Guerre en Ukraine

Guerre en Ukraine : l’aide militaire et humanitaire remise en question aux États-Unis et en Europe

Le président Zelensky rend hommage aux soldats tombés lors du Jour des Défenseurs de l’Ukraine.

© Service de presse présidentiel ukrainien – AFP

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Par Pascal Bustamante

À Kiev, lors de la journée des défenseurs de l’Ukraine, le président Volodymyr Zelensky s’est incliné devant le mur dédié à leur mémoire. Les rues sont pavoisées de bleu et de jaune, les photos des combattants tombés au front sont fleuries par leurs familles et par des délégations officielles. Le sacrifice de milliers d’hommes et de femmes est célébré et commémoré.

Mais en ce jour d’hommage, les yeux des Ukrainiens sont aussi rivés sur différentes capitales occidentales. Les signaux en provenance de Washington, de Bratislava ou de Varsovie sont à même de les inquiéter.

L’aide militaire et humanitaire internationale, États-Unis en tête, va-t-elle se tarir ou sérieusement diminuer ? La contre-offensive à l’est du pays se poursuit mais sans avancée majeure. La longueur du conflit semble aussi, peu à peu, entraîner une certaine lassitude chez les alliés de l'Ukraine.

Aux États-Unis, le « shutdown » évité mais l’aide à l’Ukraine différée

À trois heures de l’échéance, une loi de financement évitant le "shutdown", c’est-à-dire la paralysie du gouvernement fédéral, pendant une période limitée à 45 jours a été adoptée. Pour y arriver, le financement de l’aide à l’Ukraine a dû être mis entre parenthèses.

Les démocrates qui sont majoritaires au Sénat mais minoritaires à la Chambre des représentants ont déjà déposé une nouvelle loi sécurisant l’aide à l’Ukraine. Le président Biden a d’ailleurs insisté sur l’importance de ce nouveau texte.

Mais l’aile dure des républicains à la chambre, des supporters de Donald Trump, tient les membres de leur parti en respect, ils détiennent les quelques voix nécessaires à la confection d’une majorité.

Pour eux, l’aide à l’Ukraine doit cesser au profit de la gestion de la crise migratoire et la sécurisation de la frontière avec le Mexique. Donald Trump, sur les réseaux sociaux, les encourage dans ce sens.

Etats-Unis : compromis de 45 jours sur le shotdown (A. Heulard - LP 01/10/23)

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En Slovaquie, victoire du pro russe, Robert Fico

Conférence de presse de victoire du Smer-SD de Robert Fico (à la tribune) aux législatives du 1er octobre 2023.
Conférence de presse de victoire du Smer-SD de Robert Fico (à la tribune) aux législatives du 1er octobre 2023. © Vladimir Simicek – AFP

La Slovaquie, membre de l’Union européenne et de l’OTAN, a fourni une aide militaire importante à l’Ukraine depuis le début de l’invasion russe de février 2022.

Ce dimanche, le Smer-SD de l’ancien Premier ministre Robert Fico est arrivé en tête des élections législatives avec 23,3% des voix. Il avait récemment déclaré que si son parti arrivait au pouvoir, la Slovaquie n’enverrait plus "une seule balle" à l’Ukraine.

Il a aussi déclaré que dans l’éventualité d’une visite de Vladimir Poutine dans le pays, il n’autoriserait pas son arrestation malgré le mandat d’arrêt de la Cour pénale internationale dont le président russe fait l’objet.

La présidente Zuzana Caputova a d’ores et déjà déclaré que le vainqueur des élections serait appelé à former un nouveau gouvernement dès lundi.

En Slovaquie, le parti populiste remporte les élections (JT du 01/10/2023)

Slovaquie : un parti populiste remporte les élections

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En Pologne, les céréales compromettent l’aide à l’Ukraine

Coupée du monde par la guerre, l’Ukraine a dû chercher de nouvelles routes d’exportation pour ses céréales. L’une d’elles passe par la Pologne et a entraîné une chute des prix dans le pays.

Or, les Polonais seront appelés aux urnes le 15 octobre prochain. Les agriculteurs sont un enjeu électoral majeur et les candidats veulent les contenter.

Pendant la campagne électorale, le ton est monté à l’encontre de l’Ukraine qui, via l’OMC, l’Organisation mondiale du commerce, tente de faire cesser l’interdiction d’importation de céréales ukrainiennes en Pologne.

A la faveur de la controverse, Varsovie a annoncé qu’elle cesserait de fournir des armes à son voisin. La Pologne a, jusqu’à présent, envoyé plus de 3 milliards de dollars d’aide militaire.

Le temps de compter ses amis

Ce n’est pas un hasard, les trois pays évoqués ici sont tout proches d’échéances électorales. Un temps, pour le politologue Thierry Braspenning-Balzacq, professeur à l’université de Namur et spécialiste des politiques de sécurité, qui en démocratie est celui où les divergences de vues dans la société réapparaissent :

"Il y a eu à un moment donné un consensus au sein de la plupart des États de l’Union européenne, mais c’est un consensus qui cache mal le fait qu’au sein de la plupart de ces États, il y a des gens qui considèrent que l’aide apportée à l’Ukraine ne devrait pas être inconditionnelle, que ça ne doit pas être indéfini et qu’il aurait fallu toujours garder une main tendue vis-à-vis de la Russie", explique l'expert. 

Pour le professeur de l'UNamur, il n'y a donc rien d'exceptionnel : "Ce qu’on voit aujourd’hui, c’est l’expression de l’opposition qui existait déjà. Ce n’est pas un fait nouveau, c’est simplement que le contexte permet maintenant, à l’occasion d’une décision ou d’un vote, de donner la main à une des parties. Cette division dans les démocraties occidentales entre les pros et antis ou ceux qui sont pour un soutien inconditionnel et d’autres qui veulent un soutien limité, ça a toujours existé de mon point de vue".

Avec les différents rendez-vous électoraux, l'Ukraine va devoir compter ses alliés, ceux du moins dont l'opinion publique ne risque pas de mettre en cause les aides accordées jusqu'à présent. 

Mais, selon Thierry Braspenning-Balzacq, l’aide à l’Ukraine bénéficie aussi d’une forme de sécurisation des programmes d'aides au travers du mode de décision qui les précède.

"Si l’Ukraine est soutenue par des États individuellement, les décisions de la soutenir sont encore prises dans certaines enceintes, comme l’OTAN dans le cas des membres de l’Alliance atlantique. Il y a encore quand même une émulation morale", estime l'expert.

"Prenons l'exemple de la Pologne : elle est membre de l’Alliance atlantique. Même si elle brandit la menace d’une aide moins inconditionnelle, on n’ose pas imaginer cette Pologne, au sein de l’Alliance atlantique, continuer à tenir cette position après les élections".

Pour Thierry Braspenning-Balzacq, le fait que les institutions telles que l'OTAN et l'UE restent sur une ligne de soutien de l'Ukraine dans son effort de guerre constituent une garantie, du moins à court terme, pour son financement. 

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