Marine Le Pen, qualifiée au second tour, a appelé "tous les Français, de toutes sensibilités" à la rejoindre.

Marine Le Pen, qualifiée au second tour, a appelé "tous les Français, de toutes sensibilités" à la rejoindre.

Anadolu Agency via AFP

Marine Le Pen est arrivée sur scène à 20h30, quelques minutes après les résultats du premier tour de l'élection présidentielle. Veste bleu marine, chemise blanche, pas vif. L'adversaire d'Emmanuel Macron se qualifie avec 23 % des voix, soit presque cinq points de moins que le président sortant, arrivé en tête avec 27,6% des suffrages.

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Quelques minutes avant son entrée, certains cadres espéraient encore un résultat plus favorable, un score à la hauteur de celui du chef de l'Etat, comme la dynamique des sondages leur laissait espérer. Sur l'estrade de la grande salle du Pavillon Chesnaie du Roy, à quelques centaines de mètres du château de Vincennes, le sourire de Marine Le Pen ne laisse rien paraître. Pour sa deuxième qualification au second tour de l'élection présidentielle, la fille de Jean-Marie Le Pen propose aux Français de faire un choix : "Soit la division, l'injustice et le désordre, imposés par Emmanuel Macron au profit de quelques-uns, soit le rassemblement des Français autour de la justice sociale et de la protection".

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Cap vers le social

"Justice sociale et protection". Les mots ne sont pas choisis au hasard. Sur l'écran géant de télévision, Jean-Luc Mélenchon s'est imposé comme le troisième homme de cette élection, totalisant 22,2 % des suffrages (chiffres provisoires). Juste derrière elle. Une incroyable réserve de voix pour la candidate d'extrême droite, qui a ajouté, quelques minutes avant son allocution, des éléments à son discours pour accentuer sa dimension sociale. Sur l'estrade, son allocution prend des accents de gauche, quand elle déclare : "De votre vote dépend également la place que dans la société nous voulons donner aux personnes face au pouvoir de l'argent." Et la candidate de citer l'importance de "la solidarité envers les plus vulnérables, la possibilité de jouir de droits garantis, ou d'accéder à la retraite en bonne santé". Ou, quelques secondes plus tard, ses ambitions "économiques et écologiques".

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Comment pourrait-elle faire autrement ? L'arithmétique n'est pas en faveur de Marine Le Pen, ce dimanche soir. Certes, la candidate dispose pour la première fois d'une réserve de voix plus conséquente. Son concurrent d'extrême droite Eric Zemmour - 7% des voix - a appelé à voter pour elle, malgré "leurs désaccords". "Bravo patriote !" hurlent quelques militants lepénistes dans la salle. Idem pour Nicolas Dupont-Aignan, son ancien allié (2%). Sauf surprise, elle devrait réussir à capter aisément une large partie des électorats de ses deux ex-concurrents. Quid du reste ? Les électeurs Les Républicains, qui représentent moins de 5% des suffrages, rassemblés autour de Valérie Pécresse, ne pèsent pas lourd face aux 22% de Jean-Luc Mélenchon. Et aucun des deux camps ne lui est acquis.

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Amorcer une dynamique

Dans la salle, le visage du conseiller de Marine Le Pen Philippe Olivier est fermé, lorsque le leader Insoumis répète, à quatre reprises : "Il ne faut pas donner une seule voix à Madame Le Pen". "La politique c'est de la dynamique, pas de l'arithmétique", évacuait-il quelques minutes plus tôt, lorsqu'on lui faisait remarquer que les reports de voix n'étaient pas favorables à sa candidate.

Tout l'enjeu réside désormais dans la capacité de Marine Le Pen à impulser cette dynamique, en créant les conditions d'un référendum pour ou anti Macron autour de sa personne. Dans les rangs lepénistes, on cherche à se persuader qu'Emmanuel Macron aurait déjà épuisé sa réserve de voix, et qu'il suffirait de surfer sur la supposée détestation d'une partie du pays à son encontre. "Je suis persuadé que le tout sauf Marine ne marchera pas, on va passer au tout sauf Macron", veut croire le conseiller régional Aymeric Durox. D'autres tapent aussi sur l'abstention importante d'une partie des électeurs de gauche, lassés de faire barrage à l'extrême droite. "Une stratégie des castors", selon l'expression popularisée par Jean-Luc Mélenchon, qui aurait fait long feu. "C'est l'abstention différentielle, le ni ni, qui peut nous permettre d'atteindre 50% des voix", insiste Jean-Philippe Tanguy, le directeur adjoint de la campagne. La stratégie de banalisation de Marine Le Pen, qui travaille à adoucir son image et à rassurer les Français depuis des mois, pourrait y contribuer.

Un peu plus loin, le cadre Gilles Pennelle a le sourire des jours de victoire : "On va leur dire qu'avec Macron ça sera la retraite à 65 ans, et un RSA de misère !" lance-t-il entre deux gorgées de champagne "Marine Présidente". Un peu plus tôt, il avait glissé à L'Express, ravi par le score d'Eric Zemmour : "Et dire qu'on nous avait enterrés..." Et soudain, on ne sait si le breton trinque aux (minces) chances de victoire de sa candidate, ou tout simplement à la survie politique de sa championne, qui malgré une campagne difficile et une issue incertaine, prouve que la marque Le Pen aura finalement résisté au dégagisme.

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