Comment "Portal Kombat", un réseau "structuré et coordonné", relaie la propagande russe en France

Publié le 12 février 2024 à 20h32, mis à jour le 13 février 2024 à 11h27

Source : TF1 Info

La France a mis au jour un réseau "structuré et coordonné de propagande russe" à destination de l'Occident.
Baptisé "Portal Kombat", il cible les États-Unis et plusieurs pays européens, dont la France.
L'objectif de l'opération est de légitimer la guerre contre l'Ukraine et déstabiliser les pays occidentaux.

Un réseau composé de centaines de sites, visiblement similaires, alimentés quotidiennement et référencés sur Google. C'est cette toile d'araignée parfaitement ficelée que vient de mettre à jour la France. Dans un rapport publié ce lundi 12 février, le Viginum, cet organisme chargé de la lutte contre les ingérences numériques étrangères, révèle comment la Russie a mis en place un réseau "structuré et coordonné de propagande russe" ciblant des pays européens et les États-Unis. Objectif de l'opération baptisée "Portal Kombat" : piéger les internautes avec des contenus qui légitiment la guerre contre l'Ukraine et mettre en avant des informations susceptibles de déstabiliser les pays occidentaux.

Fausses infos, controverses et récit pro-russe

Au total, au moins 193 sites internet aux caractéristiques proches ont été identifiés par les services de vigilance et de protection contre les ingérences étrangères. Tous appartiennent à la même infrastructure numérique et se rejoignent autour de trois grandes chartes graphiques. Mais tandis qu'il couvrait initialement des informations provenant de localités russes et ukrainiennes, ce réseau a muté à mesure que l'invasion russe avançait. Dès avril 2022, il a commencé à cibler les territoires occupés pour y déverser le narratif pro-russe, avant de s'attaquer aux pays occidentaux alliés de l'Ukraine et leur population à partir de 2023. Parmi eux, la France, visée par un site nommé "Pravda.fr". 

Enregistré le 24 juin 2023, ce portail contribue "directement à polariser le débat public", comme le souligne le rapport, notamment en présentant "de manière récurrente des récits inexacts ou trompeurs", que nous avons déjà largement vérifiés. Ainsi, on y trouvait le mois dernier cette fausse information selon laquelle des mercenaires français auraient été tués à Kharkiv. Au-delà de présenter de manière positive l'action de la Russie, au détriment de celle des Ukrainiens, "souvent qualifiés de corrompus, de nazis ou d'incompétents", ces chaînes publient également sur des sujets "proches des sphères conspirationnistes". Elles s'emparent aussi de vraies informations, "pouvant contribuer à diverses controverses". 

S'ils se présentent comme des portails d'information, aucun de ces sites ne produit de contenu original. En réalité, ils relaient massivement des publications pro-russes afin de servir le narratif proche du Kremlin. Certaines erreurs de syntaxe prouvent même qu'il s'agit parfois d'articles russes dupliqués puis traduits à l'aide d'un logiciel de traduction automatique. Trois sources principales ont ainsi été identifiées par le Viginum : les comptes d'acteurs russes ou pro-russes, des agences de presse russes et des sites officiels d'institutions ou d'acteurs locaux. À titre d'exemple, ce site titrait ce lundi sur un appel de "la France" qui demanderait "des mesures radicales contre Zelensky". Une information trompeuse, qui s'appuie sur une seule publication, celle de Florian Philippot. Pour rappel, cet ancien eurodéputé devenu complotiste pro-russe, qui avait échoué à se faire élire aux dernières législatives, ne possède plus aucun mandat depuis 2021.

Une recherche met ce site de désinformation russe en tête des résultats de recherche de Google
Une recherche met ce site de désinformation russe en tête des résultats de recherche de Google - Capture d'écran / TF1info

Un réseau structuré, donc, mais surtout efficace. Contrairement aux médias d'État russes, interdits dans l'Union européenne, ceux-ci sont en effet toujours accessibles. Pire, ils bénéficieraient "d'un référencement sur différents moteurs de recherche". Ainsi, le rapport révèle que lors de certaines requêtes très précises au sujet d'une actualité controversée, les sites web appartenant à ce réseau pouvaient se retrouver en tête des résultats de recherche de Google. Une affirmation confirmée par une requête réalisée ce lundi, visible sur l'image ci-dessus.

Si le rapport ne précise pas l'acteur derrière de ce "Portal Kombat", il est en tout cas clair que la nébuleuse de sites qui le constitue sert un seul et même dessein. Devenir une véritable caisse de résonance pour la propagande russe. Autant de caractéristiques qui en fait la preuve d'une "ingérence numérique étrangère".


Felicia SIDERIS

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