espoirComment des chercheurs français espèrent soigner les enfants sourds

Soigner les enfants sourds grâce à la thérapie génique, le défi de chercheurs français

espoirUn traitement permettant à des nourrissons sourds de retrouver leur audition vient d'être trouvé par des chercheurs français. Le premier essai clinique vient de démarrer
Pour l'instant, les enfants sourds profonds bénéficient d’une implantation cochléaire leur permettant de retrouver « artificiellement » leur audition.
Pour l'instant, les enfants sourds profonds bénéficient d’une implantation cochléaire leur permettant de retrouver « artificiellement » leur audition. - Tatiana / Canva
Lise Abou Mansour

Lise Abou Mansour

L'essentiel

  • Des chercheurs français viennent de mettre au point un nouveau traitement de thérapie génique qui pourrait permettre à des nourrissons sourds profonds de retrouver totalement leur audition.
  • Un essai clinique visant à mesurer l’efficacité de ce traitement chez 12 nourrissons atteints d’une surdité génétique profonde de naissance vient de débuter. Une première en France.
  • Si ces recherches donnent de l’espoir, pas sûr pour autant de parvenir sous peu à une guérison totale de toutes les personnes atteintes de surdité. « Le type de surdité sur lequel on travaille dans cet essai clinique représente environ 3 % des jeunes sourds à la naissance », précise Christine Petit, professeure classe exceptionnelle à l’institut Pasteur.

Parviendra-t-on bientôt à guérir la surdité des plus jeunes ? Pour le moment, aucun traitement curatif n’existe. Les enfants sourds profonds peuvent bénéficier d’une implantation cochléaire leur permettant de retrouver « artificiellement » leur ouïe et ceux malentendants de prothèses compensant l’atteinte ou amplifiant le son. Mais rien pour « guérir ».

Les chercheurs français de l’Institut Pasteur, de l’hôpital Necker, de la biotech Sensorion, de l’Institut de l’Audition et de la Fondation Pour l’Audition viennent de mettre au point un nouveau traitement du nom de SENS-501. Son objectif : permettre aux enfants atteints de surdité génétique de retrouver totalement leur audition. L’essai clinique, intitulé Audiogene et visant à mesurer l’efficacité de ce médicament vient de débuter. Il s’agit d’une première en France.

Un essai sur 12 nourrissons sourds profonds

Douze nourrissons de 6 à 31 mois vont participer à ce test. Tous sont atteints d’une surdité génétique profonde de naissance appelée DFNB9. Chez les personnes atteintes, un gène défectueux empêche la production d’otoferline, une protéine nécessaire aux cellules auditives sensorielles de l’oreille interne pour convertir les vibrations sonores en signaux chimiques envoyés au cerveau.

« Dans la synapse de la cellule atteinte, il n’y a plus du tout de transfert d’information vers le neurone auditif », explique Christine Petit, professeure classe exceptionnelle à l’institut Pasteur, professeur au Collège de France et directrice fondatrice de l’Institut de l’audition, qui a participé à la mise au point de ce traitement.

Une injection de virus dans l’oreille interne

Les bébés participant à l’essai vont subir une intervention chirurgicale, sous anesthésie générale, consistant à injecter un virus inoffensif dans la cochlée de leur oreille interne. « On apporte le brin d’ADN qui dysfonctionne dans la cellule cible, explique Natalie Loundon, praticien hospitalier ORL et responsable de l’unité plateforme de la recherche en audiologie à l’hôpital pour enfants Necker et qui travaille sur cet essai. Il va être en quelque sorte remplacé pour pouvoir produire la protéine manquante, la protéine de l’otoferline »

« Quand le produit thérapeutique entre dans cette cellule, l’ADN provenant d’une copie normale du gène ''à réparer'' est libéré et commence à coder pour la protéine », ajoute Christine Petit. Cette protéine, l’otoferline, va remplacer l’otoferline manquante et orchestrer à nouveau l’activité synaptique. On passe en quelques semaines d’une synapse figée, muette, à une synapse pleinement fonctionnelle. »

Des tests efficaces réalisés sur les souris

Des tests ont été réalisés sur des singes pour s’assurer que le médicament cible les cellules défectueuses et ne s’exprime pas dans d’autres. Des études concluantes ont également été réalisées chez la souris. « Toutes les souris traitées ont retrouvé leur audition dans les semaines ayant suivi l’injection », se réjouit Natalie Loundon.

Les chercheurs espèrent obtenir un résultat positif dans le mois suivant l’injection, avec une progression complémentaire dans les six mois qui suivent. Impossible pour le moment de savoir si les nourrissons retrouveront rapidement l’intégralité de leur audition ou si celle-ci réapparaîtra graduellement. Ils seront donc suivis pendant plusieurs années afin d’observer leur évolution sur le long terme. « On a très bon espoir que ça dure très longtemps, plus de quarante ans », assure la médecin.

Un espoir pour d’autres types de surdité

Si ces recherches donnent de l’espoir, pas sûr pour autant de parvenir sous peu à une guérison totale de toutes les personnes sourdes. « Le type de surdité sur lequel on travaille dans cet essai clinique représente environ 3 % des sourds à la naissance », précise Christine Petit. Une faible part donc. Mais un choix fait en raison de la « simplicité » de ce type de surdité. « Dans cette anomalie de l’otoferline, toute la structure de l’oreille interne est conservée, souligne Natalie Loundon. Il ne manque que cette petite protéine ».

Toutefois, les chercheurs ne s’arrêtent pas là. « On travaille désormais sur la forme de surdité congénitale la plus fréquente, qui représente 50 % des cas de surdité profonde héréditaire à la naissance, et qui est due à l’atteinte du gène GJB2, explique Christine Petit. C’est une atteinte beaucoup plus complexe car ce n’est plus un seul type de cellules qui est défectueux mais une dizaine de types cellulaires différents. »

Des essais chinois et américains en cours

La chercheuse l’assure, l’idée, à terme, est de trouver un traitement pour tous les enfants atteints d’une surdité génétique, voire aux personnes souffrant d’une surdité liée à l’âge. « Certaines formes de surdité impliquant plusieurs gènes, il faudra vraisemblablement faire appel à d’autres approches pour les traiter », mesure la professeure. Natalie Loundon doit quotidiennement tempérer la hâte de patients souhaitant participer à un essai clinique. « On va trouver, c’est sûr, mais ça ne va pas être pour demain. »

A l’étranger, des chercheurs ont pris de l’avance. Quatre essais sont en cours dans le monde. En début de semaine, l’hôpital de Philadelphie a annoncé avoir permis à un garçon sourd de 11 ans de retrouver son audition grâce à une thérapie génique du même type.

Sujets liés