Le drapeau européen flottera sur – ou à proximité de – certaines mairies françaises. C’est le compromis auquel sont parvenus les députés, après des heures de débat, dans la nuit du mercredi 10 au jeudi 11 mai. Le fronton des mairies des villes de plus de 1 500 habitants devront être pavoisées. Au terme d’un examen tendu, la proposition de loi portée par le groupe Renaissance a été soutenue par 130 voix contre 109 et doit désormais être examinée par le Sénat.
A un an des élections européennes, la discussion s’était transformée, depuis mardi, en débat pour ou contre l’Union. La proposition de loi avait été volontairement inscrite à l’agenda le jour de l’anniversaire de la déclaration de Robert Schuman du 9 mai 1950, considérée comme un texte fondateur de la construction européenne. Mais elle est loin d’avoir soulevé l’enthousiasme au Palais-Bourbon, où elle a subi les critiques des oppositions et les réticences de certains députés de la majorité, notamment ceux du MoDem.
La motion de rejet préalable, déposée par La France insoumise (LFI), a toutefois été rejetée en soirée mardi, avant que le texte échappe de peu à des amendements de suppression de son article unique (160 voix contre 169).
Des amendements ont finalement assoupli le texte initial, en permettant que les drapeaux puissent être hissés à proximité des mairies ou sur leurs toits et surtout en exemptant les communes de moins de 1 500 habitants de l’obligation de pavoisement, pour des raisons financières. « L’exemption concerne 70 % des communes de France », a dénoncé le député Les Républicains (LR) Philippe Gosselin, « ça n’a pas de sens » dans une « République une et indivisible ».
Le portrait du président dans toutes les mairies
En fait, ce sont exactement 78 % des mairies françaises qui ne sont pas concernées par la mesure. « Soit [le drapeau européen] c’est important, c’est un symbole et on l’affiche partout », soit non, a critiqué l’écologiste Jérémie Iordanoff. Son groupe, qui avait annoncé plus tôt dans la journée qu’il voterait le texte, malgré son aspect « politicien », a finalement opté pour l’abstention, une fois l’amendement sur les petites communes adopté.
Les députés ont également voté un amendement pour garantir, dans toutes les mairies cette fois, la présence du portrait officiel du président de la République, un usage lui aussi répandu. Puis deux autres pour apposer la devise « Liberté, égalité, fraternité » sur leurs façades (amendement Léaument, LFI) ou afficher la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen à l’intérieur (Gosselin, LR).
« Le vote qui sera fait tout à l’heure sera un vote en faveur ou en défaveur de la construction européenne, ni plus ni moins », a lancé mardi le rapporteur de la proposition de loi, le député macroniste Mathieu Lefèvre, assumant sa portée « symbolique ». « Ceux qui ont du mal à masquer leur malaise devant le drapeau étoilé ont tout autant de mal à masquer leurs rêves de Frexit déguisé, rouge pour les uns et brun pour les autres », a-t-il poursuivi, ciblant les « insoumis » et les députés Rassemblement national (RN). La secrétaire d’Etat chargée de l’Europe, Laurence Boone, a renchéri en pointant les « deux extrêmes de cet hémicycle ».
« Tentative de diversion »
Les députés « insoumis » ont, quant à eux, raillé, comme les communistes, « la tentative de diversion » du camp présidentiel avec une mesure « sans aucune utilité pratique ». « La manière dont vous envisagez d’imposer la belle idée de l’internationalisme avec ce qu’est en train de devenir la construction libérale de l’Europe va faire détester l’Europe », a tonné le député LFI Alexis Corbière.
Le député du Rassemblement national Jean-Philippe Tanguy a lancé une attaque frontale contre le drapeau étoilé, qui ne porte, selon lui, « aucun symbole ». « Il n’y a que trois couleurs [devant lesquelles] les Français s’inclinent : le bleu, le blanc et le rouge. »
Philippe Gosselin (LR) a fustigé un débat « clivant » et « binaire », qui « crée de la discorde ». Son groupe avait proposé de ne rendre obligatoire que le drapeau français. Le député MoDem Erwan Balanant avait, lui, assumé les doutes initiaux de son groupe sur ce texte jugé « pas utile », des hésitations qui ont créé des frictions dans le camp présidentiel. Mais il a estimé que le débat avait finalement eu le mérite de montrer « la haine de l’Europe du RN » et les « arguties » de LFI.
Comme pris en étau, c’est au nom de leur engagement proeuropéen que les socialistes avaient annoncé qu’ils voteraient en faveur du texte de Renaissance.
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