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L'UE voulait mettre l'économie russe à plat : quel bilan après un an de guerre en Ukraine ?

Publié le 21 février 2023 à 18h05

Source : TF1 Info

Les Occidentaux avaient répondu à l'agression russe contre l'Ukraine par plusieurs trains de sanctions.
Beaucoup prédisaient l'effondrement de son économie, mais cela n’a pas été le cas.
Sur place, les entreprises résistent étonnamment bien.

"Nous allons provoquer l’effondrement de l’économie russe", assurait le ministre de l'Économie français Bruno le Maire, aux premières heures de l'invasion de l'Ukraine. Dans le même temps, de premières sanctions étaient décidées à l'échelle de l'UE envers la Russie afin d'avoir "un impact maximal sur l'économie russe et l'élite politique", avait assuré la présidente de la Commission européenne, Ursula Von der Leyen. Si l'on n'entrevoit pour l'heure aucune issue au conflit, les mesures décidées par les Occidentaux à l'encontre de Moscou ont-elles porté leurs fruits ? Les Vérificateurs font le point sur l'état de l'économie russe, ses mutations, ses forces et ses faiblesses. 

Une récession moins forte qu'annoncée

Depuis le début de l'invasion russe en Ukraine, l'Europe a mis en place plusieurs salves successives de sanctions. Des "trains" de mesures - neuf au total - qui ont cherché à fragiliser l'économie russe et à réduire la dépendance de l'UE à son égard. Alors que le conflit dure depuis un an déjà, l'heure est logiquement au bilan. L'indicateur le plus souvent invoqué pour évaluer l'état de santé d'une économie est le produit intérieur brut, le PIB. Celui de la Russie était annoncé il y a plusieurs mois en chute libre. Des prédictions assuraient que la récession pourrait s'élever à 10% pour 2022. Au fil des mois, à mesure que la fin d'année se profilait, les estimations se sont montrées moins pessimistes. Si bien que selon le FMI, Moscou n'a déploré un repli de son PIB qu'assez réduit, de l'ordre de 2,2%. Une relative stabilité (+0,3%) est attendue pour 2023, tandis qu'une hausse de 2,3% est prédite pour 2024.

Une inflation rapide et massive

L'Europe occidentale n'est pas la seule à avoir souffert de l'inflation au cours de l'année écoulée. Côté russe, elle a aussi causé des remous et se stabilisait en janvier à près de 12% sur un an. Des valeurs très élevées, mais en repli par rapport au pic atteint en avril 2022. Dans la foulée des premières sanctions décidées à l'encontre du pays, l'inflation atteignait les 20%. Selon des prévisions relayées par la dirigeante de la Banque centrale russe, l'inflation annuelle "se situera entre 5 et 7% en 2023, pour revenir à 4% en 2024".

Le jackpot des hydrocarbures

Si les pays de l'UE ont annoncé leur volonté de se passer des importations d'hydrocarbures russes, l'année 2022 aura été très profitable à Moscou. Le volume global des exportations a beau être en baisse, il a été l'an passé très largement compensé par la hausse des cours. Il faut dire que le gaz et le pétrole russes restent convoités, et que l'Europe n'est pas le seul marché ou l'écouler. La Chine, comme l'Inde, ont renforcé leurs liens commerciaux avec le Kremlin. Les bénéfices engrangés par les ventes de gaz et de pétrole ne contribuent pas uniquement à financer l'effort de guerre : un "fonds de prospérité nationale" a été créé. Un matelas confortable puisqu'il était crédité en janvier 2023 de 139 milliards d’euros, soit 7,8 % du PIB russe.

Attention toutefois : l'UE cherche à renforcer la pression mise sur la Russie et s'attaquer à ses sources de revenus. C'est dans cette optique que des mesures majeures sont entrées en vigueur au cours des dernières semaines. Un embargo sur les produits pétroliers russe a été acté à l'échelle des 27, puis suivi par le G7 et l'Australie. Mis en place en deux temps, il a tout d'abord visé le pétrole brut début décembre, avant de s'étendre aux produits raffinés le 5 février dernier. L'impact, à en croire Ursula Von der Leyen, serait majeur : cela "coûte déjà à la Russie environ 160 millions d'euros par jour", a-t-elle récemment indiqué.

Une économie qui se transforme

Si la situation économique russe n'est pas florissante, force est de reconnaître que les vagues de sanctions n'ont pas suffi à l'ébranler. L'industrie a été contrainte de s'adapter, en raison notamment de la fuite de certaines enseignes occidentales ? Le départ de McDonald's ? Qu'importe ! Un homme d'affaires a racheté les magasins de l'enseigne, réemployé les salariés et renommé la chaîne de magasins pour que l'activité perdure. Une manœuvre similaire à celle entamée avec une autre marque américaine, Starbucks. Dans les rayons, les consommateurs ne trouvent plus de Coca-Cola, de Pepsi ou de Fanta. À la place, des marques russes se sont substituées à ces sodas, copiant leurs codes visuels et s'inspirant de leurs noms d'origine.

Plusieurs sodas tels que le Coca-Cola sont désormais remplacés en Russie par des équivalents locaux. Un changement intervenu après le départ des marques du pays.
Plusieurs sodas tels que le Coca-Cola sont désormais remplacés en Russie par des équivalents locaux. Un changement intervenu après le départ des marques du pays. - NATALIA KOLESNIKOVA / AFP

Si dans l'agroalimentaire, on parvient à s'adapter côté russe, d'autres secteurs de l'économie sont en souffrance. Seuls 687.370 véhicules légers neufs se sont vendus en 2022, symbole d'une dégringolade du marché automobile. Par rapport à 2021, cela représente près d'un million de voitures vendues en moins sur un an. Les marques européennes sont particulièrement concernées : -72% de ventes chez Peugeot, -70% du côté de Renault et -67% pour Citroën. Faute de pièces disponibles, les normes de sécurité ont même été réduites, afin de commercialiser des modèles dénués d'airbags ou d'ABS... L'aéronautique est aussi à la peine, tandis que les approvisionnements de produits pharmaceutiques se révèlent fluctuants. Vladimir Poutine en personne a reconnu que certains médicaments venaient à manquer dans le pays.

Des statistiques à prendre avec des pincettes

Pour évaluer la bonne santé ou les difficultés rencontrées par l'économie russe, nous disposons d'ordinaire d'une multitude d'indicateurs fournis par l'équivalent local de l'Insee. Problème, la situation est devenue "moins lisible aujourd’hui qu’avant la guerre parce qu’un certain nombre de données sont contrôlées politiquement, à savoir le commerce extérieur et la finance", confiait il y a quelques mois l'économiste et vice-président de l’Inalco, Julien Vercueil. La directrice des prévisions mondiales de l'Economist Intelligence Unit (EIU) Agathe Demarais va plus loin et estime que la Russie utilise les statistiques comme une "arme de guerre", et ne publie pas les chiffres qui ne sont pas à son avantage.

Une Russie qui résiste... pour combien de temps ?

Ainsi, l'effondrement de l'économie russe qu'évoquait Bruno Le Maire n'a pour l'heure pas eu lieu. De toute évidence, Moscou est parvenu à encaisser en partie l'impact des sanctions qui visent le pays, mais cela ne signifie pas pour autant que les mesures actées à l'échelle européenne ne pourraient pas avoir d'impact à plus long terme. Tout d'abord, il faut rappeler que les embargos sur le pétrole russe restent récents, et que leur efficacité se mesurera au cours des prochains mois. 

Dans le même temps, on peut s'interroger sur la capacité de l'industrie russe à compenser à long terme l'isolement subi par le pays. La presse s'est fait l'écho depuis le début du conflit d'une "fuite des cerveaux", potentiellement "préjudiciable pour les entreprises russes et l’économie nationale". La mobilisation de nombreux hommes en âge de travailler, réquisitionnés pour combattre sur le front, pourrait aussi affecter les capacités de production russes. 

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Thomas DESZPOT

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