L’accès à un logement abordable en France se détériore. C’est même le « carburant de toutes les inégalités », affirme Oxfam France lundi 4 décembre dans son rapport« Logement : inégalités à tous les étages ».

Dans sa toute première étude sur la question, l’association spécialisée dans la lutte contre les inégalités et la pauvreté fait le bilan de l’évolution de l’accès au logement ces vingt dernières années. Un droit selon elle menacé, qu’il faudrait inscrire dans la Constitution au même titre que le droit à la propriété.

► Un poste de dépenses de plus en important pour les ménages modestes

Le logement est le premier poste de dépense contrainte des Français. Alors qu’il représentait 9,5 % du revenu brut des ménages en 1960, cette part s’élève en moyenne actuellement à 23 %. Et atteint même 32 % pour les plus modestes. En vingt ans, les prix des biens immobiliers ont augmenté « quatre fois plus vite que les revenus », a souligné la présidente de l’association Cécile Duflot lors d’une conférence de presse.

Cette évolution touche en premier lieu les foyers aux revenus les plus faibles. Selon le rapport, « les 25 % les plus modestes consacrent deux fois plus de leurs revenus aux dépenses de logement que les 25 % les plus riches ». Par ailleurs, Oxfam estime que, en 2021, les 10 % des Français les plus riches concentraient 44 % de tout le patrimoine immobilier français.

► Un « désengagement progressif de l’État »

Oxfam explique également que l’État s’est progressivement désengagé de la question du logement. Ce phénomène a « ouvert la voieau secteur privé et aux investisseurs financiers, jusqu’à la financiarisation », entraînant des « déséquilibres importants entre l’offre et la demande », détaille le rapport.

Pour dénoncer cette « course au profit » de la part d’acteurs privés, l’étude s’appuie sur l’exemple des résidences privées, réservées aux étudiants et aux seniors, qui se sont multipliées « au détriment d’une offre abordable pour les plus précaires ». Les étudiants, d’ailleurs, sont parmi les plus pénalisés, eux qui consacrent entre 44 % et 60 % de leur budget mensuel au logement.

► Une fiscalité avantageuse pour les multipropriétaires

Afin d’attirer des financements privés, les niches fiscales sur le logement se sont multipliées. Selon Oxfam, trois d’entre elles ont ainsi coûté environ 11 milliards d’euros aux finances publiques en douze ans. Des sommes qui auraient pu permettre la construction de « plus de 70 000 logements sociaux », ont calculé les auteurs de l’étude.

Oxfam estime ainsi que la fiscalité est « inadaptée » à la montée des inégalités. Elle favoriserait au contraire « l’accumulation du patrimoine immobilier » et l’augmentation de la part des logements vacants et des résidences secondaires. L’étude souligne que 3,5 % des ménages, détenant cinq logements ou plus, concentrent la moitié de l’ensemble des logements mis en location par des particuliers sur le territoire.

La question de la régulation des plateformes de location de courte durée telles qu’Airbnb« reste un enjeu majeur ». Selon l’association, celles-ci contribuent à la hausse des prix et à la « pénurie de logements » dans certains territoires français.

► La « classe moyenne » et la propriété, un accès de plus en plus difficile

Aujourd’hui, il est beaucoup plus difficile d’accéder à la propriété pour les plus modestes, « voire également pour la classe moyenne », estime le rapport.

En 2020, les ménages se sont endettés sur vingt-deux ans en moyenne pour acquérir leur résidence principale, soit sept ans de plus que vingt ans auparavant. L’explosion des prix immobiliers (de 160 % entre 2000 et 2020) ainsi que la lente progression des revenus (en progression de seulement 29 % sur la période) expliquent l’allongement de la durée d’endettement.

► Des pistes pour revoir la fiscalité et le droit au logement

L’étude formule plusieurs pistes afin de réduire les inégalités d’accès à un logement abordable et rénové en France. Parmi elles, le fait d’inscrire le droit au logement « au même niveau que le droit à la propriété », le « renforcement du service public du logement pour favoriser l’accès à un logement durable », ou encore la « restriction voire interdiction de la présence d’acteurs financiarisés dans le marché du logement ».

Oxfam France recommande aussi aux décideurs politiques d’introduire la possibilité, pour les communes, « d’interdire la mise en location pour une courte durée des résidences secondaires ».