La surprise a été bien gardée : Catherine Colonna, la ministre des affaires étrangères, s’est rendue à Kiev, lundi 30 mai, pour une première visite dans la capitale ukrainienne de la part d’un dirigeant français depuis le déclenchement de l’invasion russe. Ni Emmanuel Macron, pourtant très attendu, ni le prédécesseur de Mme Colonna, Jean-Yves Le Drian, n’ont fait le déplacement depuis le début des hostilités, le 24 février, à la différence de nombre de leurs homologues européens. Un peu plus d’une semaine après son entrée en fonctions, la cheffe de la diplomatie a souhaité ainsi « témoigner de la solidarité de la France à l’égard du peuple ukrainien et de sa pleine détermination à renforcer son appui à l’Ukraine face à l’agression russe » tant sur les plans humanitaire, financier que militaire, a fait savoir le Quai d’Orsay en début de matinée.
Arrivée en train dans la capitale ukrainienne, après un vol entre Paris et l’aéroport polonais de Rzeszow, Mme Colonna a d’abord salué « la mémoire des victimes de la guerre » dans la ville martyre de Boutcha, où des civils assassinés par les troupes russes ont été découverts fin mars, lorsque celles-ci ont abandonné les environs de Kiev, qu’elles occupaient dans leur vaine tentative de prendre le contrôle de la capitale. Paris a alors dépêché sur place une équipe d’enquêteurs, afin de faire la lumière sur ces crimes de guerre présumés, en lien avec le parquet ukrainien. Une initiative qui a permis de contribuer à l’identification de certaines victimes, a expliqué le maire de la ville à Mme Colonna.
La ministre devait remettre un peu plus tard aux autorités ukrainiennes du matériel de sécurité civile, des camions de pompiers et des ambulances, acheminés ces dernières semaines depuis la France.
Relations tendues
La cheffe de la diplomatie française devait aussi s’entretenir en début d’après-midi avec son homologue ukrainien, Dmytro Kuleba, avant de rencontrer le président, Volodymyr Zelensky. Ce déplacement survient alors que les relations se sont tendues ces dernières semaines entre Paris et Kiev, en dépit de contacts réguliers au plus haut niveau. En avril, après les atrocités de Boutcha, les dirigeants ukrainiens se sont d’abord étonnés qu’Emmanuel Macron ne reprenne pas à son compte, à la différence du président américain, Joe Biden, les accusations de « génocide » perpétré selon eux par les Russes, qualifiés de surcroît de « peuple frère » de l’Ukraine par le chef de l’Etat.
Kiev a ensuite réagi durement au projet de « communauté politique européenne » proposé par Emmanuel Macron, le 9 mai à Strasbourg, incitant l’Elysée à marteler, depuis, qu’il ne s’agit pas d’un substitut à l’adhésion à l’Union européenne (UE). Les officiels français ont dû expliquer que le dispositif cherchait à « arrimer » à l’Union les pays aspirant à y entrer, sans précipiter un élargissement susceptible de durer « plusieurs décennies » pour l’Ukraine, selon l’Elysée. D’après nos informations, Kiev conditionne de fait la mise en place de cette sorte de « confédération » à l’obtention, d’ici à la fin juin, du statut de candidat à l’UE. Tandis que les pays d’Europe centrale et orientale plaident pour un élargissement rapide, l’Allemagne est réservée à propos du statut – première étape formelle avant d’éventuelles négociations d’adhésion. Un avis de la Commission européenne est attendu d’ici au 15 juin. Quant à la France, elle s’est engagée à discuter de la question d’ici au Conseil européen des 23 et 24 juin.
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