Le Conseil constitutionnel a rendu, jeudi 25 janvier, sa décision sur la loi « immigration ». Les neuf juges constitutionnels ont censuré complètement ou partiellement trente-cinq articles sur les quarante-cinq qui étaient contestés par les députés ou les sénateurs de gauche, en particulier de nombreuses mesures introduites au Sénat par la droite.
Défendu par le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, le texte d’origine était présenté comme un compromis entre contrôle accru de l’immigration et une meilleure intégration. Mais les nombreux ajouts de la majorité de droite et du centre au Sénat ont durci l’orientation du texte.
Le texte avait ensuite été remanié par la commission des lois de l’Assemblée nationale, mais l’adoption d’une motion de rejet par les députés a rendu cette version caduque. Le gouvernement avait alors convoqué une commission mixte paritaire (CMP) qui a encore modifié, les 18 et 19 décembre, le texte sur fond de tractations politiques entre la majorité et Les Républicains.
Du projet de loi du gouvernement aux censures du Conseil constitutionnel, retrouvez ci-dessous l’évolution de dix-huit mesures majeures du texte.
Quotas annuels
Instauration d’un débat parlementaire annuel et de quotas sur l’immigration
Projet initial : cette mesure ne figure pas dans le texte de loi initial.
Sénat : le gouvernement doit présenter chaque année sa politique migratoire devant le Parlement, qui contrôle chaque année la mise en œuvre des mesures engagées. Sont également instaurés des quotas annuels d’immigration.
Commission mixte paritaire : la mesure adoptée au Sénat est confirmée.
Conseil constitutionnel : les sages censurent l’instauration de quotas migratoires et la tenue d’un débat annuel au Parlement, car « une telle obligation pourrait faire obstacle aux prérogatives » du gouvernement ou de chacune des deux assemblées. En revanche, le reste de l’article prévoyant la remise d’un rapport d’information au Parlement « ne méconnaît pas les exigences constitutionnelles ».
Titres de séjour
Refus ou retrait d’un titre de séjour en cas de non-respect des « principes de la République »
Projet initial : cette mesure ne figure pas dans le texte de loi initial.
Sénat : un nouveau motif de refus, de retrait ou de non-renouvellement des titres de séjour est ajouté : tout demandeur d’un titre de séjour doit souscrire « un contrat d’engagement au respect des principes de la République », dans lequel il s’engage à respecter « la liberté personnelle, la liberté d’expression et de conscience, l’égalité entre les femmes et les hommes, la dignité de la personne humaine, la devise et les symboles de la République ».
Un demandeur qui refuse de signer ce contrat « ou dont le comportement manifeste qu’il n’en respecte pas les obligations » ne pourra obtenir aucun document de séjour. En cas de manquements graves à ce contrat d’engagement, l’autorité administrative pourra retirer ou ne pas renouveler un titre de séjour.
Commission mixte paritaire : le texte adopté est quasiment identique à celui des sénateurs, à la seule différence qu’il supprime le caractère automatique du refus de renouvellement de titre à un étranger n’ayant pas respecté le contrat d’engagement au respect des principes de la République.
Conseil constitutionnel : l’article est jugé conforme à la Constitution. Les sages considèrent que c’est « à bon droit » que le législateur a « imposé aux ressortissants étrangers, qui ne se trouvent pas dans la même situation que celle des nationaux, la souscription d’un contrat prévoyant l’engagement de respecter » les principes de la République.
Attribution d’un titre de séjour pour les victimes des « marchands de sommeil »
Projet initial : le texte durcit les sanctions contre les « marchands de sommeil » en créant des peines aggravées lorsque le locataire qui vit dans des « conditions incompatibles avec la dignité humaine » est en situation vulnérable, en particulier s’il s’agit d’un étranger en situation irrégulière.
Sénat : à l’initiative de la gauche, et après avis favorable du gouvernement, les sénateurs prévoient de délivrer une carte de séjour aux sans-papiers victimes des marchands de sommeil qui portent plainte. D’une durée d’un an, elle peut être renouvelée pendant toute la durée de la procédure.
Commission mixte paritaire : la mesure adoptée au Sénat est confirmée.
Conseil constitutionnel : la conformité de la mesure avec la Constitution n’a pas été examinée.
Titres de séjour facilités pour les travailleurs des métiers en tension
Projet initial : certains sans-papiers travaillant dans des métiers en tension (bâtiment, restauration…) auront la possibilité d’obtenir « de plein droit » un titre de séjour, alors qu’aujourd’hui la régularisation reste à la main des préfets. Pour cela, les travailleurs devront prouver qu’ils résident en France depuis au moins trois ans, présenter huit fiches de paye et n’auront pas besoin que leur employeur les accompagne dans leurs démarches comme c’est le cas aujourd’hui. Le texte crée aussi une carte « talent » spécifique pour faciliter la venue de médecins, pharmaciens, dentistes et sages-femmes. Il autorise les demandeurs d’asile présentant un fort taux de protection à travailler dès le dépôt de leur demande.
Sénat : cette mesure phare de la loi est supprimée et remplacée par un nouvel article prévoyant un titre de séjour « exceptionnel » à la discrétion des préfets. Les conditions de régularisation sont durcies : le travailleur devra prouver qu’il a travaillé douze mois dans un métier en tension au cours des vingt-quatre derniers mois, au lieu de huit dans le texte initial. Les travaux étudiants ou saisonniers sont exclus.
Avant la délivrance d’un titre de séjour, le préfet doit vérifier la nature du travail auprès de l’employeur, l’insertion sociale du demandeur, son respect de l’ordre public, son intégration, son respect des valeurs et principes de la République… Le préfet a la possibilité de refuser la délivrance du titre même si toutes ces conditions sont réunies. La mesure ne s’appliquera que jusqu’à fin 2026.
Le « passeport talent » de l’article 6 est remplacé par un simple titre de séjour portant la mention « talent », limité à quatre ans. Il est réservé à des diplômés de niveau bac + 5 ou équivalent, ou conditionné à la demande d’une entreprise innovante reconnue par un organisme public dans le cadre d’un projet de recherche.
Plusieurs mesures sont ajoutées pour durcir le contrôle de l’immigration étudiante, absente du projet de loi original. Les étudiants étrangers doivent déposer une caution pour obtenir un titre de séjour (le gouvernement s’est opposé à cette mesure) et justifier annuellement du « caractère sérieux des études » sous peine du retrait du titre de séjour.
L’article 4 qui autorise certains demandeurs d’asile à travailler est supprimé.
Commission mixte paritaire : une version de cette mesure très proche de celle du Sénat est adoptée, avec l’ajout de l’exigence d’un casier judiciaire vierge pour la régularisation d’une personne travaillant dans un métier en tension.
La majorité présidentielle s’est félicitée d’avoir obtenu lors de la CMP l’autonomie de la demande de régularisation par rapport à l’employeur, qui pourrait avoir intérêt à maintenir son salarié dans une situation précaire. L’autorité administrative pourra vérifier « par tout moyen » la réalité du travail du demandeur, alors que la version du Sénat prévoyait que cette vérification se fasse auprès de l’employeur.
L’obligation, voulue par le Sénat, de demander une caution aux étudiants étrangers est maintenue mais légèrement amendée : le ministre chargé de l’enseignement supérieur pourra en dispenser « à titre exceptionnel » les étudiants bénéficiant de revenus modiques et dont l’excellence du parcours scolaire ou universitaire le justifie.
Conseil constitutionnel : la conformité de ces mesures avec la Constitution n’a pas été examinée.
Réforme de la Cour nationale du droit d’asile (CNDA)
Projet initial : pour traiter au plus vite les demandes d’asile, le texte réforme profondément l’organisation de la CNDA, juridiction administrative qui examine les recours des demandeurs d’asile qui ont été déboutés devant l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra).
Un juge unique doit statuer sur les recours, alors que la décision était auparavant prise de manière collégiale par trois personnes dont un juge assesseur nommé par le Haut-Commissariat aux réfugiés des Nations unies (HCR). Le texte déconcentre la CNDA en créant des chambres territoriales.
Sénat : pas de modification de cette disposition.
Commission mixte paritaire : les mesures du texte initial sont confirmées.
Conseil constitutionnel : les mesures sont jugées conformes. Selon le Conseil, l’instauration d’un juge unique à la CNDA ne porte pas atteinte aux droits de la défense, au droit à un procès équitable ou à l’égalité devant la justice.
Réunification des guichets pour enregistrer les demandes d’asile
Projet initial : l’article 19 prévoit la création de pôles territoriaux France Asile qui offriront aux demandeurs un parcours administratif simplifié entre les différentes administrations compétentes – préfecture, Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII), Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) . L’enregistrement et le suivi de la demande d’asile sont centralisés afin d’accélérer leur traitement.
Sénat : le dispositif est validé, mais les sénateurs ajoutent un caractère expérimental en le limitant à quatre ans et précisent que la réunification des guichets doit se faire « sans préjudice de l’indépendance de ses agents », alors que les syndicats de l’Ofpra redoutent de passer sous la coupe des préfectures. Enfin, les sénateurs permettent que l’entretien d’un demandeur d’asile soit mené à distance, en visioconférence.
Commission mixte paritaire : la création de pôles territoriaux de France Asile est confirmée mais sera testée sur trois sites pilotes. Elle se fera « sans préjudice » de l’indépendance des agents de l’Ofpra.
Conseil constitutionnel : la conformité de ces mesures avec la Constitution n’a pas été examinée.
Aides sociales
Aide médicale d’Etat (AME)
Projet initial : cette mesure ne figure pas dans le texte de loi initial.
Sénat : la suppression de l’AME réservée aux étrangers en situation irrégulière – demande récurrente de la droite et de l’extrême droite – est adoptée par les sénateurs, sans opposition du gouvernement. Elle est remplacée par une aide médicale d’urgence (AMU), qui réduit drastiquement le panier de soins (sont pris en charge les vaccins réglementaires, les examens de médecine préventive, les soins liés à la grossesse et aux enfants à naître, etc.). Les bénéficiaires de l’AMU doivent s’acquitter d’un droit annuel dont le montant sera fixé par décret.
Commission mixte paritaire : objet de tractations politiques entre le gouvernement et les parlementaires LR, cet article est supprimé par la CMP. La suppression de l’AME ne figure plus dans le texte, mais la première ministre promet, dans un courrier au président du Sénat, qu’une réforme du dispositif sanitaire sera engagée en 2024.
Conditionnement de certaines aides sociales à cinq ans de séjour régulier
Projet initial : cette mesure ne figure pas dans le texte de loi initial.
Sénat : le projet de loi adopté par les sénateurs conditionne certaines aides sociales versées aux étrangers (allocations familiales, aides personnalisées au logement, prestation de compensation du handicap, etc.) à une résidence régulière d’au moins cinq ans de sur le territoire, contre six mois actuellement.
Commission mixte paritaire : le texte adopté reprend finalement l’essentiel des dispositions voulues par les sénateurs et conditionne un certain nombre d’aides sociales et de droit (allocations familiales, aides au logement, droit au logement) aux étrangers résidant en France légalement depuis au moins cinq ans. Il ajoute toutefois la possibilité pour des étrangers de bénéficier de ces aides s’ils peuvent justifier d’au moins trente mois d’activité professionnelle (trois mois pour les APL). La CMP a en revanche supprimé de la liste des aides concernées celles bénéficiant aux personnes handicapées.
Conseil constitutionnel : cet article est considéré comme un cavalier législatif, un procédé contraire à la Constitution, puisqu’il ne présente pas de lien, même indirect, avec les dispositions du projet de loi initial. Le Conseil constitutionnel ne s’est pas prononcé sur le fond de la mesure.
Exclusion des personnes visées par une obligation de quitter le territoire français (OQTF) du droit à l’hébergement d’urgence
Projet initial : cette mesure ne figure pas dans le texte de loi initial.
Sénat : tout étranger visé par une obligation de quitter le territoire français (OQTF) est exclu du droit à l’hébergement d’urgence. Une exception temporaire est prévue en cas de « situation de détresse suffisamment grave pour faire obstacle à son départ » et l’hébergement d’urgence est possible « pendant le temps strictement nécessaire à son départ ».
Commission mixte paritaire : le texte prévoit qu’un étranger visé par une OQTF peut être hébergé au sein du dispositif d’hébergement d’urgence uniquement « dans l’attente de son éloignement ».
Conseil constitutionnel : cet article est considéré comme un cavalier législatif, un procédé contraire à la Constitution, puisqu’il ne présente pas de lien, même indirect, avec les dispositions du projet de loi initial. Le Conseil constitutionnel ne s’est pas prononcé sur le fond de la mesure.
Naturalisation
Durcissement des conditions d’accès à la nationalité
Projet initial : cette mesure ne figure pas dans le texte de loi initial.
Sénat : mesure symbolique, car contraire à la tradition française, l’automaticité du droit du sol est supprimée pour les enfants nés de deux parents étrangers. Il leur faudra faire une demande, entre 16 ans et 18 ans, pour obtenir la nationalité française.
Par ailleurs, la durée de mariage requise pour accéder à la nationalité est allongée de quatre à cinq ans et la période de résidence nécessaire afin de pouvoir déposer une demande de naturalisation est doublée, passant de cinq à dix ans.
Commission mixte paritaire : la formulation adoptée par la CMP diffère de celle introduite par le Sénat, mais elle ne diffère pas sur le fond : le droit du sol n’est plus automatique ; les enfants nés en France de parents étrangers devront manifester la volonté, à leur majorité, d’acquérir la nationalité française.
Les mesures visant à allonger la durée du mariage requise pour bénéficier de la nationalité ou à doubler la période de résidence pour pouvoir prétendre à une demande de naturalisation n’ont quant à elles pas été retenues par le texte issu de la commission.
Conseil constitutionnel : cet article est considéré comme un cavalier législatif, un procédé contraire à la Constitution, puisqu’il ne présente pas de lien, même indirect, avec les dispositions du projet de loi initial. Le Conseil constitutionnel ne s’est pas prononcé sur le fond de la mesure.
Durcissement du droit du sol à Mayotte
Projet initial : cette mesure ne figure pas dans le projet gouvernemental.
Sénat : les conditions d’acquisition de la nationalité sont durcies pour les mineurs nés de parents étrangers dans certains territoires ultramarins. Pour un enfant né à Mayotte, l’obligation qu’un des parents réside en France de manière régulière et ininterrompue a été relevée de trois mois à un an.
Commission mixte paritaire : cette mesure, introduite par le Sénat, est supprimée.
Regroupement familial
Durcissement des conditions du regroupement familial
Projet initial : ces mesures ne figurent pas dans le texte de loi initial.
Sénat : un étranger résidant en France ne peut faire une demande de regroupement familial pour ses proches que s’il justifie d’une présente de vingt-quatre mois en France, contre dix-huit actuellement, et de conditions financières « stables et suffisantes » et « régulières ». Le demandeur et le conjoint concerné par la demande de regroupement familial doivent être âgés d’au moins 21 ans, au lieu de 18 ans actuellement. Les sénateurs imposent aussi au demandeur de disposer d’une assurance-maladie pour lui et sa famille. Les proches du demandeur doivent justifier d’un niveau de Français permettant « de communiquer de façon élémentaire » pour « satisfaire des besoins concrets ».
Commission mixte paritaire : les mesures introduites au Sénat sont conservées.
Conseil constitutionnel : cet article est considéré comme un cavalier législatif, un procédé contraire à la Constitution, puisqu’il ne présente pas de lien, même indirect, avec les dispositions du projet de loi initial. Le Conseil constitutionnel ne s’est pas prononcé sur le fond de la mesure.
Eloignements et expulsions des condamnés
Rétablissement du délit de séjour irrégulier
Projet initial : cette mesure ne figure pas dans le texte de loi initial.
Sénat : le délit de séjour irrégulier, qui avait été supprimé en 2012 à l’initiative du président François Hollande, est réintroduit par les sénateurs, après avis favorable du ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin. Le délit est sanctionné de 3 750 euros d’amende et d’une peine complémentaire de trois ans d’interdiction du territoire.
Commission mixte paritaire : le délit de séjour irrégulier voté par le Sénat est conservé. Ce délit est sanctionné d’une amende de 3 750 euros et de trois ans d’interdiction du territoire.
Conseil constitutionnel : cet article est considéré comme un cavalier législatif, un procédé contraire à la Constitution, puisqu’il ne présente pas de lien, même indirect, avec les dispositions du projet de loi initial. Le Conseil constitutionnel ne s’est pas prononcé sur le fond de la mesure.
Suppression des protections contre l’expulsion pour certains étrangers
Projet initial : actuellement, les étrangers arrivés en France avant l’âge de 13 ans, résidant dans le pays depuis plus de vingt ans, arrivés depuis plus de dix ans et parents ou conjoints de Français bénéficient d’une protection quasi absolue contre les expulsions, sauf en cas de comportements portant « atteinte aux intérêts fondamentaux de l’Etat, ou liés à des activités à caractère terroriste, ou constituant des actes de provocation explicite et délibérée à la discrimination, à la haine ou à la violence ». Le texte présenté par le gouvernement prévoit d’exclure de cette protection les personnes condamnées pour des crimes et délits punis d’au moins dix ans d’emprisonnement et de cinq ans pour récidive.
Les parents d’enfants français, les conjoints de Français et les étrangers résidant en France depuis dix ans jouissent pour leur part d’une protection relative : ils ne sont expulsables qu’en cas d’atteinte à la sûreté de l’Etat, s’ils ont été condamnés à cinq ans de prison ou s’ils sont polygames. Le texte y ajoute les condamnations pour violences conjugales ou intrafamiliales.
Sénat : plusieurs mesures favorisent les expulsions d’étrangers délinquants. Pour les étrangers bénéficiant de la protection quasi absolue, le texte permet de les expulser en cas de « violation délibérée et d’une particulière gravité des principes de la République » ou en cas de condamnation définitive pour des crimes ou des délits punis de plus de cinq ans de prison (au lieu de dix dans la version du gouvernement) ou trois ans en récidive.
Les étrangers bénéficiant de la protection relative sont expulsables dès qu’ils ont été condamnés pour des faits punis de plus de trois ans de prison (au lieu de cinq) ou s’ils ont commis des violences intrafamiliales ou à l’encontre du titulaire d’un mandat électif public, mais aussi s’ils sont en situation de séjour irrégulier.
Les sénateurs ont également généralisé la peine d’interdiction du territoire français (ITF) à tous les crimes et délits punis d’au moins trois ans de prison.
Commission mixte paritaire : les mesures introduites au Sénat sont conservées.
Conseil constitutionnel : cet article est jugé conforme à la Constitution. Les sages estiment que « le législateur a assuré une conciliation qui n’est pas manifestement déséquilibrée entre, d’une part, l’objectif (…) de prévention des atteintes à l’ordre public et, d’autre part, la liberté d’aller et de venir, le droit au respect de la vie privée et le droit de mener une vie familiale normale ».
Légalisation des obligations de quitter le territoire français (OQTF) visant des catégories d’étrangers jusqu’ici protégés
Projet initial : la délivrance d’OQTF contre des étrangers habituellement protégés est possible s’ils constituent « une menace grave pour l’ordre public ». Cela concerne les neuf catégories listées par l’article L611-3 : les étrangers arrivés avant l’âge de 13 ans sur le territoire national, ceux ayant des liens familiaux en France (parent d’un enfant français, conjoint d’un ressortissant français, marié depuis trois ans au moins avec une personne française), les malades devant être pris en charge médicalement, les étrangers résidant régulièrement en France depuis plus de vingt ans ou encore les ressortissants de pays membres de l’Union européenne.
Sénat : la disparition des protections dont bénéficient un certain nombre d’étrangers est maintenue, mais n’est plus conditionnée à l’existence d’une « menace grave pour l’ordre public » liée à leur présence en France.
Commission mixte paritaire : les mesures introduites au Sénat sont conservées.
Conseil constitutionnel : cet article est jugé conforme à la Constitution. Les sages estiment que cette disposition assure un équilibre entre « l’objectif de valeur constitutionnelle de prévention des atteintes à l’ordre public », et « la liberté d’aller et de venir, le droit au respect de la vie privée et le droit de mener une vie familiale normale ».
Systématisation des obligations de quitter le territoire français (OQTF) pour les étrangers à qui on a refusé l’asile
Projet initial : cette mesure ne figure pas dans le texte de loi initial.
Sénat : une fois que la demande d’asile d’un étranger est définitivement rejetée par l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra), l’autorité administrative doit prendre à son encontre une OQTF dans un délai fixe. Cette mesure est assortie d’une suspension de la prise en charge médicale pour les étrangers déboutés définitivement du droit d’asile.
Commission mixte paritaire : la systématisation de l’OQTF est maintenue, sauf si l’administration « envisage d’admettre l’étranger au séjour pour un autre motif ». La suspension de la prise en charge médicale est maintenue.
Conseil constitutionnel : les sages censurent seulement le deuxième alinéa de cet article. Il prévoyait que la décision définitive de rejet d’une demande d’asile prononcée par l’Ofpra entraîne immédiatement l’interruption de la prise en charge des frais de santé de l’étranger. Le Conseil considère que ces dispositions ne présentent pas de lien, même indirect, avec le projet de loi initial et constituent un cavalier législatif.
Déchéance de nationalité en cas de tentative d’homicide sur les forces de l’ordre
Projet initial : cette mesure ne figure pas dans le projet initial.
Sénat : un nouveau motif de déchéance de nationalité est introduit pour les personnes ayant acquis la nationalité française qui se rendent coupable d’homicide ou de tentative d’homicide sur un gendarme, un policier ou une personne dépositaire de l’ordre public.
Commission mixte paritaire : le nouveau motif de déchéance de nationalité introduit au Sénat est modifié pour ne concerner que les personnes condamnées définitivement d’homicide volontaire sur une personne dépositaire de l’autorité publique.
Conseil constitutionnel : cet article est considéré comme un cavalier législatif, un procédé contraire à la Constitution, puisqu’il ne présente pas de lien, même indirect, avec les dispositions du projet de loi initial. Le Conseil constitutionnel ne s’est pas prononcé sur le fond de la mesure.
Interdiction de placer des mineurs en centre de rétention administrative
Projet initial : le texte interdit en métropole le placement en rétention des étrangers accompagnés d’un mineur de moins de 16 ans. Des exceptions restent possibles pour les mineurs de plus de 16 ans.
Sénat : la formulation est modifiée pour permettre des exceptions à « 16 ans révolus ».
Commission mixte paritaire : c’est l’une des rares dispositions d’assouplissement voulues par la commission des lois de l’Assemblée nationale à avoir été conservée dans le texte final : l’interdiction de placer en rétention des étrangers mineurs de moins de 18 ans. Les adultes accompagnés de mineurs pourront être assignés à résidence.
Conseil constitutionnel : la conformité de cet article avec la Constitution n’a pas été examinée.