La France et le Royaume-Uni ont signé lundi 14 novembre un nouvel accord pour lutter ensemble contre les traversées de migrants de la Manche, source de tensions régulières depuis plusieurs années entre Paris et Londres, a fait savoir le ministère de l’intérieur français.
Cet accord, qui s’inscrit dans le cadre du traité de Sandhurst, signé en janvier 2018 entre les deux pays, prévoit en particulier que les Britanniques versent 72,2 millions d’euros en 2022-2023 à la France. En contrepartie, Paris fera passer de 800 à 900 ses effectifs de sécurité sur les plages du pays, d’où partent les migrants à destination du Royaume-Uni, selon la déclaration commune des deux capitales.
Aucun objectif chiffré d’interceptions de bateaux, comme le souhaitait le Royaume-Uni, selon la presse d’outre-Manche, n’apparaît dans le document, signé lundi matin à Paris par le ministre de l’intérieur français, Gérald Darmanin, et son homologue britannique, Suella Braverman. « Ce n’est qu’en travaillant ensemble que nous pouvons espérer résoudre ce problème complexe. Je voulais remercier Gérald et son équipe pour leur travail et leur coopération », a tweeté, en français, Mme Braverman.
L’accord survient au lendemain de l’annonce par le ministère de la défense britannique d’un nombre inégalé de migrants ayant traversé la Manche depuis le début de l’année, plus de 40 000.
« Proposer des alternatives sûres »
Dans ce texte, Londres et Paris se sont d’abord fixé pour objectif de déployer « des ressources technologiques et humaines », dont des drones, sur le littoral français pour mieux détecter, surveiller et intercepter les bateaux.
Les deux pays veulent également collecter et utiliser des renseignements, notamment « provenant de migrants interceptés », pour mieux démanteler les réseaux de passeurs et dissuader les traversées par un travail conjoint « le plus en amont possible », en lien avec les pays d’origine et de transit des exilés. Pour atteindre ces trois objectifs, une douzaine d’actions visant « une approche plus intégrée et plus efficace » sont listées.
Pour la première fois, des équipes d’observateurs seront déployées de part et d’autre de la Manche afin « de renforcer la compréhension commune » entre les deux pays, « améliorer le déroulement des débriefings des migrants » et « accroître les échanges d’informations ».
L’accord prévoit aussi le financement de « chiens de détection » dans les ports et l’installation de caméras de surveillance aux principaux points de passage frontaliers le long du littoral. Des centres d’accueil pour migrants doivent aussi être créés dans le sud de la France pour dissuader les exilés qui empruntent la Méditerranée de remonter jusqu’à Calais et leur « proposer des alternatives sûres ».
Si l’ancien ambassadeur britannique en France estime que cet accord est « une bonne nouvelle » puisque « la seule façon de maîtriser le problème est de travailler avec les Français », l’ONG britannique Refugee Council regrette que celui-ci « ne s’attaque pas aux facteurs qui poussent les hommes, les femmes et les enfants à entreprendre des voyages dangereux pour rejoindre le Royaume-Uni ». L’entente franco-britannique « ne fera donc pas grand-chose pour mettre fin aux traversées », conclut l’ONG sur Twitter.
Des années de querelles
La signature du texte a lieu près d’un an après la mort de 27 migrants, le 24 novembre 2021, lors du naufrage de leur bateau au large de Calais, le pire drame enregistré dans la Manche. Plus de 200 personnes sont mortes ou ont été portées disparues, en mer ou sur terre, en tentant de rejoindre l’Angleterre au départ du littoral nord de la France depuis 2014, selon l’Organisation internationale pour les migrations.
Après des années de querelles, parfois virulentes, sur la question migratoire, en particulier lorsque Boris Johnson et Liz Truss étaient premiers ministres, le nouvel exécutif britannique a adopté un ton plus conciliant avec le gouvernement français, appelant à une relation plus « constructive ».
Au Royaume-Uni, le Parti conservateur, au pouvoir, a fait du contrôle de l’immigration une priorité depuis le Brexit, mais se heurte à la courbe exponentielle des traversées illégales. En France, Gérald Darmanin, accusé par la droite et l’extrême droite de ne pas assez expulser les étrangers interdits de séjour sur le territoire, va présenter au début de 2023 un projet de loi visant à durcir les procédures d’asile. « Nous interceptons beaucoup plus qu’auparavant (plus de 30 000 migrants à ce jour en 2022, contre 22 600 en 2021) » et « nous consacrons 255 millions d’euros » à la sécurisation du littoral, argumente-t-on côté français.
Contribuer
Réutiliser ce contenu