Sur la jetée du port de Kalamata, dans le sud de la Grèce, dans la pénombre, peu avant 23 heures, un navire des gardes-côtes s’amarre à l’écart des regards indiscrets. Des bénévoles de la Croix-Rouge observent la scène avec gravité. « Ils ramènent les morts… Maintenant, il n’y a plus d’espoir de retrouver d’autres survivants », murmure l’une d’entre elles. Un camion réfrigéré se gare devant le bateau et le transfert des corps commence. Les 79 cadavres repêchés au large de la péninsule du Péloponnèse, à la suite du naufrage, dans la nuit du mardi 13 au mercredi 14 juin, d’un navire de pêche rempli de migrants, doivent être conduits à la morgue de Corinthe ou à celle d’Athènes, pour être identifiés.
« Mais ce chiffre va de toute évidence s’alourdir au fil des heures et on pourrait avoir des centaines de morts », lâche, épuisé, Dimitris Haliotis, un secouriste de la Croix-Rouge. D’après les témoignages de la centaine de personnes qui ont pu être secourus en mer, ils auraient été 750 à s’entasser sans gilets de sauvetage sur le chalutier bleu décrépit. « Le navire faisait 25 à 30 mètres de long. Le pont était bondé, et nous pensons que l’intérieur l’était aussi », a déclaré à la chaîne de télévision ERT le porte-parole des gardes-côtes, Nikolaos Alexiou. Il s’agit du pire naufrage survenu au large du pays depuis juin 2016.
Dans le port de Kalamata, Dimitris Haliotis apporte les premiers soins aux rescapés. En majorité syriens, égyptiens et pakistanais, ils sont hébergés temporairement dans un hangar désaffecté. Allongés sur des matelas et enveloppés de couvertures grises, leurs visages sont marqués par les traumatismes et la fatigue. Derrière une barrière, ils sont encadrés par des policiers, des gardes-côtes et des militaires.
« Ils sont psychologiquement et physiquement très affaiblis. Ils voyageaient depuis six jours dans un bateau où ils étaient les uns sur les autres… Ils n’avaient même pas d’endroit pour faire leurs besoins, ils étaient déshydratés et n’avaient pas bien mangé depuis des jours », souligne Orestis Koulopoulos, un urgentiste qui affirme que, depuis le matin, une vingtaine ont été admis à l’hôpital pour hypothermie, fièvre ou hypoglycémie.
Prise de risque accrue
Selon plusieurs sources, le bateau serait parti de Tobrouk, une ville portuaire de l’Est libyen, à moins de 150 kilomètres de la frontière égyptienne. Depuis un an environ, le nombre de départs de cette région nord orientale, dite de la Cyrénaïque, a considérablement augmenté, alors qu’une majorité des migrants tentaient jusque-là de rejoindre l’Europe depuis la région côtière de Tripoli. En juin, la moitié des départs ont eu lieu de l’est, contrôlé par le maréchal Khalifa Haftar et l’Armée nationale libyenne.
Il vous reste 71.22% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.