Côté pile, les quatre grandes banques françaises sont pleinement investies dans le combat pour la sauvegarde du climat : elles se sont toutes engagées publiquement à « financer un monde neutre en carbone à l’horizon 2050 ». Côté face, BNP Paribas, Crédit agricole, Société générale et BPCE/Natixis ont contribué en 2022 à financer une dizaine d’entreprises opérant des bombes carbone, ces sites d’extraction de pétrole, gaz et charbon super-émetteurs en CO2.
Ce paradoxe est mis en évidence par les données compilées par les ONG Eclaircies et Data for Good dans le cadre de l’enquête CarbonBombs.org, qui permettent pour la première fois de relier ces bombes carbone aux entreprises qui les développent et aux banques qui les soutiennent.
Le marché bancaire est ainsi fait que les banques ne financent que très rarement les projets d’extraction fossile directement. Elles préfèrent accorder des prêts aux entreprises extractrices comme TotalEnergies ou BP, qui utilisent ensuite les fonds comme bon leur semble. Bien qu’indirect, ce financement dit corporate est capital pour faire fonctionner les bombes carbone. « Si on ne peut pas établir un lien de causalité direct, il est fort probable que des fonds prêtés en 2022 aient contribué au fonctionnement de bombes carbone en exploitation ou au développement de futurs projets », observe Lucie Pinson, directrice de l’ONG Reclaim Finance.
BNP Paribas au 5e rang mondial
Le rôle des établissements français dans cette économie est central. En 2022, ils se situaient au troisième rang des plus grands financeurs indirects de bombes carbone, derrière les américains et les chinois, d’après les données issues du rapport « Banking on Climate Chaos », établies à partir de Bloomberg.
BNP Paribas, Crédit agricole, Société générale et BPCE/Natixis ont octroyé en 2022 près de 18 milliards de dollars (17 milliards d’euros) à 11 grandes entreprises d’extraction fossile, que l’on peut relier à 51 bombes carbone distinctes. Les réserves en charbon, pétrole et gaz de ces sites, répartis dans 18 pays à travers le globe, sont susceptibles de rejeter 189 milliards de tonnes équivalent CO2 dans l’atmosphère.
Dans le classement établi par CarbonBombs.org, BNP Paribas se situe à la cinquième place mondiale, derrière quatre mastodontes chinois et américains. En 2022, le groupe a versé plus de 7 milliards de dollars à 10 opérateurs fossiles distincts, que l’on peut relier à 46 bombes carbone. Parmi eux, la multinationale française TotalEnergies, le géant saoudien Saudi Aramco, l’énergéticien italien Eni et le pétrolier britannique BP ; mais également des entreprises moins connues, comme YPF ou Pertamina Persero, impliquées dans l’exploitation du vaste complexe de gaz de schiste Vaca Muerta, en Argentine, qui suscite une vive opposition des communautés locales d’Indiens Mapuche.
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