TERRORISME - La menace terroriste prend de l’ampleur en France. Alors que l’attentat d’Arras signait mi-octobre la fin d’une longue période sans attaque terroriste dans l’Hexagone, le patron de la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) en poste depuis 2018, Nicolas Lerner, dresse un constat peu optimiste pour les années à venir après la nouvelle attaque survenue samedi à Paris.
Et c’est dans un entretien pour le journal Le Monde ce mercredi 6 décembre que le patron du renseignement intérieur français a fait la liste des facteurs, au nombre de trois, ayant favorisé ce retour de la menace terroriste « après une période d’un an et demi sans attentat ».
En premier lieu, Nicolas Lerner cible « l’ancrage persistant dans l’idéologie djihadiste de profils expérimentés et animés d’une volonté intacte de nous frapper ».
À ce sujet, le patron de la DGSI liste « 391 détenus aujourd’hui incarcérés pour des faits de terrorisme ». Mais parmi eux subsiste un « noyau dur » d’une cinquantaine d’individus emprisonnés pour une longue durée mais dont le profil est « particulièrement inquiétant ».
Et malgré le travail de ses services pour anticiper au mieux les menaces, notamment en cas de libération d’un ancien détenu radicalisé, il reconnaît le risque -presque éternel- d’un « passage à l’acte soudain, soit au terme d’un comportement dissimulateur, soit du fait d’une décompensation, sans qu’il y ait forcément de signes avant-coureurs ».
« Enfermement idéologique »
Comme deuxième facteur, Nicolas Lerner évoque une « redynamisation de la mouvance endogène, singulièrement portée par de très jeunes individus ». Une menace venue de l’intérieur des frontières françaises donc, qu’il explique notamment par l’avènement des réseaux sociaux.
« Les trois projets d’attentat déjoués par la DGSI en 2023 impliquaient des individus qui avaient tous moins de 20 ans. Le plus jeune avait 13 ans. Deux autres avaient 14 ans. Dans plusieurs de ces affaires (...) ces jeunes velléitaires ne fréquentaient pas de mosquées ni des lieux de socialisation : ils se structuraient en ligne, sur les réseaux sociaux, à travers un enfermement idéologique et numérique très préoccupant », admet-il.
Et après plusieurs années où « l’idéologie djihadiste a significativement diminué », « la propagande de l’État islamique revient aujourd’hui séduire une nouvelle génération d’adolescents », en quête d’identité ou à la recherche de « l’écho d’un discours de victimisation, d’une glorification de pulsions violentes ».
Une tendance d’ailleurs prouvée par trois années sans qu’« aucun auteur d’attentats commis en France ne [se soit] revendiqué de l’EI ». En revanche, lors des trois dernières attaques en Europe (Bruxelles, Arras et Paris) « l’auteur s’est revendiqué de ce groupe » à chaque fois, observe encore Nicolas Lerner.
Les braises du conflit au Proche-Orient
Dernier point, et non des moindres : « le retour de la menace en lien avec des théâtres extérieurs ». À ce sujet, impossible d’éviter la résurgence du conflit israélo-palestinien depuis l’attaque du Hamas le 7 octobre.
Selon lui, cette guerre a « indéniablement » des « conséquences directes sur la menace en France ». Une affirmation encore confirmée récemment par le suspect de l’attentat survenu samedi à Paris qui avait évoqué le conflit au Proche-Orient dans sa revendication.
« Al-Qaida et l’État islamique, ont appelé à travers plusieurs dizaines de communiqués à une réaction de solidarité à l’égard des ’frères palestiniens’ », explique-t-il, avant d’ajouter que « dans le même temps fleurit une série de discours irresponsables qui tendent à présenter la France comme la ’complice inconditionnelle’ de l’État d’Israël dans son ’entreprise de génocide du peuple palestinien’ ». Des discours qui impliquent de pointer du doigt la France et de la désigner comme cible légitime.
Concernant le champ d’action de ce qu’il nomme les « théâtres extérieurs », le patron du renseignement intérieur cite trois espaces bien identifiés. À savoir : « la zone sahélienne et africaine », le « théâtre syro-irakien » et enfin le « théâtre afghan, où le nombre de combattants de l’EI a presque décuplé depuis deux années ». Trois terreaux particulièrement fertiles pour la menace terroriste qui se sont d’ailleurs illustrés récemment par des actes d’attentats déjoués sur le territoire français ou européen.
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