Les auditions sont encore en cours et Amber Heard n’a pas encore eu l’occasion de s’exprimer. Sur Internet pourtant, l’acteur américain Johnny Depp semble avoir déjà remporté son procès en diffamation contre son ex-femme que de nombreux soutiens de l’acteur américain qualifient de “menteuse” dans de nombreux extraits vidéos qui essaiment sur le réseau social TikTok.

Le 13 avril, quelques jours après le début d’une audience surmédiatisée et retransmise en direct, le média américain spécialiste des célébrités Gawker dénombrait 1,1 milliard de vues pour le hashtag #justiceforjohnnydepp. “En deux semaines, ces chiffres ont plus que quadruplé. Au moment où cet article est publié, #justiceforamberheard compte 22 millions de vues”, écrivait le New York Times le 29 avril.

USA Today critique de son côté un manque de nuance alors que “nous ne sommes pas encore à la moitié du procès” :

“Les spécialistes des violences conjugales rappellent qu’il s’agit d’une affaire complexe. Cependant l’opinion publique a apparemment déjà décidé qui est innocent et qui est coupable.”

Fans harceleurs

La retransmission en direct du procès “n’a pas grand-chose d’un live CNN mais davantage d’une retransmission des MTV Music Awards ou d’un contenu sur Twitch”, souligne Gawker. L’événement “est devenu un exemple de ce qui se passe quand des affaires complexes sont abordées à travers le prisme de la “stan culture” et des réseaux sociaux”, décrypte le NYT. Contraction de “stalker” (“harceleur”) et “fans”, la “stan culture” désigne le phénomène d’attaques coordonnées de communautés d’admirateurs véhéments envers les détracteurs de leur idole.

@ethantrace AMBER HEARD CAUGHT LYING AGAIN 🤣💄 @Milani #justiceforjohnnydepp ♬ original sound - Ethan Trace

En 2018, dans les colonnes du Washington Post, Amber Heard se présentait comme “une personnalité publique représentative des violences conjugales”, sans nommer son ex-mari. Ce dernier a par la suite porté plainte, considérant qu’en tant que divorcé, en 2016, et sujet à une procédure d’injonction d’éloignement, l’allusion le concernant était claire et pouvait porter préjudice à “sa réputation et à sa carrière”, retrace le New York Times.

Une contre-poursuite en diffamation de la part de l’actrice est également en cours d’examen. De son côté, l’homme de 58 ans nie “avoir jamais frappé Mme Heard et prétend que, dans leur relation, c’était elle l’agresseuse”. Le tribunal ne s’exprimera qu’après la fin des témoignages et le public est soumis à une obligation de discrétion. Mais, poursuit le New York Times :

“Le reste du monde n’est pas soumis à cette obligation.”

Sexisme et renouveau du profil d’agresseur

Le profil des soutiens de Johnny Depp “dépasse le genre et la sexualité”, poursuit Gawker. “D’un côté, il est cet acteur qui s’exprime posément, avec un côté européen, sur lequel les fans peuvent plaquer leurs souvenirs d’enfance. La série de films Pirates des Caraïbes et le retour de l’esthétique des films de Tim Burton sont [d’ailleurs] partout sur TikTok. De l’autre, personne ne parle de sa consommation d’alcool excessive qui a pourtant été prouvée, ni des SMS violents envoyés à Paul Bettany.”

Selon USA Today, qui qualifie le procès de “divertissement public” empreint de “sensationnalisme”, ce soutien provient d’une combinaison de facteurs :

“Le statut de star de Johnny Depp, l’absence de spécialistes des violences conjugales au procès et le fait que Heard n’ait pas encore été appelée à la barre”.

“L’ambiance des réseaux sociaux est d’une brutalité inouïe pour Amber [Heard]”, confie l’amie journaliste de l’actrice Eve Barlow au New York Times. Selon elle, nombre des commentaires sur TikTok et Twitter reflètent “une haine misogyne”.

Le procès a néanmoins le mérite d'exposer les violences conjugales sous un nouvel angle, explique au titre Rachel Louise Snyder, autrice spécialiste du sujet :

“Nous n’avons pas l’habitude d’associer les victimes à la richesse. Ni les victimes à des hommes. Et encore moins les agresseurs à des femmes. Je ne dis pas qu’elle est l’auteur des violences et que c’est lui la victime. Je dis juste que c’est l’occasion de revoir nos idées reçues sur le sujet”.

Si cette possibilité doit être prise en compte,il faut attendre de voir ce que Amber Heard a à dire”, maintient la présidente de la National Coalition Against Domestic Violence, Ruth Glenn, dans USA Today.