Tests osseux, suppression d'allocations... Ces propositions de loi RN sont-elles applicables ?

Publié le 4 octobre 2023 à 16h57, mis à jour le 4 octobre 2023 à 20h32

Source : Sujet TF1 Info

Les commissions de l'Assemblée nationale examinent à partir de ce jeudi les propositions de loi déposées par le groupe Rassemblement national à l'occasion de sa future niche parlementaire, programmée le 12 octobre.
Les députés RN défendront des textes pour supprimer les aides aux parents délinquants, l'interdiction de l'écriture inclusive dans les manuels scolaires ou actes administratifs, ou encore un renfort du contrôle de minorité des étrangers.
Des propositions vraiment applicables ?

Le 12 octobre, le Rassemblement national pourra mettre les textes qu'il souhaite à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale dans le cadre de sa niche parlementaire. En reprenant des idées ou des propositions de loi déjà plébiscitées dans le passé par des groupes politiques de tous bords, le RN veut prouver le "sectarisme" de ses adversaires. C'était notamment l'objectif du texte phare de la niche visant à accorder aux femmes atteintes d'endométriose un statut d'affection longue durée. Ce dernier a été rejeté ce mercredi en commission. 

D'autres textes, en revanche, pourraient recevoir le soutien du groupe LR. Des propositions sur lesquelles TF1info a déjà pu se pencher auparavant. 

Suppression des allocations aux parents d'enfants délinquants

Parmi les textes que le RN veut soumettre à l'ensemble des députés figure la suppression des aides aux parents d'enfants délinquants, avec des durées plus ou moins longues selon les peines prononcées. Eric Zemmour avait formulé une proposition similaire lors de la dernière élection présidentielle à laquelle il était candidat. 

Le collectif spécialisé en legal-checking Les Surligneurs avait alors jugé que cette mesure n'était pas applicable. Rappelant que "nul n’est punissable que de son propre fait", il estimait qu'il était impossible de "punir des personnes pour des faits qu’elles n’ont pas commis, donc de condamner des innocents, ce qui est contraire à l’un des principes fondamentaux du droit pénal qu’est la responsabilité du seul fait personnel".

Ce que conteste le RN, qui fait valoir auprès de TF1info l'exemple de Valence (Drôme), où le maire LR avait fait adopter une délibération, fin 2020. Ce texte municipal prévoyait de supprimer des aides sociales et municipales (contrat municipal étudiant, chèque sport et culture) aux familles de mineurs délinquants condamnés. Des aides distinctes, donc, des allocations familiales. Selon un bilan établi par le maire, aucune sanction n'avait été prononcée un an plus tard. Saisie par l'opposition, la Défenseure des droits avait estimé que cette mesure locale était "de nature à porter atteinte aux droits des usagers de l’administration et à l’intérêt supérieur de l’enfant", pointant son imprécision et recommandant l'abrogation de la délibération. 

S'agissant de la suspension des allocations familiales, la majorité de droite au Sénat avait adopté, en avril 2021, un amendement de ce type visant à lutter contre l'absentéisme scolaire. Une mesure déjà appliquée entre 2010 et 2013 à l'instigation d'Eric Ciotti, et dont l'efficacité n'avait pas pu être mesurée. Elle avait été supprimée sous le quinquennat de François Hollande. 

Pratiquer des tests osseux pour confirmer ou infirmer la minorité des étrangers

Autre texte proposé par les députés d'extrême droite : renforcer le contrôle de minorité pour les étrangers. Le texte, qui a lui aussi été rejeté en commission ce mercredi, veut autoriser la pratique de tests osseux "à l’égard des individus qui ne détiennent pas de document d’identité valable et dont la minorité alléguée ne paraît pas vraisemblable, et à leur appliquer, à défaut pour eux de s’y soumettre, une présomption de majorité". Le but du RN est d'écarter de l'Aide sociale à l'enfance ceux qui n'y auraient pas le droit en trichant sur leur âge pour en bénéficier. En novembre 2022, alors que les candidats à la présidence LR Eric Ciotti et Bruno Retailleau défendaient l'utilisation des tests osseux pour éviter que des migrants majeurs bénéficient du statut de "mineurs non accompagnés", TF1info s'était penché sur leur fiabilité.

Aujourd'hui en France, les tests osseux sont pratiqués en cas de litige entre l'Aide sociale à l'enfance et la personne bénéficiaire suspectée de majorité. Ils ont été validés par le Conseil constitutionnel, ce dernier citant toutefois le Code civil, selon lequel "les conclusions de ces examens, qui doivent préciser la marge d'erreur, ne peuvent à elles seules permettre de déterminer si l'intéressé est mineur", et que "le doute profite à l'intéressé".

Selon l'ONG Human Rights Watch, "la marge d’erreur [d'un test] peut varier de 18 mois à 3 ans". En 2015, le Défenseur des droits expliquait que "la fiabilité des examens est très contestée, dans la mesure où ils comportent une marge d’erreur importante. Il est impératif aujourd’hui de recourir à d’autres méthodes de détermination d’âge, respectueuses des droits de l’enfant". Le Comité consultatif national d'éthique (CCNE) évoquait "un risque d’erreur majeur à l’égard d’enfants non caucasiens, originaires d’Afrique, ou d’Asie, dont le développement osseux peut être tout à fait hétérogène par rapport aux références anglo-saxonnes", généralement prises en référence. Et selon l'Académie de médecine, la technique est encore moins fiable entre 16 et 18 ans.

Interdire l'écriture inclusive

Aussi, les députés RN souhaitent faire adopter un texte pour interdire l'usage de l'écriture inclusive dans les manuels scolaires, les mémoires, thèses, actes administratifs ou contrats de tout ordre. En ce qui concerne l'école, l'écriture inclusive est déjà proscrite par l'Éducation nationale, en vertu d'une circulaire datée du 5 mai 2021. "Il convient de proscrire le recours à l'écriture dite 'inclusive', qui utilise notamment le point médian pour faire apparaître simultanément les formes féminines et masculines d'un mot employé au masculin lorsque celui-ci est utilisé dans un sens générique", peut-on y lire. 

En 2019, saisi par une association qui contestait la rédaction d'une circulaire par le Premier ministre Edouard Philippe demandant à ce qu'il ne soit pas fait application de l'écriture inclusive dans les textes officiels, le Conseil d'État l'avait déboutée. Il confirmait donc que l'écriture inclusive ne s'appliquait pas aux textes officiels.


Justine FAURE

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