Plus de 1,4 million de personnes ont manifesté depuis vendredi 19 janvier dans des dizaines de villes allemandes contre le parti d’extrême droite l’Alternative pour l’Allemagne (AfD) et son idéologie radicale, ont estimé dimanche deux des organisations qui appelaient à cette mobilisation. « Rien que dimanche, des actions de protestation ont eu lieu dans une quarantaine de villes, un signal clair contre l’AfD et les dérives droitières dans la société allemande », ont déclaré dans un communiqué l’organisation Friday for Future et l’alliance citoyenne Campact. La police n’a pas communiqué de chiffres globaux pour l’ensemble de ces rassemblements.
Dimanche, la mobilisation était telle à Munich que la manifestation a dû être interrompue en raison d’une trop forte affluence dans les rues. Selon les organisateurs, 50 000 personnes se sont rendues à ce rassemblement contre l’AfD, soit deux fois plus que le nombre d’inscrits. La police a, pour sa part, estimé la foule à 100 000 personnes, selon le quotidien Süddeutsche Zeitung. Sur l’esplanade du Reichstag, à Berlin, la participation était également massive, estimée à 100 000 personnes, selon la police citée par la radio RBB ; 350 000 personnes, selon les organisateurs.
Si des manifestations ont eu lieu dans les grandes villes allemandes, des villes aux tailles plus modestes ont également été le théâtre de l’expression d’une opposition à l’Afd. A Cologne, les organisateurs ont estimé la foule à 70 000 personnes dimanche, tandis qu’à Brême, la police locale a dénombré 45 000 manifestants dans le centre. La veille, samedi, quelque 250 000 perrsonnes étaient déjà descendues dans les rues de dizaines de villes à travers le pays, selon la chaîne de télévision publique ARD.
Des élections régionales à venir en Allemagne
Une mobilisation d’une rare ampleur qui témoigne du choc provoqué par la révélation le 10 janvier par le média d’investigation allemand Correctiv d’une réunion d’extrémistes à Potsdam, près de Berlin, où, en novembre, un projet d’expulsion massive de personnes étrangères ou d’origine étrangère a été discuté.
Parmi les participants se trouvaient une figure de la mouvance identitaire radicale, l’Autrichien Martin Sellner, et des membres de l’AfD. M. Sellner y a présenté un projet pour renvoyer vers l’Afrique du Nord jusqu’à deux millions de personnes – demandeurs d’asile, étrangers et citoyens allemands qui ne seraient pas assimilés selon lui –, affirme Correctiv.
Cette révélation a secoué l’Allemagne alors que l’AfD ne cesse de progresser dans les sondages, à quelques mois de trois importantes élections régionales dans l’est du pays où les intentions de vote pour le parti d’extrême droite sont encore plus élevées que dans le reste du pays. Le mouvement anti-immigration a confirmé la présence de ses membres à la réunion, mais nié adhérer au projet de « remigration » porté par Martin Sellner.
La ministre de l’intérieur, Nancy Faeser, est allée jusqu’à estimer dans la presse que cette réunion rappelait « l’horrible conférence de Wannsee », où les nazis planifièrent en 1942 l’extermination des Juifs européens.
« Dehors les nazis »
Les manifestations anti-AfD ont pris un rythme quotidien depuis une semaine. De vendredi à dimanche, une centaine de rassemblements étaient prévus. « Dehors les nazis », « pas de place pour les nazis », pouvait-on lire sur des pancartes de manifestants à Francfort, la capitale financière allemande, où quelque 35 000 personnes ont manifesté samedi.
Des responsables politiques, des représentants religieux et des entraîneurs de la Bundesliga, le championnat de football allemand, ont appelé la population à se mobiliser contre ce parti, actuellement au plus haut dans les intentions de vote.
L’AfD a profité ces derniers mois du sentiment d’insatisfaction de la population résultant d’un nouvel afflux de migrants dans le pays et des querelles permanentes entre les trois partis de la coalition gouvernementale, sur fond de récession économique et d’inflation élevée. La formation d’extrême droite, entrée au Parlement en 2017, s’est solidement installée en deuxième position dans les intentions de votes (autour de 22 %) derrière les conservateurs, alors que la coalition gouvernementale d’Olaf Scholz avec les écologistes et les libéraux est confrontée à une impopularité record. Dans ses bastions de l’ex-RDA, l’AfD arrive même en tête des enquêtes d’opinion avec plus de 30 %. A six mois des élections européennes, plusieurs pays de l’Union européenne font face à une poussée de l’extrême droite, qui pourrait bouleverser les grands équilibres du Parlement européen.
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