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Loi immigration: le Conseil constitutionnel censure plus du tiers du texte

Les Sages ont supprimé de nombreuses mesures de fermeté obtenues par la droite après d’âpres négociations.

Quatre-vingt-six articles de loi passés en un temps record à la moulinette du Conseil Constitutionnel - à peine un mois - pour aboutir à une censure massive de la loi «pour contrôler l'immigration et améliorer l'intégration», votée le 19 décembre dernier. En tout, 32 dispositions, dont certaines particulièrement emblématiques pour l'opinion publique et défendues par la droite, ont été censurées, totalement ou partiellement. Ainsi des articles concernant le regroupement familial, le droit de séjour des étudiants étrangers -dont la «caution retour»-, les prestations sociales -aides au logement, allocations familiales...-, la délictualisation du séjour irrégulier mais aussi ce qui a trait au droit de la nationalité, dont la déchéance et la fin de l'inconditionnalité de l'hébergement d'urgence.

Toutes ces dispositions introduites par le Sénat ont été censurées au titre de cavaliers législatifs, le législateur n'ayant pas le droit d'ajouter des dispositions sans lien avec le sujet traité par le projet de loi. Pour ces articles, le Conseil constitutionnel n'avait pas à prendre position au fond sur la constitutionnalité de ces mesures.

La loi, qui comprenait initialement 27 articles, en avait été augmentée de 60 après son passage en première lecture au Sénat, dont elle était sortie le 14 novembre 2023. Avec un risque juridique que n'ignorait pas le groupe Les Républicains, qui a toujours demandé une réforme constitutionnelle comme préalable au vote d'une telle loi.

Un texte amputé de 40% de son volume

Le Conseil constitutionnel a par ailleurs jugé que trois dispositions étaient purement ou partiellement contraires à la Constitution, parmi lesquelles le vote de quotas par le parlement ainsi que la prise d'empreintes et de photos de la personne en séjour irrégulier. Par ailleurs, l'allongement de l'assignation à résidence avant une expulsion a été censuré du fait de la non prise en compte des liens familiaux.

Deux dispositions ont entraîné des réserves d'interprétation. L'une d'elles concerne les demandes de titre de séjour : les Sages exigent que les demandeurs bénéficient d'une meilleure information sur la procédure.
Enfin, une dizaine d'articles ont été purement et simplement validés. Des mesures sur lesquelles les commentateurs ne manqueront pas de soulever qu'elles sont marginales par rapport au texte voté le 19 décembre : ainsi de l'assouplissement du régime des OQTF, ou encore de la possibilité de juger en juge unique l'appel des demandes d'asile. Restent donc 41 articles, sur lesquels le Conseil Constitutionnel n'a pas été saisi, et qui pourront donc faire l'objet de contentieux futurs.

Le texte, ainsi amputé de 40% de son volume, a retrouvé sa taille initiale, avec quatre chapitres : la réforme du contentieux des étrangers, celle du droit d'asile, l'intégration des étrangers notamment par le travail et la question de l'éloignement des étrangers délinquants.

Le projet de loi «Immigration» de Gérald Darmanin avait provoqué, en décembre dernier, de vives tensions dans tous les partis politiques, une crise qui avait atteint son paroxysme avec la motion de rejet adoptée à l'Assemblée nationale. De quoi entraîner la convocation d'une Commission mixte paritaire reprenant le texte initial du Sénat. Elle s'était achevée le 19 décembre, après des tractations sous tension entre les sénateurs LR et le gouvernement, obligé de faire des concessions, notamment sur une future réforme de l'aide médicale d'état pour les étrangers.

Inconstitutionnalités

Dès la conclusion de la Commission mixte paritaire, le ministre de l'Intérieur, la première ministre et le président de la République avaient affirmé que le texte était entaché d'inconstitutionnalités : le premier à la tribune du Sénat, le 19 décembre, assurant que des dispositions du texte étaient « manifestement et clairement contraires à la Constitution » mais que « la politique, ce n'est pas être juriste avant les juristes». Le lendemain, c'est Élisabeth Borne, en première ligne lors de la négociation du texte, qui affirmait qu'une partie de celui-ci était contraire à la Constitution, notamment sur le regroupement familial ou les étudiants internationaux.

Enfin, Emmanuel Macron avait fait publiquement part de ses réserves, avant d'adresser au Conseil constitutionnel une saisine blanche « eu égard à l'ampleur de l'évolution du texte par rapport à sa version initiale». Une saisine purement «décorative», selon plusieurs professeurs de droit. Ce qui n'est pas le cas de la saisine de la présidente de l'Assemblée nationale Yaël Braun Pivet et des deux saisines des parlementaires de gauche. Le président de la Commission des lois Sacha Houlié dénonçait, lui, une trentaine de dispositions anticonstitutionnelles.

Cette avalanche de recours avait provoqué le mécontentement de Laurent Fabius qui, lors de ses vœux du 8 janvier, avait signifié au président de la République que le Conseil constitutionnel n'était pas « une chambre d'appel des choix du Parlement, (mais) le juge de la constitutionnalité des lois» et qu'il appartient au législateur de veiller à ce que les textes respectent «l'État de droit». Un avertissement pour ceux qui auraient trop tendance à confondre «droit et politique», avait déploré Laurent Fabius. Il reste que cette censure du Conseil constitutionnel est, au-delà du droit, une décision éminemment politique.

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907 commentaires
  • anonyme

    le

    Les LR et RN savait que cette loi immigration serait censurée car il y a des constitutionnalistes dans leurs rangs alors, pourquoi avoir crié victoire en décembre ?
    Reconquête est le seul parti cohérent à droite.

  • anonyme

    le

    N’oublions pas le livre déjà ancien d’Eric Zemmour : Le coup d’état des juges, cette loi immigration en est un parfait exemple.

  • anonyme

    le

    Zemmour avait entièrement raison, il avait prévu ce qui se passe avec cette loi immigration, contrairement au LR et au RN.

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