C’est un cri d’alarme lancé par la fondation Abbé Pierre. L’association qui lutte contre le mal-logement a publié ce jeudi 7 septembre un rapport sur les expulsions locatives qui visent des étudiants logés dans des résidences universitaires. Elle dénonce notamment le manque de moyens des centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires (Crous), qui peinent à accompagner les jeunes expulsés de leur logement à la suite de procédures judiciaires.

La fondation Abbé Pierre recense ainsi 221 décisions d’expulsions ordonnées par des tribunaux administratifs entre janvier 2022 et février 2023. Elles concernent principalement les cités universitaires de Versailles, Lille Nord Pas-de-Calais et Aix-Marseille-Avignon. Les trois principaux motifs qui justifient la mise en œuvre d’une procédure d’expulsion à l’encontre des étudiants sont l'existence de dettes locatives, l'absence de demande de renouvellement et la perte du statut étudiant.

Des expulsions pendant la trêve hivernale

Précisons que depuis 2018, les expulsions des résidents du Crous sont traitées exclusivement par le tribunal administratif, et non par le tribunal judiciaire comme dans le droit commun. Cette procédure permet notamment de raccourcir le délai d’expulsion des étudiants en difficulté. “Les étudiants qui ne parviennent plus à payer leur loyer peuvent être expulsés de leur chambre universitaire en quelques jours, y compris durant la période hivernale”, dénonce Manuel Domergue, directeur des études à la Fondation Abbé Pierre.

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La fondation dénonce également le manque de recours possible pour les étudiants contraints de quitter leur logement à la suite d’une décision du tribunal administratif. “Les Crous, qui manquent de moyens, ne disposent pas du personnel ou des compétences juridiques nécessaires pour accompagner les étudiants expulsés, poursuit Manuel Domergue. La plupart du temps, aucune proposition de relogement n’est offerte à ces jeunes qui sont en situation de précarité et souvent touchés sur le plan psychologique.” L’association demande notamment que les procédures d’expulsion qui visent des étudiants logés dans des cités universitaires soient réintégrées dans le droit commun, afin que les jeunes bénéficient des mêmes recours que tous les citoyens. Elle préconise aussi de renforcer ou diversifier les modalités d’information des étudiants au sujet des campagnes de renouvellement du bail, qui pourrait etre de nature à réduire les risques de rupture de droit.

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Des étudiants éloignés de leur famille

L’étude démontre aussi que les expulsions ne concernent pas tous les profils d’étudiants et qu'elles ne sont pas sans effet sur les parcours des personnes concernées. Les résidents expulsés interrogés ont en commun d’être plutôt isolés socialement et éloignés géographiquement de leur famille. “Les résidents qui sont visés par une procédure d'expulsion connaissent une souffrance psychologique du fait des pressions parfois brutales exercées par le Crous et du sentiment d'incertitude lié à l’application inégale de la trêve hivernale”, alerte la fondation. La situation est encore plus difficile à gérer pour les hommes (79% des cas d’expulsion), qui auraient selon l’association, plus de difficultés à se faire héberger de manière temporaire.

Cette situation est aggravée par l’offre totale de logements dans les résidences gérées par le Crous, qui s’élève en environ 175.000 places. De quoi héberger seulement 25% des 712.000 boursiers d'État et 6% de l’ensemble des 2,7 millions d’étudiants français. “Cette pression locative pousse les Crous à mettre la pression sur les résidents visés par des expulsions car de nombreux étudiants sont en attente d’un logement, déplore Corinne Loué, étudiante à la Sorbonne qui a participé à l'étude. Beaucoup d’étudiants sont sommés de quitter leur logement avant même la décision du tribunal administratif.”