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Russie

Ce que l'on sait sur le crash de l'avion russe transportant 65 prisonniers ukrainiens

De nombreuses incertitudes demeurent ce jeudi 25 janvier sur le crash de l'avion militaire russe survenu mercredi près de la frontière ukrainienne. Moscou accuse Kiev d'avoir sciemment abattu l'appareil transportant 65 prisonniers ukrainiens.

Presque deux ans après le début de l'invasion russe en Ukraine, les combats continuent de faire rage. Alors que la Russie bombarde quasi quotidiennement des agglomérations ukrainiennes, un événement est venu envenimer la situation entre les deux nations en guerre ce mercredi 24 janvier.

Un avion militaire russe s'est écrasé avec à son bord 65 prisonniers ukrainiens, selon Moscou qui pointe Kiev du doigt. De nombreuses incertitudes demeurent ce jeudi. Voici ce que l'on sait.

• L'avion s'est crashé sur le territoire russe

L'avion militaire russe, un Il-76, s'est écrasé ce mercredi 24 janvier près de Yablonovo, dans la région russe de Belgorod, à 45 kilomètres de la frontière avec l'Ukraine.

Des images diffusées sur les réseaux sociaux montrent un appareil chutant presque à pic, avant une grosse explosion au sol, accompagnée de flammes et de fumée noire.

"Nous avons entendu un bruit très fort et on est sorti", a raconté Maria Mezentseva, une habitante de Yablonovo témoin du crash. "Il y avait du feu".

Les images du crash de l'avion russe à Belgorod, le 24 janvier 2024
Les images du crash de l'avion russe à Belgorod, le 24 janvier 2024 © BFMTV

• Moscou affirme que l'avion transportait 65 prisonniers ukrainiens

Selon les autorités russes, 74 personnes, dont 65 prisonniers de guerre ukrainiens transportés en vue d'un échange, se trouvaient à bord de cet avion. Toujours d'après l'armée russe, tous les prisonniers ainsi que les six membres d'équipage et les trois militaires russes sont morts lors de ce crash.

Le renseignement militaire ukrainien a quant à lui affirmé "ne pas disposer d'informations fiables" sur les passagers du Il-76. Si l'Ukraine a confirmé qu'un échange de prisonniers avec la Russie était prévu, le pays affirme qu'il n'a finalement pas eu lieu.

• La Russie accuse l'Ukraine d'avoir délibérément abattu l'avion

Moscou accuse l'Ukraine d'avoir sciemment lancé "deux missiles" issus "d'un système de défense antiaérien" pour abattre le transporteur militaire Il-76, et afin de pouvoir "accuser la Russie".

Selon le président de la Douma, Viatcheslav Volodine, ce sont des "missiles américains et allemands" qui ont été utilisés pour abattre l'aéronef.

Le Kremlin, qui affirme que Kiev "savait" que les prisonniers seraient emmenés en avion à Belgorod, puis à un point de rendez-vous à la frontière, n'a toutefois apporté aucun élément pour corroborer sa version des faits, ni l'identité des personnes à bord.

"Le fait que les Ukrainiens ont tué leurs prisonniers, leurs citoyens, qui devaient se retrouver à la maison pratiquement dans 24 heures, c'est bien sûr un acte tout à fait monstrueux", a réagi ce jeudi le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, auprès des agences de presse russes.

Ce dernier a promis "d'éclaircir" les circonstances du crash et a prévenu que cet incident pourrait affecter la poursuite du "processus" d'échange de prisonniers avec l'Ukraine. Plus de 8.000 Ukrainiens, dont plus de 1.600 civils, se trouvent en captivité aux mains des Russes, selon Kiev.

À la demande du chef de la diplomatie russe en visite à New York, Sergueï Lavrov, le Conseil de sécurité de l'ONU va se réunir en urgence ce jeudi à 17 heures (23 heures en France).

• Kiev n'a ni confirmé, ni infirmé l'accusation russe

Pour le moment, l'Ukraine n'a pas confirmé ni infirmé que l'appareil avait été abattu par son armée, comme le soutient Moscou, ni que des prisonniers de son pays faisaient bien partie des victimes.

Le renseignement militaire ukrainien (GUR) a assuré que Kiev n'avait "pas été informé" de la nécessité de sécuriser l'espace aérien dans la zone et ne connaissait pas "le mode de transport des prisonniers", reprochant à la Russie de les avoir délibérément "mis en danger".

Le commissaire ukrainien aux droits humains, Dmytro Loubinets, a relevé que le Kremlin était, dans tous les cas, "responsable de la sécurité" des détenus, selon la Convention de Genève. Il a aussi affirmé "que rien n'indique qu'il y avait autant de gens à bord".

"Selon moi, c'est un exemple clair de la Russie planifiant une campagne de propagande contre l'Ukraine", a-t-il ajouté sur ses réseaux sociaux.
Un panneau de signalisation du village de Yablonovo, près du site de l'accident de l'avion de transport militaire russe IL-76 dans la région de Belgorod, le 24 janvier 2024.
Un panneau de signalisation du village de Yablonovo, près du site de l'accident de l'avion de transport militaire russe IL-76 dans la région de Belgorod, le 24 janvier 2024. © STRINGER / AFP

"Nous devons établir tous les faits clairement et autant que possible, étant donné que l'avion a été abattu sur le territoire russe, ce qui échappe à notre contrôle", a également déclaré Volodymyr Zelensky ce mercredi soir dans son discours quotidien.

"Il est évident que les Russes jouent avec les vies des prisonniers ukrainiens, avec les sentiments de leurs proches et les émotions de notre société", a-t-il déclaré.

L'armée ukrainienne a assuré, en outre, qu'elle continuera de "détruire les appareils de transport et contrôler l'espace aérien (...) y compris dans la zone de Belgorod-Kharkiv", comme elle le fait depuis plusieurs semaines à un rythme soutenu, sans faire mention du crash directement.

La région russe de Belgorod, où l'avion s'est écrasé, est régulièrement visée par des attaques de missiles et de drones ukrainiens du fait de sa proximité avec la frontière et en réplique aux multiples bombardements russes de l'Ukraine.

• Kiev demande l'ouverture d'une enquête internationale

Le Président ukrainien Volodymyr Zelensky a requis l'ouverture d'une enquête internationale, et chargé plusieurs agences d'État de conduire leurs propres investigations sur le crash. Dont les services spéciaux ukrainiens (SBU) qui ont annoncé ce jeudi l'ouverture d'une enquête en vertu d'un article pénal sur la "violation des lois et coutumes de la guerre".

Le commissaire ukrainien aux droits humains, Dmytro Loubinets, a également demandé à ce que l'ONU et la Croix-Rouge aient accès au site du crash.

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"Je demanderai à ce que des représentants de ces organisations se joignent à l'inspection des lieux", dans la région russe de Belgorod, a-t-il affirmé. Il dit également avoir contacté l'ONU et le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) pour savoir s'ils étaient au courant d'un transfert de prisonniers par la Russie.

Il s'est toutefois dit "convaincu" que Moscou n'autorisera "personne (...) à voir le site".

• Une situation floue déjà vue par le passé

La Russie a été mêlée à plusieurs catastrophes aériennes dont les circonstances sont encore floues et où la version des faits russe suscite bien des questions.

Le cas le plus célèbre est celui du vol MH17 de la Malaysia Airlines, abattu au-dessus de l'Ukraine en 2014. Si tous les éléments pointent la responsabilité de combattants à la solde de Moscou, la Russie a multiplié les versions pour accuser l'Ukraine du drame qui a fait 298 morts.

Un cas plus récent est celui de l'avion transportant le chef du groupe armé Wagner, Evguéni Prigojine, qui s'est écrasé en août 2023 lors d'un vol reliant Moscou et Saint-Pétersbourg. Le crash l'avait tué, ainsi que ses principaux lieutenants, quelques semaines après une mutinerie avortée qui avait mis en rage le président russe Vladimir Poutine. Les autorités russes ont démenti toute implication, estimant que l'avion a pu s'écraser parce que ses passagers ont fait exploser une grenade à bord.

Enfin, en juillet 2022, Kiev et Moscou s'étaient mutuellement accusés du bombardement d'une prison à Olenivka, dans l'Est de l'Ukraine occupé par la Russie, attaque au cours de laquelle plus de 50 prisonniers de guerre ukrainiens avaient péri.

Juliette Brossault avec AFP