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Accord historique à l'ONU pour protéger la haute mer

Après vingt ans de négociations, les Etats membres de l'ONU ont finalisé le premier traité international de protection de la haute mer. Un accord crucial, qui régira la création d'aires marines protégées ou le partage des ressources génétiques marines.

Les débats ont notamment porté sur la notion de « patrimoine commun de l'humanité », à laquelle certains pays comme les Etats-Unis préféraient le principe de liberté de la haute mer.
Les débats ont notamment porté sur la notion de « patrimoine commun de l'humanité », à laquelle certains pays comme les Etats-Unis préféraient le principe de liberté de la haute mer. (Shutterstock)

Par Anne Feitz

Publié le 5 mars 2023 à 11:49Mis à jour le 6 mars 2023 à 15:21

Un véritable marathon. Après une nuit blanche et 38 heures de négociations finales, les Etats membres de l'ONU sont enfin parvenus à un accord sur le traité de protection de la haute mer , dans la soirée de samedi à New York. Au terme d'une session entamée le 20 février, « le navire a atteint le rivage », a annoncé à New York la présidente de la conférence, Rena Lee, sous les applaudissements des délégués.

Un accord largement qualifié d'« historique ». « Il s'agit d'un instrument juridique contraignant, et non pas d'une simple addition de bonnes volontés », insiste André Abreu, de la Fondation Tara Océan, dans un communiqué. C'est la première fois que le grand large, plus précisément les zones situées au-delà de 200 milles nautiques (370 kilomètres) des côtes, sera réglementé. A l'extérieur des zones économiques exclusives (ZEE), la haute mer, qui représente 60 % des océans, n'était jusque-là soumise à aucune juridiction.

Création d'aires marines protégées

Entamées de façon informelle en 2004 et devenues formelles en 2008, les négociations ont été exceptionnellement longues. « C'est une prouesse d'être parvenu à s'entendre sur les règles de gestion d'un espace partagé par la communauté internationale, dans le contexte géopolitique actuel », souligne Julien Rochette, spécialiste de l'océan à l'Iddri.

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Selon Romain Troublé, directeur général de la Fondation Tara Océan, le texte final a échappé de justesse à un vote, qui aurait rendu son application bien plus compliquée. « La mouture finale du texte est jugée acceptable par presque tous les pays, à l'exception de la Russie, la Turquie et le Nicaragua, qui ont émis des réserves », dit-il.

Le contenu précis du texte final n'a pas encore été publié, et certains appellent à la prudence. « Ni le contenu, ni le statut juridique de ce texte, ni la liste des Etats signataires, ni le délai de ratification ne sont connus. Prudence ! » a réagi sur Twitter l'avocat Arnaud Gossement.

On sait qu'il devait notamment porter sur les modalités de création des aires marines protégées, sur l'instauration d'études d'impact des activités humaines, ou encore sur le partage des bénéfices liés aux ressources génétiques marines . C'est notamment sur ce dernier point que les négociations avaient achoppé lors de la dernière réunion , en août 2022, et que les discussions se sont de nouveau tendues ces derniers jours.

« Les Etats-Unis ont accepté dans la dernière ligne droite que la notion de 'patrimoine mondial de l'humanité' » soit inscrite dans le préambule, alors qu'ils étaient jusque-là attachés au principe de liberté : ce n'était pas gagné, et c'est fondamental ! » indique Romain Troublé.

Le statut, l'accès et la traçabilité des données génétiques correspondantes, une fois le génome décrypté, faisaient encore l'objet d'un blocage vendredi, de même que les montants alloués au fonds spécial destiné aux pays en développement, et qui doit être alimenté par les bénéfices issus de ces ressources génétiques marines.

Les conditions de mise en place et de gestion des futures aires marines protégées ont aussi constitué un point dur des négociations. La plupart d'entre elles ne seront finalement pas soumises au veto des pays riverains, ce qui constitue, là aussi, une grande avancée. « Il y aura toutefois des exceptions pour les régions sous tensions géopolitiques, comme l'Arctique ou la mer de Chine », précise Romain Troublé.

Transferts financiers du nord vers le sud

Comme souvent, la question cruciale des transferts financiers du nord vers le sud a donc été au coeur des discussions. Dans ce cadre, les engagements annoncés en fin de semaine, lors d'une grande conférence sur l'océan à Panama, ont peut-être accentué la pression sur les négociateurs onusiens. Au total, les Etats se sont engagés à consacrer près de 20 milliards de dollars à la protection des océans, dont 6 milliards pour les Etats-Unis (sans précision de durée). L'Union européenne a de son côté promis 800 millions d'euros sur la seule année 2023.

L'océan est essentiel à la vie sur Terre : il abrite une biodiversité cruciale, fournit la moitié de l'oxygène que nous respirons, et limite le réchauffement climatique en absorbant du CO2. Pourtant, à peine 1 % de la haute mer est aujourd'hui protégée, et l'océan, victime de pollutions, d'acidification ou de surpêche, est en grave danger . En décembre dernier, la COP 15 sur la biodiversité s'est fixé pour objectif de protéger 30 % des terres et des mers d'ici à 2030.

Ce nouveau traité international sur la haute mer doit précisément permettre de mettre en oeuvre cet objectif. Désormais gelé sur le fond, il doit maintenant encore être formellement adopté, une fois passé au crible d'une révision technique, et d'une traduction dans les six langues officielles de l'ONU.

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VIDEO. Accord historique à l'ONU pour protéger la haute mer : ce qu'il faut en retenir

Anne Feitz

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