Samain, ou Samhain, est la fête irlandaise aux origines celtes qui célèbre le passage de la saison estivale claire à la sombre saison de l’hiver. Dans une société qui vit au rythme des moissons, on est bien loin de notre actuel Halloween passé à la moulinette de la culture pop américaine ! En quoi cette fête décrétée comme celtique est-elle à l’origine d’un des évènements les plus commerciaux de nos cultures occidentales ?
« Samain » est réputé pour être l’ancien nom celte de la fête d’Halloween. Si cette affirmation est loin d’être exacte, il est fort possible que cette dernière soit librement inspirée la célébration a priori païenne. En effet, le Samain (ou Samhain) se situe à la fin de l’année celtique qui correspond à la nuit du 31 octobre au 1er novembre de notre calendrier chrétien.
Dans la mythologie celtique, deux saisons rythment l’année : la saison claire et la saison sombre. La fête de Samhain serait un jour de transition n’appartenant à aucune de ces deux saisons. Elle annonce le passage à la saison sombre ainsi que le début d’une nouvelle année, coïncidant avec la fin de la saison des moissons. Il s’agit de l’une des quatre fêtes religieuses Celtes avec :
Le Samain permettrait aux morts de renouer avec les vivants quelque temps. Dans la société celtique, cette fête aurait eu un caractère obligatoire et les absents seraient soumis à la peine de mort. Pendant cette période, toutes les activités sont à l’arrêt : fin des conquêtes, des hostilités et des travaux agricoles notamment. C’est le moment de régler les conflits et de payer ses dettes.
La fête de Samain était célébrée 3 jours avant le 31 octobre et 3 jours après, du 29 octobre au 4 novembre d’après notre calendrier grégorien. La semaine se déroulait comme suit :
Lorsque le pape Grégoire IV choisi en 835 la date du 1er novembre comme jour de célébration de tous les saints du catholicisme, il est supposé qu’il s’agisse d’une manœuvre d’influence pour détourner les rites païens des peuples celtes vers une foi commune à la chrétienté. En d’autres termes, la Toussaint devait supplanter l’ancienne fête religieuse du Samain, dans un contexte de christianisation de l’Europe. En Irlande, le Samain serait resté encore très populaire. En 998, la création d’une « fête des trépassés » au lendemain de la Toussaint, le 2 novembre, aurait tenté une nouvelle fois d’abandonner pour de bon les anciennes pratiques. Cependant, les morts restaient, encore une fois, majoritairement célébrés au 1er novembre.
On ne sait pas tout à fait d’où provient le nom de « Samain ». Si l’on a longtemps cru qu’il signifiait « la fin de l’été » avec sam pour « été » et fuin pour « fin », l’étymologie fait aujourd’hui débat et pourrait signifier, entre autres, la réunion ou le rassemblement.
Selon les pays, l’écriture diffère, mais il s’agit bien de la même fête :
Le mois de Samonios est le premier mois chez les Celtes, comme l’atteste l’un des rares documents en langue gauloise qui nous est parvenu : le calendrier de Coligny. Mais contrairement à ce que l’on peut lire ici et là sur Internet, il n’existe aucune preuve, source ou document historique permettant d’attester que le Samhain était célébré chez les Celtes Gaulois qui peuplaient notre actuel territoire.
D’après l’archéologue Jean-Louis Bruneau, spécialiste de la civilisation proto-celte, les premières sources qui mentionnent la fête de Samain sont très tardives et apparaissent aux débuts du Moyen-Âge. S’il est probable que des célébrations similaires aient eu lieu dans le monde Celte de l’Antiquité, la célébration en tant que telle était tout à fait contemporaine au christianisme montant et « dire d’elle qu’elle était celtique n’a pas de sens ».
Comme pour la croix celtique, c’est aux XVIIIe et XIXe siècles que les Irlandais ont nourri un renouveau des attributs et symboles celtes autour d’un roman national qui visait à réunir un peuple qui avait alors besoin d’une identification patriotique et de traditions communes. Les origines du Samain ont été ainsi reculées dans l’Histoire, la rangeant en tant que fête druidique et païenne.
Cette réalité historique vient chambouler ce que nous disions plus haut selon quoi la Toussaint visait à faire oublier une célébration païenne. Le Samain du Moyen-Âge était donc une fête qui précédait la Toussaint imposée par le pape Grégoire IV et qui était tout à fait tolérée et acceptée par le monde chrétien. La fête de tous les saints, « the evening of all Saints’day », devint au fil des siècles « All Hallow’s Eve », puis « Hallowe’en ».
Samain et Halloween partagent le même moment dans l’année, mais pas avec le même calendrier. Le Samain est l’équivalent grégorien du Nouvel An alors qu’Halloween est aujourd’hui considéré comme la fête des morts. Halloween ne célèbre donc, ni le passage à la saison sombre, ni la fin des moissons.
Au XVIIIe siècle, la légende de Jack-o’-lantern se développe et donne une nouvelle consistance à cette période de l’année. Ce personnage débauché de son vivant, se voit refuser l’entrée du paradis et de l’enfer le condamnant à errer sur Terre chaque 31 octobre, jour de sa mort. Avant les citrouilles et potirons, c’est traditionnellement dans un navet ou une betterave qu’est creusé le terrifiant visage de Jack-o’-lantern.
Exportée aux États-Unis avec les migrations irlandaises, la fête d’Halloween a vraiment pris un nouveau tournant au XXe siècle pour s’inscrire dans la culture populaire américaine. Bonbons, costumes et consumérisme automnal ne sont arrivés en France que dans les années 1990.