Ils sont treize militants d’ultradroite, l’extrême droite violente, à comparaître à partir du mardi 17 janvier à Paris, pour avoir formé un groupe armé qui se proposait, de façon assez brouillonne, de poignarder Emmanuel Macron, d’assassiner des migrants, d’attaquer des mosquées ou de monter un coup d’Etat. Les « Barjols », du nom donné par les Maliens aux légionnaires français pendant l’opération « Barkhane », au Sahel, se préparaient à une guerre civile et raciale qu’ils jugeaient inéluctables, en accumulant les armes et en crapahutant dans des stages de survie. Leur groupe Facebook a compté jusqu’à cinq mille membres, la poignée de leurs dirigeants a été interpellée sans avoir eu le temps de passer à l’acte.
C’est le départ de Jean-Pierre Bouyer qui a précipité l’arrestation du groupe. L’ancien carrossier de 66 ans ne cachait pas une aversion certaine pour le président de la République. Il avait posté sur son compte Facebook la photo de Marion Maréchal, qualifiait Emmanuel Macron de « petit dictateur hystérique », qu’il voulait faire disparaître : « Cette envie est une réalité qui fait partie de ce que doit ressentir tout être possédant cet instinct… Oui, tu dois être le prédateur qui doit éliminer celui ou ceux qui cherchent à te nuire. C’est le cas de nos jours avec ce petit clown (…). Eh bien oui, l’envie de tuer, de prendre une vie. » Il publiait des photos d’une femme épaulant un fusil à pompe et notait : « Pour ceux qui nous prennent pour des cinglés, poser vous [sic] les bonnes questions, le combat sera inévitable. »
Il est parti en voiture, le 5 novembre 2018, en compagnie d’un jeune homme un peu faible d’esprit, Antoine Debernardi, 26 ans, vers l’est de la France, avec un poignard de commando, du matériel de survie, une bible et des croquettes pour chien : le chef de l’Etat devait participer à une série de commémorations du centenaire de l’Armistice dans la région. Jean-Pierre Bouyer a été arrêté le lendemain en Moselle, avec trois autres membres des Barjols. Les écoutes téléphoniques des jours précédents ne laissaient guère de doute sur ses intentions. « Si je vis jusque-là », disait-il, il promettait de s’occuper du maire de La Mure, dans l’Isère, qui entendait accueillir des migrants : « Ces gens-là, faut les abattre, hein, c’est fini, on en a un paquet comme ça. » « Tu les prends, tu les mets dans ta bagnole, tu fais un trou, tu les mets dedans, boum, fini ! Pas de corps, pas de meurtre. »
« Cinq cents soldats russes »
Jean-Pierre Bouyer était le numéro deux des Barjols, dont il avait claqué la porte deux mois plus tôt. « Je leur ai dit leurs quatre vérités et je me suis barré (…), tout ce qui les intéresse, c’est le barbecue (…). Putain, c’est moi qui ai 60 ans et il faut encore que je leur donne de l’élan (…). Tu sais, moi, appuyer sur une détente, je le fais. Ça ne me dérange pas, hein. » Les policiers ont trouvé chez lui une belle collection de sabres, d’armes à feu et quatorze feuillets d’une « Constitution transitoire suspensive ». Les Barjols préparaient mollement un coup d’Etat. Leur chef, Denis Collinet, 63 ans, lui aussi interpellé, un ancien du Front national (FN), se proposait de dresser une liste de dix combattants, « des hommes sûrs », « pour représenter le peuple français civil auprès des militaires ».
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