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Décryptage

Sécheresse : 5 questions sur l'ensemencement des nuages, cette technique qui doit faire tomber la pluie

La Chine envoie des produits chimiques dans les nuages pour faire tomber la pluie sur la région du fleuve Yangtsé, touchée par la sécheresse. Voici ce qu'il faut savoir sur cette technique, l'« ensemencement des nuages », qui connaît un regain d'intérêt avec les effets du changement climatique.

Depuis des décennies, la Chine tente de faire la pluie et le beau temps grâce à des produits chimiques.
Depuis des décennies, la Chine tente de faire la pluie et le beau temps grâce à des produits chimiques. (CHINA DAILY VIA REUTERS)

Par Anna Lippert

Publié le 28 août 2022 à 13:15

Pénuries d'eau, végétation asséchée, cours d'eau en baisse... Face à la sécheresse que subissent de nombreux pays de l'hémisphère Nord depuis le début de l'été, la tentation de contrôler la météo est grande. C'est d'ailleurs ce que tente de faire la Chine, qui envoie des projectiles dans les nuages pour faire tomber la pluie sur le fleuve Yangtsé, rapporte la chaîne américaine CNN . Alors qu'une grave sécheresse touche une partie du pays, la pluie serait en effet la bienvenue pour remédier au manque d'eau.

Les manoeuvres de la Chine pour manipuler la météo ont une résonance particulière dans de nombreux pays de l'hémisphère nord, dont la France , qui souffrent d'un été trop chaud et trop sec dans un contexte de changement climatique. Pourtant, cette technique, appelée « ensemencement des nuages », existe depuis des décennies. Voici cinq questions pour comprendre comment les pays essaient de faire la pluie et le beau temps.

1. Qu'est-ce que l'ensemencement ?

Il faut tout d'abord comprendre comment se forme un nuage et ce qu'il contient. La majeure partie des nuages se forme lorsqu'une masse d'air contenant de la vapeur d'eau monte et se refroidit. La vapeur d'eau condense et se transforme en gouttelettes ou en cristaux de glace selon la température, et crée le nuage. Mais ces gouttelettes restent parfois trop petites pour tomber sous forme de pluie. L'encensement des nuages, une technique découverte dans les années 1940, permet de les aider à fusionner et grossir pour pouvoir tomber sous forme de pluie ou de glace.

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Pour cela, il faut introduire artificiellement des produits dans les nuages. Dans les nuages « froids », l'ensemencement consiste à y lancer des aérosols, le plus souvent de l'iodure d'argent, pour former des noyaux de glace qui chuteront plus facilement sous forme de neige ou de pluie. Dans les nuages « chauds », les scientifiques ajoutent du sel qui permet aux gouttelettes de fusionner et de tomber.

2. Comment ça marche ?

Plusieurs moyens existent pour envoyer ces produits dans les nuages. « C'est une méthode très coûteuse, mais on peut survoler la zone que l'on souhaite traiter avec un avion qui dispose de torches sur ses ailes », énumère Andrea Flossmann, professeure à l'université Clermont Auvergne et coresponsable du groupement d'experts sur la modification du temps pour l'Organisation météorologique mondiale (OMM).

Des fusées peuvent également être utilisées, comme c'est le cas actuellement en Chine, notamment dans la province du Hubei. Il existe enfin une méthode opérée au sol par des générateurs qui vaporisent dans l'air un mélange d'acétone et d'iodure d'argent. Un brûleur permet au mélange de s'élever dans l'air.

3. Quelle est son efficacité ?

« Il y a peu de cas où il a été scientifiquement prouvé que l'ensemencement des nuages fonctionne », avance Andrea Flossmann. Et pour cause, l'efficacité de l'ensemencement est difficile à prouver. « Aucun nuage n'est identique et la variabilité naturelle est très importante. On ne sait pas s'il aurait plu naturellement lorsque l'on observe de la pluie après un ensemencement », poursuit la météorologue. « Je ne crois pas que cela puisse nous sauver . Je doute que l'on puisse pouvoir le faire en quantité suffisante pour lutter contre les effets du réchauffement climatique », conclut-elle.

Pour autant, des résultats concluants ont été obtenus dans les régions montagneuses, où les nuages se forment par les mouvements d'air au-dessus des montagnes, note un rapport de l'OMM . « Sur un relief, la variabilité naturelle du nuage est moindre. Le nuage, collé contre le relief, est obligé de monter », note Andrea Flossmann. L'augmentation des précipitations serait alors de 10 à 15 %.

L'ensemencement des nuages pour lutter contre la sécheresse est donc loin d'être la panacée, d'autant que cette technique ne fonctionne que sur certains nuages. Mais surtout, cette technique s'applique à des nuages formés naturellement à partir de l'humidité présente au sol. Ainsi, si elle peut permettre d'accroître les ressources en eau , « cette technique ne peut rien contre la sécheresse, car elle exige de disposer de nuages », note le rapport de l'OMM. « Personne ne peut créer ou chasser un nuage. »

4. Quels pays modifient ainsi la météo ?

La Chine alloue des moyens colossaux aux programmes d'ensemencement des nuages, et ce, depuis des décennies. Le pays a notamment utilisé cette méthode pour tenter d'éviter la pluie pendant les Jeux olympiques de 2008 à Pékin. L'ex-URSS devenue Russie affirme également faire appel à ces techniques pour éviter la pluie lors de grands événements comme les défilés.

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Les Emirats arabes unis ont, eux, lancé en 2015 un vaste programme international pour financer la recherche dans le domaine, alors que le pays est l'un des plus arides au monde. D'autres pays comme les Etats-Unis, le Maroc ou encore Israël tentent de provoquer la pluie artificiellement.

En France, l'ensemencement des nuages est utilisé pour éviter les orages de grêles, qui peuvent parfois être destructeurs pour les cultures . Plusieurs entreprises se sont positionnées sur ce créneau, mais c'est l'Association nationale d'étude et de lutte contre les fléaux atmosphériques (Anelfa) qui fait figure de référence. Créée en 1951, cette association cherche à réduire les dégâts causés par les orages de grêle en diminuant la dimension des grêlons. Si elle est bien utilisée, cette technique pourrait réduire de moitié les dommages causés par la grêle, selon l'association.

5. Cette technique comporte-t-elle des risques ?

« L'iodure d'argent est toxique en quantités importantes, note Andrea Flossmann. Mais pour le moment, les concentrations observées au sol restent en dessous des seuils donnés par l'OMS. » Difficile, par ailleurs, de trouver des études récentes sur l'impact environnemental de tels procédés.

En revanche, la modification artificielle du temps peut créer des tensions géopolitiques. « Pour l'instant, même s'il n'y a pas encore de preuves dures que l'ensemencement de nuages fonctionne, il y a des craintes de la part de pays voisins dès qu'un programme d'ensemencement des nuages est annoncé », explique Andrea Flossmann. Des pays peuvent ainsi craindre que leur voisin ne leur « vole » de l'eau ou, au contraire, qu'il soit responsable d'inondations. « Le potentiel de problèmes est grand », résume la scientifique. En 2018, en pleine sécheresse, un général iranien avait accusé Israël de lui « voler » ses nuages et donc la pluie.

Anna Lippert

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