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Bijou de technologie et de sobriété, la sonde européenne Juice embarque pour Jupiter

La sonde Juice lancée ce 13 avril 2023 depuis la Guyane pour les lunes de Jupiter

La sonde Juice lancée ce 13 avril 2023 depuis la Guyane pour les lunes de Jupiter - CHARLY TRIBALLEAU / AFP

Ce jeudi, la sonde Juice doit décoller depuis Kourou à bord d'Ariane5. Elle doit rejoindre Jupiter dans quelques années pour étudier ses lunes glacées, une mission stratégique pour l'Europe spatiale.

Le centre spatial guyanais est en effervescence. Une fusée Ariane 5 doit décoller ce jeudi à 14h15 heure de Paris (9h15 en Guyane). Elle emporte la sonde Juice (Jupiter Icy Moons Explorer) dont la mission consiste à se rapprocher des lunes glacées de Jupiter (Europe et Ganymède) afin de vérifier si elles sont potentiellement habitables. Après son décollage, Ariane 5 va convoyer Juice pendant 28 minutes avant de l'éjecter.

Cette mission est une pure mission d'exploration avec l'Agence Spatiale Européenne dans le rôle du maître d'œuvre et Airbus dans celui de l'industriel. Cela fait 8 ans que les équipes d'Airbus Defense and Space ont remporté le contrat. Cette mission, avec le lancement, avoisine un budget total de 1,5 milliard d'euros.

Sobriété énergétique

Juice emporte 3 tonnes et demi d'ergols pour les phases de propulsion. Mais pour son alimentation, elle dépendra de ses panneaux solaires. Une prouesse technologique car les 1900 cellules qui les composent ont été insérées une à une, à la main.

"Des panneaux solaires 30% plus performants que n'importe quel autre panneau sur terre", expliquait il y a quelques mois à BFM Business Cyril Cavel le chef de projet JUICE chez Airbus D&S.

Cette efficacité a un coût: 50 millions d'euros. Une fois les panneaux déployés, l’envergure de Juice atteindra une trentaine de mètres. La consommation électrique a été optimisée au maximum. Malgré sa batterie d'instruments La sonde ne consommera que 800 watts. Une prouesse.

Des océans tapis sous la glace

Juice est un bijou technologique. La sonde est bardée d’instruments de haut vol: interféromètre, spectromètre, altimètre laser… Allemagne, France, Espagne, Japon, les contributeurs sont nombreux. Tous ces outils vont notamment permettre d'analyser les océans d'eau salée de deux lunes de Jupiter: Europe et Ganymède.

Car oui, certaines lunes de Jupiter contiennent plus d'eau que les réserves terrestres. Des océans tapis sous une dizaine de kilomètres de glace. Sont-ils propices au développement d'une vie extraterrestre? C'est là le cœur de la mission.

L’enfer spatial

"Juice va parcourir pendant 9 ans un peu plus d'un milliard de kilomètres", nous détaillait Cyril Cavel.

Un voyage durant lequel la sonde va être maltraitée par les rayonnements, les radiations. Pour la protéger, des feuilles de plomb ont été appliquées sur certaines zones sensibles. La sonde va devoir également résister au froid intense de l'espace. Pour cela, une solution existe: le MLI (Multi Layer Insulation). La fameuse "couverture de survie" dorée ou argentée, qui protège souvent les satellites.

"Celle-ci est fabriquée en Allemagne, indiquait Cyril Cavel, plus fine qu’une feuille de papier. Elle est pourtant composée de 14 couches toutes séparées par de l'air".

Un produit de haute technologie donc. "L'un des matériaux qui coûte le plus cher", nous précisait Cyril Cavel.

Cette pure mission d'exploration- bien sûr pour la beauté de la science et de la connaissance- sera aussi une mission qui devrait contribuer à apporter son lot d'évolutions technologiques et économiques dans nos futures vie quotidiennes, dans de nombreux domaines: panneaux solaires, isolation thermique, économie d’énergie, intelligence artificielle, mesure des champs magnétiques.

Après douze ans de bons et loyaux services, vers 2034, écorchée et épuisée par les radiations, Juice ira s'écraser volontairement sur Ganymède, un de ses terrains de jeu. Ceci afin d’éviter toute contamination accidentelle d’un autre environnement.

Un lancement sous haute tension
Cette mission intervient à un moment particulier puisque l'Europe spatiale traverse depuis plusieurs mois une crise sans précédent: rappel des fusées Soyouz par la Russie, échec de lancement de Vega-C, retards à répétition de la future Ariane 6 qui ne devrait pas décoller avant 2024...
Un succès ce jeudi serait donc particulièrement bienvenu d'autant plus qu'il s'agit du premier vol de l'année pour Ariane 5 (VA260) et l'avant dernier avant la retraite définitive de ce lanceur mythique qui a fait ses débuts en 1996.

Jean-Baptiste Huet