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Révélations

Plusieurs eaux minérales françaises du groupe Nestlé contaminées par des bactéries, pesticides et Pfas selon l’Anses

L'eau, une ressource essentielle et menacéedossier
Hépar, Perrier, Vittel, Contrex : la «qualité sanitaire» des eaux du groupe Nestlé n’est «pas garantie», selon un nouveau document confidentiel de l’Anses dévoilé par France Info et «Le Monde» ce jeudi 4 avril. La contamination concerne des bactéries, pesticides et Pfas.
par LIBERATION
publié le 4 avril 2024 à 10h44

Des eaux minérales naturelles, en théorie préservées de toute pollution, finalement pas si transparentes. Un nouveau document de l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail), dévoilé par FranceInfo et le Monde ce jeudi 4 avril, confirme la contamination généralisée des plusieurs sources d’eau minérale françaises du groupe Nestlé.

Dans cette note remise au ministère de la Santé à la mi-octobre 2023, des experts évoquent un «niveau de confiance insuffisant» pour assurer «la qualité sanitaire» des eaux du groupe (Perrier, Contrex, Vittel, Hépar…). «Une surveillance élargie est nécessaire», précise ainsi le document confidentiel commandé par les agences régionales de santé du Grand-Est et d’Occitanie, deux régions où est implantée la multinationale.

L’expertise note «un niveau de confiance insuffisant concernant l’évaluation de la qualité des ressources notamment en ce qui concerne la variabilité des contaminations et leur vulnérabilité microbiologique et chimique». Et de lister les causes de la contamination : «La survenue a priori transitoire, de contaminations microbiologiques d’origine fécale» dans les usines des Vosges et du Gard, des concentrations «parfois élevées» de bactéries type Escherichia coli sur de nombreux forages ou encore des «traces résiduelles» de pesticides ou de Pfas, ces polluants dits éternels massivement utilisés par l’industrie.

«Les sommes de pesticides sont variables mais peuvent dépasser 0,1 microgramme par litre pour certains captages», apprend-on dans les études menées par le laboratoire d’hydrologie de Nancy. Un chiffre au-delà du seuil réglementaire pour les eaux minérales naturelles, alors que ces eaux se doivent d’être exemptes de bactéries, avant et après embouteillage. Des résidus d’engrais de synthèse azotés et phosphorés ont notamment été détectés, parfois de façon «permanente sur certains forages».

Dans leurs conclusions, les experts du Laboratoire d’hydrologie de Nancy (LHN) recommandent aux autorités de mettre en place un plan de surveillance renforcé des usines Nestlé, à la vue des «multiples constats de contaminations d’origine fécale», de «la présence chronique notable de micropolluants», et de «l’absence de paramètre permettant le suivi de la contamination virale des eaux». Ils expriment également leur volonté de ne formuler «aucune recommandation» pour les produits finis. Selon eux, les forages contaminés ne devraient plus être exploités et «conduire à la production d’eaux embouteillées».

Nestlé assure respecter «toutes les exigences réglementaires applicables»

Sollicitée par Libération, Nestlé Waters affirme ne pas avoir «eu connaissance du rapport de l’Anses mentionné dans les médias» et donc ne pas être «en mesure de le commenter». La multinationale réaffirme toutefois que «la qualité de ses eaux minérales naturelles a toujours été garantie et reste [sa] priorité». Et d’ajouter : «Nestlé Waters France a toujours opéré dans le cadre de procédures de gestion intégrée de la qualité. […] Ces procédures de qualité reposent sur un dispositif de filtration combiné à un programme strict de nettoyage des circuits d’embouteillage et à la réalisation de plus 1500 paramètres. […] Nous avons également renforcé nos contrôles d’analyses dans le cadre notre plan de transformation sur nos sites Nestlé Waters en France en accord stricte et sous le contrôle des autorités compétentes.»

S’agissant des Pfas, la filiale assure respecter «toutes les exigences réglementaires applicables» aux minérales naturelles françaises. Toutefois, à l’inverse de l’eau potable, il n’existe aujourd’hui aucune limite réglementaire pour les Pfas contenus dans ces eaux naturelles, en raison de leur «pureté originelle». «Les niveaux que nous avons parfois pu détecter sont dix fois inférieurs aux limites fixées pour l’eau potable», détaille ainsi Nestlé Waters. «Pour ce qui concerne les pesticides, des traces résiduelles peuvent parfois être présentes dans les eaux minérales naturelles et ne doivent pas dépasser les seuils très bas fixés par le cadre réglementaire applicable», conclut le leader mondial des eaux en bouteilles.

«Chaque bouteille qui sort de nos sites peut être bue par les consommateurs en toute sécurité», a insisté la présidente de Nestlé France, Muriel Lienau, dans un entretien publié par l’AFP ce vendredi. «On a intensifié la surveillance des forages sous le contrôle des autorités», insiste-t-elle.

En janvier dernier, le journal Le Monde et la cellule d’investigation de Radio France avaient déjà fait état d’une tromperie de grande ampleur : de l’eau vendue comme «de source» ou «minérale naturelle» subissait en réalité des techniques de purification interdites pour ces catégories, mais utilisées pour l’eau du robinet, afin de pouvoir être consommées. En toute connaissance des autorités. La veille de ces premières révélations, le numéro 1 mondial de l’eau, Nestlé Waters, reconnaissait avoir informé les autorités françaises en 2021 de son utilisation de traitements d’ultraviolets et de filtres au charbon actifs sur certaines eaux minérales – Perrier, Vittel, Hépar et Contrex – pour maintenir «leur sécurité alimentaire».

Mise à jour : jeudi 4 avril à 17 h 35, avec ajout de la réponse de Nestlé Waters.

Mise à jour : vendredi 5 avril à 16h18, avec déclaration de la présidente de Nestlé France, Muriel Lienau.



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