SAINTE-SOLINE - Un rapport attendu. Ce lundi 10 juillet, la Ligue des droits de l’homme a estimé que la responsabilité des pouvoirs publics est « engagée » suite aux événements survenus à Sainte-Soline dans les Deux-Sèvres, où des milliers d’opposants aux « bassines », ces grandes retenues d’eau utilisées par certains agriculteurs, avaient manifesté le 25 mars dernier.
Dans un rapport d’observateurs de la Ligue des droits de l’Homme (LDH), rendu public ce lundi, l’association a également pointé du doigt une « volonté délibérée de ne pas porter secours au plus vite ».
« La volonté politique était claire : la manifestation de Sainte-Soline ne devait pas avoir lieu, et toute personne qui bravait l’autorisation préfectorale s’exposait à des risques pour son intégrité tant physique que morale », soulignent plusieurs observatoires des libertés publiques et des pratiques policières, dont la LDH est à l’initiative avec le Syndicat des avocats de France (SAF) et la Fondation Copernic.
Le compte rendu de 150 pages s’appuie sur le travail de terrain des observateurs présents lors de la mobilisation, qui avait donné lieu à de violents affrontements entre manifestants et forces de l’ordre. « La priorité donnée à des enjeux de maintien de l’ordre sur toute autre considération a révélé son absurdité lors des entraves aux secours », étrillent les auteurs dans leurs conclusions.
« La responsabilité des pouvoirs publics et notamment de l’État est manifestement engagée du fait de l’absence d’anticipation, puis de la volonté délibérée de ne pas porter secours au plus vite, cela en plus des responsabilités pénales liées aux conséquences d’une possible non-assistance à personne en danger », ajoutent-ils.
Dans un communiqué, la préfète des Deux-Sèvres Emmanuelle Dubée a indiqué qu’elle prendrait connaissance dans le détail du rapport de la LDH mais « réfute à nouveau les accusations sur une prétendue entrave délibérée aux secours ».
Des prises en charge médicales entravées
Fin mars, la manifestation avait rassemblé entre 6 000 et 8 000 personnes selon les autorités et jusqu’à 30 000 d’après les organisateurs. Ces derniers avaient alors fait état de 200 blessés, dont 40 graves, côté manifestants.
D’après les chiffres officiels, 5 015 grenades lacrymogènes ont été tirées, soit environ une par seconde. La gendarmerie a eu recours aussi à 89 grenades de désencerclement de type GENL, 40 dispositifs déflagrants ASSR et 81 tirs de LBD.
Dans deux rapports, préfecture et gendarmerie avaient pourtant défendu une riposte ciblée et proportionnée face à 800 à 1 000 manifestants « radicaux ». Les observateurs dénoncent au contraire les « nombreuses blessures causées par l’usage disproportionné et à plusieurs reprises non nécessaire des armes » par les forces de l’ordre.
Cet usage de la force jugé disproportionné avait notamment conduit aux blessures graves de deux manifestants, Serge D. et Mickaël B., lors des affrontements avec les forces de l’ordre. Les deux hommes avaient passé plusieurs semaines dans le coma.
Le délai de prise en charge de Serge D. à Sainte-Soline est d’ailleurs dénoncé par les organisateurs et des observateurs, pour qui les autorités ont entravé l’intervention des secours. « Ces derniers se sont rendus auprès du blessé et n’ont pu confirmer le diagnostic que 46 minutes après le premier appel aux secours », souligne le rapport. En réponses, les autorités avaient justifié le délai d’intervention des secours par la nécessité, pour les gendarmes, d’assurer leur sécurité.
Darmanin ciblé par le rapport
Par ailleurs, les auteurs du rapport affirment que la zone a été le théâtre d’un « déploiement massif de moyens de surveillance, comprenant des mesures de renseignements prises à l’encontre de personnalités du mouvement opposées aux méga bassines et de certains élus ».
Ils déplorent aussi la communication officielle sur le déroulé de la manifestation, alimentée par une « rhétorique guerrière et fallacieuse, alimentée par le ministère de l’Intérieur ». Ou encore les « déclarations hâtives » du ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin qui ont contribué « à la divulgation de fausses informations » et constitue une « réécriture alarmante des événements ».
Le locataire de la place Beauvau avait déclaré en conférence de presse le 27 mars -deux jours après la manifestation- qu’aucune arme de guerre n’avait été utilisée et que les gendarmes n’avaient pas lancé de LBD en quad. « Nos équipes d’observation ont constaté l’usage de GM2L, GENL, ASSD, lanceur Cougar et de LBD, toutes classées comme armes de guerre », précise le rapport.
« Partout en France, (...) on assiste à un nombre croissant d’arrêtés d’interdiction de manifestation, à une répression tant policière que judiciaire des manifestants et à de nombreux cas de blessés en manifestation », déplore le document. Mi-juin, le gouvernement a annoncé la dissolution du mouvement des Soulèvements de la Terre (SLT), l’un des organisateurs avec le collectif « Bassines non merci » et la Confédération paysanne.
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