En août 2006, Sabine Grataloup était enceinte. Elle l’ignorait lorsqu’elle a passé le manège de son centre équestre au Glyper, un herbicide à base de glyphosate. En mai de l’année suivante, elle mettait au monde Théo, atteint de graves malformations du larynx, de l’œsophage et du système respiratoire.
Près de seize ans plus tard, le 10 mars 2022, les experts du Fonds d’indemnisation des victimes de pesticides (FIVP) ont reconnu « la possibilité du lien de causalité entre la pathologie de l’enfant et l’exposition aux pesticides durant la période prénatale du fait de l’activité professionnelle de l’un ou des deux parents », ouvrant ainsi droit à l’indemnisation de la famille, à hauteur d’environ un millier d’euros par mois. Le versement sera effectué par la Mutualité sociale agricole, la sécurité sociale des agriculteurs. C’est la première fois en France que l’herbicide est officiellement considéré comme une cause potentielle de malformations congénitales.
Jusqu’à présent, l’information a été tenue confidentielle par la famille, déjà médiatiquement exposée depuis qu’elle a assigné, en 2018, les sociétés Novajardin et Monsanto – propriétaire de la marque Glyper pour la première, fournisseur de la substance active (le glyphosate) pour la seconde (désormais propriété de l’allemand Bayer). L’affaire n’a pas encore été jugée : les parties s’échangent toujours leurs conclusions – processus ralenti par la nécessité de fournir une traduction française de tous les documents versés à la procédure.
Pourquoi avoir attendu plus de dix-huit mois avant de rendre public l’avis du FIVP ? « D’abord, nous avons été très exposés après l’annonce de nos poursuites en justice, et nous avons subi des attaques publiques très dures, sur les réseaux sociaux notamment, raconte Sabine Grataloup. Nous ne voulions pas non plus perturber la motivation de Théo pour ses études en lui révélant trop tôt qu’il allait être indemnisé. » L’indemnité en question court jusqu’à la « consolidation » de son état, et un réexamen du dossier par le FIVP est prévu pour mars 2025.
« Une expertise scientifique »
Aujourd’hui âgé de 16 ans, Théo Grataloup a depuis sa naissance subi cinquante-quatre interventions sous anesthésie générale, la majorité destinée à reconstruire ses systèmes digestif et respiratoire. Les six premières années de sa vie, raconte sa mère, ont été consacrées à des choses simples : « Se battre chaque jour pour respirer, pour manger, pour parler. » Il est aujourd’hui toujours tributaire d’une trachéotomie, une ouverture pratiquée dans la trachée pour respirer.
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