Jamais un tel niveau n’avait été atteint, selon Yonathan Arfi, le président du Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF) : le nombre d’actes antisémites recensés en France a bondi à 1 676 lors de l’année 2023, contre 436 l’année précédente, alerte un rapport du CRIF, mercredi 24 janvier.
Cette quasi-multiplication par quatre en un an est mise en perspective par M. Arfi, qui rappelle à l’Agence France-Presse qu’« on avait quelques dizaines d’actes par an dans les années 1990, quelques centaines sur la période 2000-2022 ».
Dans près de six cas sur dix (57,8 %), les actes recensés l’an dernier ont été des atteintes aux personnes (violences physiques, propos et gestes menaçants…) plutôt qu’aux biens, selon ce rapport compilant des chiffres « recensés par le ministère de l’intérieur et le Service de protection de la communauté juive (SPCJ) ». Mais ces chiffres ne reflètent « qu’une partie » des actes antisémites, ceux qui ont fait l’objet d’une plainte ou d’un signalement à la police, rappelle le CRIF.
Dans plus de 40 % des cas, il s’agissait de « propos et gestes menaçants ». Et s’ils ont été surtout commis dans la sphère privée (32 %) et sur la voie publique (20,4 %), 7,5 % ont été recensés sur Internet.
Le 7 octobre, un « catalyseur à la haine »
Autre point inquiétant pour le CRIF, 12,7 % des actes ont eu lieu en milieu scolaire, dont une majorité au collège. « On assiste à un rajeunissement des auteurs d’actes antisémites. L’école n’est plus un sanctuaire de la République », déplore-t-il. « Pour la première fois depuis longtemps, les générations qui arrivent sont plus poreuses aux préjugés antisémites que les générations précédentes », explique Yonathan Arfi, en identifiant « trois carburants » à ce phénomène : « La haine d’Israël, l’islamisme et le complotisme. »
Dans un pays qui abrite la plus grosse communauté juive d’Europe (environ 500 000 personnes), le CRIF constate une « explosion » (+ 1 000 %) des actes antisémites depuis le 7 octobre 2023, date de l’attaque meurtrière du Hamas sur le sol israélien, ayant entraîné une action massive de l’armée israélienne à Gaza, où le mouvement palestinien est au pouvoir. Durant les trois mois qui ont suivi, leur nombre « a égalé celui des trois années précédentes cumulées ».
« Le 7 octobre a servi de catalyseur à la haine, en activant un antisémitisme latent, et en désinhibant le passage à l’acte », estime Yonathan Arfi, selon qui la vision des civils israéliens massacrés a joué un rôle déclencheur dans ce phénomène.
La tentation de masquer les signes de judéité
En 2012 déjà, après l’attentat contre une école juive de Toulouse où trois enfants et un enseignant avaient été tués par le délinquant radicalisé Mohammed Merah, une hausse de 200 % des actes antisémites avait été constatée. La progression avait été de 300 % après l’attaque djihadiste contre l’Hyper Cacher, en 2015. « Après le 7 octobre, on aurait pu avoir un effet d’empathie, un effet vaccin, ça a été le contraire », expose en soupirant le président du CRIF.
D’une quarantaine chaque mois au cours de la période estivale, les actes antisémites sont passés à 563 en octobre, 504 en novembre et 175 en décembre. Une décrue en fin d’année « difficile à analyser » pour M. Arfi qui reste prudent. « Il y a eu les vacances, sans doute une baisse d’intensité », mais « on reste très loin des chiffres d’avant le 7 octobre », insiste-t-il, en déplorant le « manque de réprobation sociale de l’antisémitisme ».
Rappelant que certains ont pu être tentés de masquer ce qui pourrait les désigner comme juifs − une mézouza à la porte, un nom sur la boîte aux lettres –, Yonathan Arfi s’inquiète : « Le risque à la fin est celui d’une invisibilisation des juifs dans l’espace public. C’est une victoire qu’il est hors de question de servir aux antisémites. » Car « l’antisémitisme est une question qui dépasse les juifs, et dit quelque chose des sociétés ou il se développe », martèle-t-il.
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