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Fabien Truong, sociologue : « Dans ces quartiers, la pauvreté et l’insécurité sont des réalités concrètes. C’est pourquoi cette colère est politique »

Dans un entretien au « Monde », le sociologue Fabien Truong analyse les raisons de la colère d’une partie de la jeunesse française qui s’est spontanément identifiée à Nahel M.

Propos recueillis par 

Publié le 30 juin 2023 à 05h00, modifié le 07 juillet 2023 à 10h58

Temps de Lecture 4 min.

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Sociologue, Fabien Truong est professeur à l’université Paris-VIII. Des émeutes de 2005 aux attentats de janvier 2015, il a suivi le parcours scolaire et biographique d’une vingtaine de ses anciens élèves du secondaire en Seine-Saint-Denis (Jeunesses françaises, La Découverte, 2015, 2022). Il est également l’auteur de Des capuches et des hommes (Buchet-Chastel, 2013) et de Loyautés radicales (La Découverte, 2017).

Pourquoi une partie de la jeunesse française s’est-elle soulevée après la mort de Nahel M., embrasant des quartiers bien au-delà de la ville où il résidait et où il a été tué ?

Ce sont des garçons du même âge que Nahel, qui réagissent de manière intime et violente pour une raison simple : cette mort aurait pu être la leur. Chacun se dit en son for intérieur : « Cela aurait pu être moi. » Chaque adolescent de ces quartiers garde en mémoire des souvenirs d’altercations négatives et heurtées avec la police. Les contrôles d’identité désagréables et répétés en bas de chez soi sont humiliants, génèrent du stress et nourrissent, à la longue, un profond ressentiment. Ils induisent que leur présence, au pied même de leur domicile n’est pas légitime, qu’elle doit se justifier. Cette logique du soupçon est presque métaphysique et existentielle. Ces jeunes se disent qu’ils sont contrôlés pour ce qu’ils sont et non pour ce qu’ils font. Ces expériences laissent des traces durables dans l’existence. Dans le cadre de mes enquêtes, je constate à quel point ces blessures marquent : passés la trentaine, la peur de la police reste vive. Le rapport à l’Etat a été douloureux, la promesse républicaine n’a pas été tenue. C’est sans doute ce qui explique en partie la désaffection politique des habitants des cités et la méfiance à l’égard de ce qui incarne le pouvoir.

Ces quartiers cumulent les inégalités, mais aussi la délinquance et les incivilités…

Oui, il s’agit de poches où se concentrent la pauvreté et la violence sociale qui va avec, mais ce n’est pas parce que les jeunes fuient et qu’ils refusent d’obtempérer qu’ils ont pour autant quelque chose à se reprocher. Zyed Benna et Bouna Traoré, électrocutés dans un poste électrique alors qu’ils tentaient d’échapper à un contrôle de police à Clichy-sous-Bois (Seine-Saint-Denis), en 2005, n’avaient commis aucune infraction, et leur mort a provoqué des nuits de colère interminables. Et lorsque c’est le cas, les policiers devraient prendre en compte qu’il s’agit, dans la plupart du temps, d’adolescents, comme Nahel, âgé de 17 ans. Cette dimension est importante, car il est essentiel dans une intervention de percevoir l’adolescent, avant le délinquant potentiel. Tout cela devrait induire une certaine posture, car il faut souvent être capable de faire preuve de pédagogie, surtout quand il s’agit de faire respecter l’Etat de droit et d’incarner l’autorité. C’est un âge où l’on cherche sa place dans le monde, où l’on se construit en opposition. D’où l’importance pour le policier d’être formé à ce type de rapport pour désamorcer des escalades absurdes, mais qui peuvent s’expliquer.

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