besoin de se ressourcer.

Une surfréquentation hautement dommageable

Les falaises d'Etretat et le parc national des Calanques apparaissent dans cette troisième catégorie qui comprend notamment des sites qui "ont été tellement endommagés que les offices du tourisme et les élus ont demandé aux voyageurs de ne pas les visiter pendant que la terre, l'air et la mer se rétablissent."

Ces deux lieux naturels, emblématiques de la richesse des paysages de l'Hexagone, sont symptomatiques de l'érosion spectaculaire du littoral français "qui a plus à voir avec une tempête de touristes qu'avec la météo", avance Fodor's Travel.

Le site de l'entreprise évoque entre autres deux conséquences du tourisme de masse sur la cité normande d'Etretat, laquelle a récemment connu une recrudescence de visiteurs dans la foulée de la diffusion de la série à succès "Lupin" sur Netflix. "L'année dernière, la station d'épuration de la petite ville a dû être fermée pour maintenance, car elle ne pouvait pas gérer trois fois plus de visiteurs que sa population habituelle, est-il expliqué. Plus inquiétant encore, les glissements de terrain sont fréquents en raison d'un trafic piétonnier trop important."

"Nous avons besoin du tourisme, mais il faut trouver un équilibre. Ce sont les touristes eux-mêmes qui en bénéficieraient le plus. Beaucoup d'entre eux repartent furieux après avoir passé plusieurs heures en voiture sans pouvoir trouver un parking, un endroit où manger, ou des toilettes, car il n'y a pas assez d'infrastructures. Ce tourisme de masse ne satisfait personne", avait estimé Jean-Baptiste Renié, conseiller municipal d'Étretat, auprès de France 24 l'été dernier.

Du côté des Calanques, le parc national est touché depuis plusieurs années par la surfréquentation et a décidé d'instaurer un système de réservation plafonné à 400 personnes pour se rendre sur ses plages qui pouvaient attirer l'été jusqu'à 3000 visiteurs par jour.

Les fermetures à répétition des massifs ont un impact sur les revenus des professionnels du tourisme.
Les fermetures à répétition des massifs ont un impact sur les revenus des professionnels du tourisme. © BFM Marseille Provence

Dans cette catégorie, les deux lieux français cotoient le lac californien de Tahoe qui a été victime d'une grande vague de migration au moment de la pandémie qui a amené avec elle son lot de pollution aux abords du point d'eau. On retrouve également l'Antarctique dont la région de la péninsule "a connu le réchauffement des températures le plus rapide et le déclin de la faune le plus marqué de l'histoire" en concentrant la présence de bateaux et d'avions. Ces moyens de transport produisent du noir de carbone qui accélère la fonte de la glace.

Des dégâts aux quatre coins du monde

Parmi les hauts lieux culturels, Venise est sans doute la destination la plus connue avec un chiffre assez évocateur: chaque année, le ratio de visiteurs par résident est de 370 pour 1. Cet afflux de touristes est particulièrement problématique pour la ville italienne menacée par l'élévation du niveau de la mer et qui a d'ailleurs récemment banni la présence des grands bateaux de croisière dans son centre historique.

Les Cornouailles, à la pointe sud-ouest de l'Angleterre, souffrent quant à elles d'un manque d'infrastructures pour accueillir les vagues de touristes qui s'y précipitent à la haute-saison.

Chaque année, Amsterdam accueille l'équivalent de la population néerlandaise en son sein, ce qui a motivé l'instauration de plusieurs mesures pour s'assurer que la capitale reste agréable à vivre.

Enfin, la Thaïlande a décidé d'entamer une transition d'un tourisme de masse (40 millions de visiteurs sur l'année en 2019) vers "des voyageurs haut de gamme" des mots du ministre du Tourisme afin de poursuivre la préservation de ses joyaux naturels qu'ont permise les fermetures liées à la pandémie.

Enfin, la dernière catégorie porte sur les destinations sous la menace d'un grand stress hydrique, une situation que favorise le tourisme de masse. L'île de Maui, qui fait partie de l'archipel d'Hawaii, est touchée par une situation de profonde inégalité dans les usages d'eau douce lesquels sont particulièrement restreints pour la population locale au profit des complexes touristiques.

Durant l'été dernier, les deux tiers du continent européen ont été victimes de sécheresse marquée par les faibles niveaux de plusieurs fleuves comme le Rhin ou le Danube sur lesquels sont organisées des croisières fluviales. La situation est également critique dans l'ouest américain où le lac Mead, situé sur le fleuve Colorado qui est une zone touristique prisée, vient de passer en situation de pénurie de niveau 2 et s'approche à grand pas du statut de "bassin mort". Plus d'un million d'habitants des Etats de Californie, d'Arizona et du Nevada seront bientôt touchés par des coupures d'eau ou même d'électricité, le lac permettant au barrage Hoover de produire de l'énergie.

Timothée Talbi