GUERRE EN UKRAINE - La frappe ukrainienne sur Makiïvka la nuit du Nouvel An a fait 89 morts, a annoncé ce mercredi 4 janvier la Russie en revoyant son bilan à la hausse. Et ce alors que Kiev, de son côté, parle de plusieurs centaines de morts. Surtout, les autorités militaires russes ont évoqué une piste pour expliquer le drame : la possibilité que les soldats aient trahi eux-mêmes leur position en faisant usage de leur téléphone.
Le nombre de victimes dans les rangs russes, initialement estimé à 63, a donc été revu à la hausse après la découverte de nouveaux corps dans les ruines d’un bâtiment à Makiïvka, visé par une frappe ukrainienne le 1er janvier à 00 h 01 (il était alors 23 h 01 à Paris), a indiqué le général russe Sergueï Sevrioukov dans un message vidéo diffusé par le ministère russe de la Défense.
« À l’heure actuelle, une commission mène l’enquête sur les circonstances » de l’attaque, a-t-il dit. « Mais il est déjà évident que la cause principale (...) est l’allumage et l’utilisation massive par le personnel de téléphones portables à portée des armes ennemies, contrairement à l’interdiction », ce qui aurait permis de géolocaliser les troupes, a expliqué le général.
Il s’agit non seulement du plus lourd bilan en une seule attaque admis par Moscou depuis le début de l’offensive en février, mais également de la première communication officielle sur des pertes militaires russes depuis le mois de septembre. Le ministre russe de la Défense Sergueï Choïgou avait alors évoqué 5 937 morts dans les rangs de l’armée russe depuis le début du conflit.
Appel à la « vengeance », Poutine silencieux
Fait inhabituel en Russie, environ 200 personnes se sont réunies avec l’aval des autorités à Samara (centre), d’où étaient originaires certains des soldats tués, pour pleurer les morts lors d’une cérémonie religieuse orthodoxe. « C’est très dur, c’est effrayant. Mais nous ne pouvons pas être brisés. Le chagrin nous unit », a dit Ekaterina Kolotovkina, présidente d’un groupe d’épouses de soldats, en appelant à la « vengeance ».
L’état-major ukrainien a confirmé lundi 2 décembre avoir mené la frappe le soir du Nouvel an sur Makiïvka. Dans un langage particulièrement fleuri, le département des communications stratégiques de l’armée ukrainienne a évoqué un bilan de 400 morts et de 300 blessés. Plus sobre, l’état-major a indiqué ne pas avoir d’informations définitives sur le nombre de victimes russes, chiffrant par ailleurs à « jusqu’à dix » le nombre de véhicules militaires « de tous types » détruits dans ce bombardement.
Le ministère de la Défense à Moscou a fait état de l’explosion de « quatre missiles », ajoutant qu’ils ont été tirés par des systèmes HIMARS, une arme fournie par les États-Unis aux forces ukrainiennes et qui ont frappé « un centre de déploiement provisoire » de l’armée russe à Makiïvka. Le général Sergueï Sevrioukov a encore affirmé que ses forces avaient détruit plusieurs lance-missiles ukrainiens à Droujkivka, dans la région de Donetsk, et tué 200 Ukrainiens et mercenaires étrangers après l’attaque de Makiïvka. L’Ukraine a de son côté fait état d’un mort et de la destruction d’une patinoire. Le président russe Vladimir Poutine, lui, n’a pas encore réagi publiquement.
Le département des communications stratégiques des forces armées ukrainiennes a quant à lui affirmé que près de 400 soldats russes ont été tués à Makiïvka. L’annonce de ces lourdes pertes a immédiatement provoqué des critiques en Russie envers le commandement militaire, accusé notamment par l’ancien responsable séparatiste Igor Strelkov, très au fait de la situation sur le terrain, d’avoir entreposé des munitions dans ce bâtiment non protégé.
« Dangereux et criminel »
Les reporters de guerre russes, de plus en plus influents, ont affirmé que des centaines de personnes auraient été tuées à Makiïvka et accusent les hauts commandants militaires de n’avoir tiré aucune leçon de leurs erreurs passées. « Pourquoi continuons-nous à installer (les mobilisés) dans des hôtels, des auberges et des écoles professionnelles… », s’est ainsi interrogé le correspondant de guerre russe Alexandre Kots.
« Malgré plusieurs mois de guerre, certaines conclusions n’ont toujours pas été tirées », a constaté de son côté le blogueur Boris Rojine, proche des milieux séparatistes pro-russes ukrainiens, fustigeant « l’incompétence » des hauts gradés de l’armée russe. Un point de vue partagé par Andrey Medvedev, le vice-président de l’assemblée législative de la ville de Moscou : « Dix mois après le début de la guerre, il est dangereux et criminel de considérer l’ennemi comme un imbécile qui ne voit rien ».
Sur les réseaux sociaux, certains ont accusé les autorités russes de minimiser le nombre de morts. L’annonce de la frappe de Makiïvka est intervenue après un Nouvel An marqué par des bombardements russes sur Kiev et d’autres villes, qui ont fait cinq morts et des dizaines de blessés.
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a annoncé que son armée avait abattu plus de 80 drones depuis le début de 2023. « Dans un avenir proche, ce nombre pourrait augmenter », a-t-il dit. Le chef d’état-major ukrainien Valery Zaloujny a affirmé que l’armée avait jusqu’à présent libéré « 40 % des territoires occupés après le 24 février ».
Après une série de revers militaires sur le terrain et d’attaques ukrainiennes ayant visé le territoire russe et la Crimée annexée, Moscou a opté à partir d’octobre pour le bombardement d’infrastructures en Ukraine, provoquant régulièrement des coupures d’électricité, de chauffage et d’eau. Selon le responsable des droits humains des Nations unies, ils causent d’« immenses difficultés » aux Ukrainiens.
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