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Climat

La France et le monde assommés par la chaleur

Une femme souffrant d'une insolation à Jacobabad (Pakistan), le 11 mai 2022.

La France vit un « épisode de chaleur exceptionnel ». L’été sera sec : d’ici là, les nappes ne se rechargeront plus. L’Inde et le Pakistan, eux, suffoquent.

Chapeaux et shorts sont de mise, ce mercredi 18 mai. Le mercure dépassera les 30 °C sur une bonne partie du territoire, avec des pics allant jusqu’à 35 °C en région toulousaine. « La France connaît un épisode de chaleur exceptionnel, observe Matthieu Sorel, climatologue à Météo France. Le temps est chaud et sec, et ce depuis la fin du mois d’avril. »

En cause : un anticyclone persistant, un phénomène atmosphérique qui agit « comme une barrière contre les dépressions », précise le chercheur. Résultat : peu de vent, peu de nuage, et une météo au beau fixe [1]. « Ces “bouffées chaudes” ne sont pas rares en mai, mais le problème, c’est qu’elles sont de plus en plus chaudes, prévient M. Sorel. Derrière tout ça, il y a le changement climatique, qui amplifie le phénomène. » Les températures moyennes sont ainsi de plus en plus élevées, et « on bat désormais des records de chaleur avec une “facilité” déconcertante ». Déjà en 2019, le climatologue Robert Vautard nous alertait : « On assiste à un décrochage entre, d’un côté, la température moyenne de l’atmosphère, qui a augmenté de 1,5 °C en cent ans, et celle des événements extrêmes, dont l’augmentation est beaucoup plus forte et plus imprévisible. »

Conséquence de ce printemps estival : la sécheresse s’est durablement installée en France. « Les sols déjà secs provoquent des températures plus élevées, qui à leur tour accentuent l’assèchement des sols, c’est un cercle vicieux », décrit M. Sorel. Il ne prévoit « aucune amélioration » sur ce front-là, même si des orages sont attendus dans certaines régions. Les nappes, déjà en baisse au début du mois, ne se rechargeront plus. « Il faudra faire tout cet été avec l’eau qu’on a maintenant », dit le climatologue. Seize départements ont pris les devants, ordonnant une restriction des prélèvements d’eau.

51 °C au Pakistan, 48 °C en Arabie saoudite, 46 °C en Égypte…

La France est loin d’être une exception. L’Espagne pourrait connaître des pics à plus de 40 °C cette fin de semaine. Une grande partie de l’Europe de l’Ouest traverse un mois de mai particulièrement caniculaire. Cela va aggraver « l’extrême sécheresse » qui touche le continent depuis plusieurs mois, selon le service météorologique européen Copernicus : « Le déficit des précipitations a entraîné une baisse du niveau des fleuves, notamment le Po [Italie] et le Danube », pointait l’agence début mai. Production hydroélectrique amoindrie, récoltes compromises et tensions autour de la ressource en eau… L’année 2022 risque fort d’être catastrophique. Au Moyen-Orient : le thermomètre affichait plus de 48 °C à Jeddah en Arabie saoudite et plus de 46 °C en Égypte.

Mais c’est en Inde et au Pakistan que la hausse du mercure a fait le plus de dégâts. Le record mondial de température en 2022 a été battu au Pakistan : il a fait 51 °C à Jacobabad, le 14 mai dernier. « Il est assez commun d’avoir de telles températures en mai dans ces pays, note Matthieu Sorel. Il s’agit de la saison chaude précédant la mousson. Ce qui est remarquable, c’est la durée de cette vague, il y a eu presque deux mois de chaleur suffocante. »

Des oiseaux déshydratés tombent littéralement du ciel

Dans le nord du Pakistan, la hausse des températures a provoqué la fonte d’un lac glaciaire, libérant des flots qui ont tout emporté sur leur passage. Autres conséquences : manque d’eau, coupures d’électricité – le réseau est sursollicité par les climatiseurs –, incendies… Des oiseaux tombent même littéralement du ciel pour cause de déshydratation. Autant de facettes du drame qui se déroule en Asie du Sud-Est.

Comme le préconisait le rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) paru en février dernier, « des adaptations urgentes, plus ambitieuses avec une action accélérée », et surtout accompagnée « de coupes rapides et drastiques de nos émissions de gaz à effet de serre » sont plus que jamais nécessaires.

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